Endométriose : la nutrition, une composante majeure de la prise en charge

09/04/2021 Par Brigitte Blond
Gynécologie-Obstétrique

Au-delà des traitements médicamenteux, voire chirurgicaux, la nutrithérapie permet de réduire l’inflammation et ainsi les douleurs associées à l’endométriose. Entretien avec Fabien Piasco*, nutritionniste à Challes-les-Eaux.    Egora-le Panorama du Médecin. Que sait-on de l’endométriose et de ses liens avec l’alimentation ? Fabien Piasco. On connaît encore mal les déterminants de l’endométriose, une maladie gynécologique pourtant fréquente puisqu’elle concerne une femme sur 10. Elle est probablement multifactorielle et trois types de facteurs participent à son développement et son entretien. Le premier, l’inflammation, accroît les symptômes de la maladie. L’endométriose est caractérisée par la migration de fragments de muqueuse hors de l’utérus qui vivent pour leur propre compte et abritent des médiateurs de l’inflammation et de la douleur, générateurs d’une inflammation accrue sur la vessie, le rectum, le péritoine, etc. Deuxième facteur d’amplification de la symptomatologie, le stress oxydatif, qui dépasse les capacités anti-oxydantes de l’organisme. Enfin, les facteurs environnementaux peuvent constituer des perturbateurs hormonaux : pesticides, PCP, dioxines, phtalates, etc. ; ils créent des déséquilibres, excès d’estrogènes et résistance à la progestérone, désordres qui ne se traduisent pas forcément dans les bilans biologiques, sanguins ou urinaires, mais directement dans les organes concernés des patientes souffrant d’endométriose. Les récepteurs à estrogènes y seraient 100 fois plus exprimés.

  Quels sont les potentiels effets des différents aliments ? A l’évidence, l’alimentation n’est pas neutre et peut transformer, dans le bon sens, la qualité de vie. Il est effectivement possible d’influer sur ces trois axes, de l’inflammation, de l’oxydation et des perturbations endocriniennes liées aux toxiques environnementaux. Les études d’observation nous apprennent qu’il existe un lien entre consommation de charcuterie et de viande rouge et les douleurs d’endométriose ; que celle de fruits et légumes est associée en revanche à...

une réduction de ce risque de douleurs. Les “grosses“ consommatrices d’acides gras trans ou d’acide palmitique augmente aussi ce risque. Pour celles qui consomment en abondance des oméga 3, DHA ou EPA, le risque apparait en revanche diminué de 22 % par rapport aux “petites“ consommatrices. A l’inverse, la symptomatologie est dégradée en cas de consommation élevée d’oméga 6 (précurseur des prostaglandines inflammatoires). D’après les quelques études d’intervention dont nous disposons, un régime sans gluten améliore significativement les douleurs et accroît l’efficacité du traitement médical (progestatif). Un régime dénué de Fodmaps (de sucres fermentescibles, édulcorants inclus) réduit les troubles fonctionnels digestifs. Enfin, une alimentation pauvre en nickel (pro-inflammatoire et possiblement métallo-estrogène) mime les effets d’un régime sans gluten.

  Qu’est-il conseillé d’éviter ? On ne peut pas parler d’interdiction de tel ou tel groupe d’aliments parce que le degré d’intolérance est différent pour chaque femme. Mieux vaut, plutôt que de supprimer définitivement, à l’aveugle, arrêter pour un temps, observer l’évolution de la situation douloureuse, et réintroduire pour juger de la réalité des effets d’un aliment donné. A tester en premier lieu, les produits laitiers, et ce, pour plusieurs raisons. Ils peuvent être à l’origine d’intolérance -les femmes qui ont une endométriose en ont plus volontiers-, ce qui induit des réactions d’immunoinflammation. Par ailleurs, le lait fixe les perturbateurs endocriniens dont la dioxine (il est le premier vecteur alimentaire de dioxine) ; il contient des phtalates (via les trayeuses), des acides gras  trans et des hormones. A savoir, l’alcool élève le taux d’estrogènes circulant et altère la barrière intestinale. Celle-ci peut être rendue plus perméable aux médiateurs de l’inflammation aussi en cas d’hypersensibilité au gluten. La vitamine D, 3500 UI/jour, diminue les douleurs et les marqueurs inflammatoires, de même qu’une complémentation de zinc ou d’oméga 3 (amandes, graines de chanvre, etc.). La curcumine également, anti-inflammatoire et anti-oxydante, peut être indiquée, ainsi que les catéchines d’un thé vert. A noter enfin, que les progestatifs au long cours entraînent une dysbiose, facteur d’inflammation, et que les antalgiques opiacés aggravent des problèmes intestinaux.    

Entre TFI et tableau gynécologique
« Le sujet est complexe, les connaissances encore à l’état de pistes et le cas d’une patiente n’est pas transposable à une autre, chacune répondant de façon variable aux interventions diététiques », résume le Dr Jérôme Capdet, gynécologue (Clinique Rive Gauche à Toulouse*). A l’endométriose, sont souvent associés des troubles fonctionnels intestinaux, ce qui d’ailleurs “brouille“ l’examen, et aggrave l’errance diagnostique. « Une alimentation anti-inflammatoire, dénuée de gluten et/ou Fodmaps, permet de calmer « le feu », et l’inflammation en général, améliorant la symptomatologie, y compris gynécologique (dysménorrhée, dyspareunie, etc.) », observe-t-il. Pour mettre toutes les chances de son côté, de réduction de l’inflammation (et des douleurs qui lui sont liées), en évitant l’écueil des carences alimentaires, un accompagnement “nutritionnel“ est recommandé.
*Établissement membre de SantéCité, partenaire de l’association EndoFrance, www.endofrance.fr
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