immunothérapie

L'oncologie en route vers de nouvelles pratiques

Le congrès 2025 de l'American Society of clinical oncology, organisé du 31 mai au 3 juin à Chicago, a mis à l’honneur de nouvelles molécules efficaces et spécifiques, ainsi que de nouvelles modalités de prise en charge, notamment dans certains cancers du sein et certains cancers digestifs. 

17/06/2025 Par Muriel Pulicani
Asco 2025
immunothérapie

"C’est une édition extrêmement riche, avec de nombreuses études de phase III qui poursuivent les avancées annoncées en 2024 (immunothérapies, anticorps conjugués, ADN circulant…) et promettent des modifications de nos pratiques", a souligné la Pre Muriel Dahan, directrice de la R&D d’Unicancer, lors d'une conférence de presse organisée par l'instance pour la clôture du congrès de l’American Society of clinical oncology (Asco), le 3 juin, à Chicago. "Des études randomisées transformantes répondent à des questions que l'on se posait depuis longtemps", a ajouté le Pr Jean-Yves Blay, oncologue médical, directeur du centre Léon-Bérard à Lyon et président d’Unicancer. 

Cancer du sein : une nouvelle hormonothérapie pour la mutation ESR1

Ainsi, dans le cancer du sein avancé HR+/HER2-, qui représente 70% des cancers du sein, une nouvelle classe d’hormonothérapie a été présentée, les proteolysis targeting chimera (Protac). Le vepdegestrant, un dérégulateur sélectif des récepteurs des œstrogènes (Serd) développé conjointement par le laboratoire Pfizer et la société américaine de biotechnologies Arvinas, a été comparé au fulvestrant injectable dans le cancer du sein hormonodépendant métastatique, chez 624 patientes ayant déjà reçu un traitement avec inhibiteur CDK4/6 et une endocrinothérapie, dans l’étude de phase III Veritac-2. Administré au moment de la rechute, il a amélioré la survie sans progression (5 mois contre 2,1 mois avec le comparateur) dans le seul sous-groupe de 270 participantes avec mutation ESR1. La tolérance était relativement bonne : des effets indésirables de grade 3 ou plus sont survenus chez 23 % des sujets contre 18 % sous fulvestrant, entraînant respectivement 3% et 1% d’arrêt de traitement. Les principaux effets secondaires étaient la fatigue (27 % versus 16 % dans le groupe contrôle), l’augmentation des taux d’Alat et d’Asat (14 % vs 10 %) et des nausées (13 % vs 9 %). "Le vepdegestrant pourrait constituer une option potentielle de traitement oral pour les patientes avec mutation ESR1", a commenté Muriel Dahan. 

L’inavolisib confirme ses bénéfices dans la mutation PIK3CA

Dans le cancer du sein avancé HR+/HER2- avec mutation du gène PIK3CA, observée dans 40 % des cas, les bénéfices de l’inavolisib (Itovebi, Roche) ont été démontrés sur le long terme. L’étude de phase III Inavo120 a enregistré des gains de survie globale et de survie sans progression significatifs avec l'utilisation de cet inhibiteur associé au palbociclib et au fulvestrant, par rapport au placebo + palbociclib + fulvestrant. La probabilité de survie était de 87% à 12 mois et de 56,5% à 30 mois dans le premier bras, contre 76,7% et 46,3% dans le bras placebo, et les taux de réponse objective de 69,7% et 28%, respectivement. Le délai avant chimiothérapie adjuvante a été reporté de deux ans : 35,6 mois sous inavolisib contre 12,6 mois sous placebo. 90,7% des sujets du groupe 1 et 84,7 % des sujets du groupe 2 ont ressenti des effets indésirables de grade 3/4.

La trithérapie a été approuvée en octobre dernier par la FDA américaine, et en mai 2025, le Comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’Agence européenne du médicament a recommandé l’octroi d’une autorisation dans le cancer HR+/HER2- avec mutation PIK3CA, localement avancé ou métastatique, après récidive ou dans les douze mois suivant la fin d’un traitement endocrinien adjuvant. 

Un possible traitement de première ligne dans le cancer du sein triple négatif

Un nouveau standard de traitement pourrait émerger dans le cancer du sein triple négatif. "L’étude n’est pas complètement validée, mais les données sont tout à fait encourageantes", a noté Muriel Dahan. La combinaison de première ligne sacituzumab govitecan (Trodelvy, Gilead Sciences) + pembrolizumab (Keytruda, MSD) a permis une survie sans progression de 11,2 mois contre 7,8 mois sous chimiothérapie et pembrolizumab dans le cancer du sein triple négatif, PD-L1 positif, non traité auparavant, inopérable, localement avancé ou métastatique, selon l’étude de phase III Ascent-04/Keynote-D19 conduite sur 443 patientes. Le taux de survie sans progression était de 72% à six mois et de 48% à douze mois dans le groupe 1, contre 63% et 33% dans le groupe 2, les taux de réponse objective de 60% contre 53%.

La quasi-totalité des patientes ont souffert d’effets secondaires indésirables, dont 71% et 70% de grade 3 ou plus, conduisant à des arrêts de traitement dans 28% et 19% des cas, respectivement. Sept décès sont à déplorer dans chacun des groupes, dont trois corrélés au traitement dans le groupe 1 et 1 dans le groupe 2. 

Les TTFields gagnent la sphère digestive

Une autre technique pourrait devenir un standard de la prise en charge, les champs de traitement des tumeurs (TTFields) qui consistent en l’administration d’un champ électrique, perturbant ainsi la division des cellules cancéreuses. Déjà approuvés dans le glioblastome, le mésothéliome pleural et le cancer du poumon non à petites cellules métastatique, ils ont été testés en association avec la gemcitabine et le nab-paclitaxel dans l’adénocarcinome canalaire pancréatique localement avancé dans l’étude de phase III Panova-3 menée sur 571 patients nouvellement diagnostiqués d’un cancer non résécable. Elle a montré une amélioration significative de la survie globale (16,2 mois contre 14,2 mois avec le comparateur, le nab-paclitaxel seul), du taux de survie à un an (68,1 % contre 60,2 %), de la survie sans douleur (15,2 mois contre 9,1 mois) et de la survie sans progression à distance (13,9 mois contre 11,5 mois), sans augmentation de la toxicité systémique. "Nous attendons des données supplémentaires sur la qualité de vie, mais c’est une voie très intéressante", a estimé Muriel Dahan. 

L’immunothérapie en périopératoire

Une autre approche a été testée : l’adjonction en périopératoire d’une immunothérapie, le durvalumab (Imfinzi, AstraZeneca), à la chimiothérapie Flot (fluoro-uracile + leucovorine + oxaliplatine + docétaxel) dans le cancer gastrique et de la jonction gastro-œsophagienne résécable métastatique. L’essai de phase III randomisé en double aveugle Matterhorn, qui a inclus 948 patients, a montré une amélioration statistiquement significative de la survie sans événement à deux ans (67% contre 58,5% dans le groupe placebo + Flot), de la survie globale (75,7% contre 70,4%) et de la réponse complète au traitement (19,2% contre 7,2%).  

L’activité physique prouve son impact sur la survie

S’il est admis que l’exercice physique joue un rôle important en prévention primaire et secondaire des cancers, rares étaient les études venant étayer cet argument... jusqu’à présent. "Challenge est la première étude qui démontre de manière rigoureuse cet impact", a relevé le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer. L’essai a été conduit entre 2009 et 2023 dans six pays, auprès de 889 patients ayant 61 ans d’âge médian, dont 90% atteints d’un cancer du côlon de stade III et 10% d’un cancer du côlon de stade II à haut risque, avec une probabilité de récidive de 30%. Après chirurgie et chimiothérapie adjuvante, les participants ont bénéficié d’une surveillance standard et de soins de suivi, et ont été randomisés en deux groupes, l’un bénéficiant d’un programme structuré d’exercices, l’autre recevant de simples recommandations.

La prescription d’une activité physique adaptée et l’accompagnement des patients (coaching) ont permis une diminution du risque de réapparition de la maladie (93 cas dans le groupe 1 contre 131 dans le groupe 2) et une amélioration de la survie sans maladie (80% à cinq ans contre 74%) et de la survie globale (90% à huit ans contre 83%). Des bénéfices qui s’ajoutent à ceux déjà observés en termes de réponse au traitement et de qualité de vie. 

Efficacité des traitements : la chronobiologie à l’œuvre

Administrer une chimio-immunothérapie combinée tôt dans la journée apporterait un "bénéfice considérable", a rapporté le Dr Maurice Pérol, pneumologue au centre Léon-Bérard à Lyon. La première étude prospective sur ce sujet, coordonnée par Francis Lévi (université Paris-Saclay, hôpital Paul-Brousse de Villejuif, Val-de-Marne) et Zhe Huang (Hunan Cancer Hospital, Changsha, Chine), porte sur une cohorte de 165 patients en France et une cohorte de 548 patients en Chine, traités pour un cancer du poumon non à petites cellules de stade IIIc-IV. La survie globale médiane était de 33 mois pour ceux ayant reçu le traitement avant 11h30, contre 19,5 mois pour ceux l’ayant reçu après. Des différences statistiquement significatives ont également été trouvées en termes de survie sans progression et de taux de réponse. "Une étude menée par le centre Léon-Bérard sur près de 400 patients va dans le même sens", a signalé son directeur, le Pr Jean-Yves Blay. "C’est une étude intrigante, mais à confirmer", a repris le Dr Pérol. Des essais randomisés seront nécessaires pour valider ou non ces observations. 

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