"Expéditive", "inutile"... Polémique autour d'une possible revalorisation de la consultation d'aptitude à la conduite
L'examen médical du permis de conduire pourrait très bientôt être revalorisé, selon un projet d'arrêté actuellement dans les tuyaux. Aujourd'hui rémunérée 36 euros, cette consultation pourrait passer à 50 euros. Une réforme "profondément injuste" pour la Fédération des diabétiques, qui rappelle que cette visite n'est pas prise en charge.
Les honoraires versés aux médecins de ville agréés pour le contrôle médical d'aptitude à la conduite pourraient bientôt être revalorisés. Un projet d'arrêté visant à réévaluer le tarif de l'examen médical du permis de conduire attendrait une validation officielle par les cabinets des ministères de l'Intérieur et de la Santé, a-t-on appris.
Le tarif de cette visite médicale pourrait passer de 36 à 50 euros pour les médecins agréés exerçant dans leur cabinet, et de 50 à 80 euros pour la commission médicale composée de deux médecins agréés, qui se réunit en cas d'infraction liée à une consommation de stupéfiants ou d'alcool.
Ce projet d'arrêté, fermement dénoncé par la Fédération des diabétiques dans un communiqué de presse, "devrait voir le jour d'ici la fin de l'année ou le début d'année prochaine", indique à Egora la responsable des affaires publiques de l'association, Léonie Gerbier. Sa mise en œuvre pourrait toutefois être retardée du fait du récent départ de la déléguée interministérielle à la Sécurité routière, Florence Guillaume. Un poste occupé par intérim par Michèle Lugrand depuis le 1er septembre.
Contacté par Egora, le Dr Dominique Richter, président du Syndicat des médecins du permis de conduire (Smacmac), "seule organisation habilitée à négocier" avec la Délégation à la sécurité routière (DSR)*, confirme l'existence d'un tel projet. "Mais il n'est pas encore formalisé", précise le généraliste, étonné de voir l'information être divulguée via un communiqué. "Les tractations entre notre syndicat et la DSR sont confidentielles."
Le syndicat de médecins agréés réclamait de longue date 50 euros pour l'examen médical d'aptitude à la conduite. Le tarif de cette consultation est en effet "bloqué depuis le 1er mai 2017", rappelle Dominique Richter.
La plupart du temps les patients sont face à un médecin expéditif qui prend l'argent et regarde à peine son interlocuteur
Du côté de la Fédération des diabétiques, cette augmentation ne passe pas. "Il s'agit d'une mesure profondément injuste, qui viendrait impacter fortement le portefeuille des personnes qui vivent avec un diabète, déjà largement mis à mal par les multiples hausses du coût de la santé, et qui sera encore aggravé par le doublement annoncé des franchises et participations forfaitaires", fustige l'association.
Cette dernière souligne que cette visite médicale est "déjà vécue comme un fardeau par les personnes qui y sont soumises, qui sont nombreuses à n'y voir aucune utilité : les médecins agréés qui la réalisent en cabinet sont perçus comme expéditifs, et la plupart connaissent insuffisamment le diabète pour évaluer réellement la situation de la personne", tacle la fédération. "Nous avons un service juridique qui est appelé toutes les semaines au sujet du permis de conduire […] Le plus souvent parce que les patients veulent nous faire remonter des problématiques qu'ils ont rencontrées lors des entretiens avec les médecins agréés", rapporte Léonie Gerbier.
"Soit le médecin ne connaît pas du tout le diabète : il va demander au patient s'il se sent bien, s'il connait son risque d'hypoglycémie et paf mettre un tampon. Ça dure 30 secondes pour 36 euros. Soit le médecin va demander des justificatifs à n'en plus finir à des personnes qui connaissent très bien leur pathologie et viennent souvent avec un justificatif de leur diabétologue ou de leur médecin traitant pour prouver que l'équilibre du diabète est bon. On n'a pas de juste milieu", observe la responsable des affaires publiques de la fédération.
Et d'ajouter : "La plupart du temps on est face à la première situation avec un médecin expéditif qui, clairement, prend l'argent et regarde à peine son interlocuteur dans les yeux." La fédération dénonce par ailleurs le paiement en espèces imposé par certains médecins agréés. "Des patients nous disent que le médecin leur a demandé de retirer de l'argent alors même qu'il y a parfois un TPE sur le bureau. […] Il y a clairement dans la tête de certaines personnes l'idée qu'il pourrait y avoir de l'argent qui serait fait au black", rapporte Léonie Gerbier, précisant qu'il n'est "pas question d'accuser les médecins de quoi que ce soit".
Il faut arrêter de prendre les médecins pour des bandits
Des affirmations que Dominique Richter rejette en bloc : "Dire que les médecins travaillent de façon expéditive, c'est une honte. Ils attaquent les médecins en quelque sorte. Chez moi l'examen d'un usager dure entre 20 et 25 minutes." "Il faut arrêter de prendre les médecins pour des bandits", exhorte-t-il, réfutant les allégations selon lesquelles les médecins agréés imposeraient le paiement des rendez-vous en espèces. "C'est du n'importe quoi. Le mode de paiement est tout à fait légal : espèces, carte bancaire ou chèque", assure-t-il.
Et de défendre l'utilité de cet examen : "Pour le diabète, il y a des règles très strictes : depuis l'arrêté du 28 mars 2022, on ne doit voir que les diabétiques sous insuline ou qui ont un traitement qui entraîne une hypoglycémie. Les autres – un diabétique qui prend de la metformine seule par exemple – ne sont plus tenus de faire une visite médicale […] On n'est pas là pour empêcher les gens de conduire mais pour qu'ils conduisent en toute sécurité, qu'ils ne fassent pas de malaise hypoglycémique au volant."
Le syndicaliste, par ailleurs formateur, rappelle que le temps de formation des médecins agréés a été "doublé pour faire passer plus d'informations". "C'est normal que tout ça se paie !"
La Fédération des diabétiques promet, de son côté, de "ne pas lâcher l'affaire". Léonie Gerbier affirme que la DSR se serait engagée à fournir un cadre plus strict sur le déroulé de la visite médicale "pour faire en sorte que celle-ci soit mieux acceptée par les patients" et qu'elle ait "un aspect plus préventif qu'aujourd'hui avec, par exemple, un contrôle de la vision, qui n'est pas réalisé à chaque fois".
"On est preneur d'une mesure qui vise à renforcer le caractère médical de la visite", poursuit la représentante de la fédération. "On voudrait d'abord voir comment se passent ces nouvelles visites. Si vraiment il y a une amélioration du service médical rendu, peut-être qu'on pourra réfléchir ensemble à revaloriser la consultation, mais pour nous ça ne pourra pas se faire sans une prise en charge", insiste-t-elle.
*Contactée, la Sécurité routière n'a pas répondu à nos sollicitations.
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