
Femmes enceintes : la vaccination à la peine
Malgré de récents progrès, la couverture vaccinale des femmes enceintes demeure très insuffisante en France. Parmi les causes principales, l’absence de proposition par les professionnels de santé, ainsi qu’une méfiance vaccinale.

À ce jour, quatre vaccins sont préconisés chez la femme enceinte. Ceux contre le Covid-19 et contre la grippe, à administrer en début d’automne, protègent aussi bien la mère que l’enfant à naître, notamment des risques de fausse couche, de prématurité et de retard de croissance in utero. Celui contre la coqueluche vise avant tout à protéger le nouveau-né, avant qu’il puisse à son tour bénéficier du vaccin DTCaP. Dernier venu, le vaccin contre le VRS, recommandé depuis 2024, vise à prémunir l’enfant de la bronchiolite, dont ce virus est responsable de 50 à 70 % des cas.
Si la grande efficacité préventive et l’excellent profil de sécurité ne font plus de doute, la couverture vaccinale des femmes enceintes demeure à un niveau médiocre en France, malgré une récente embellie. De seulement 7,6 % en 2016, celle de la grippe a atteint 30,4 % en 2021 (selon l’Enquête nationale périnatale 2021), en raison d’une sensibilité publique accrue aux infections respiratoires au cours de la pandémie Covid-19. Le vaccin contre le Covid-19 a, quant à lui, atteint une couverture de 70 % début 2022, un taux inférieur à la population générale féminine. Les données manquent depuis la mise en place des rappels saisonniers.
Dépenses de santé : faut-il responsabiliser davantage les patients?

Severine Dardel
Oui
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Du côté du VRS, les chiffres de la première saison vaccinale ne sont pas encore disponibles. « La couverture vaccinale sera à suivre au regard du taux d’immunisation passive néonatale [par l’anticorps monoclonal nirsévimab, NDLR], qui a connu un grand succès », rappelle l’Académie nationale de médecine. Quant au vaccin contre la coqueluche, sa couverture a atteint 62,3 % en 2024 chez les femmes enceintes, contre 43,4 % en 2023, soit +18,9 % en un an, selon Santé publique France. « Elle atteignait 75 % pour les femmes ayant accouché en décembre 2024 contre 52 % chez celles ayant accouché en mars 2024 », ajoute Santé publique France. Ce sursaut vaccinal semble en grande partie lié à l’épidémie de coqueluche de 2024, à l’origine de 20 décès chez des enfants de moins de 1 an.
Absence de proposition, méfiance vaccinale
Comment expliquer l’insuffisance vaccinale chez les femmes enceintes ? Première cause selon l’Enquête nationale périnatale 2021, l’absence de proposition par les professionnels de santé, évoquée par 41,4 % des femmes interrogées. « Aucune consultation n’étant spécifiquement dédiée à la vaccination pendant le suivi de grossesse, la vaccination repose sur la motivation du médecin ou de la sage-femme. Elle est donc souvent reportée ou oubliée en raison d’autres priorités, par manque de motivation ou simplement faute de temps », pointe l’Académie nationale de médecine.
Autre facteur, la méfiance vaccinale, ainsi qu’une fréquente méconnaissance quant à l’impact des maladies sur l’issue de la grossesse et la santé de l’enfant. Selon l’Enquête nationale périnatale 2021, la peur d’effets indésirables pour l’enfant (23,9 %), l’absence de crainte vis-à-vis de la grippe (22 %), la méfiance envers les vaccins (21,9 %), la peur d’effets indésirables pour la femme (15,8 %) constituent des raisons majeures de non-vaccination.
Les résultats encourageants de l’entretien motivationnel
Décrit au début des années 1980, d’abord utilisé en addictologie, l’entretien motivationnel pourrait permettre de dénouer l’hésitation vaccinale des femmes enceintes. Testé avec succès au Québec chez les femmes en post-partum afin de les encourager à vacciner leurs enfants, il est en cours de déploiement dans la Belle Province via le programme Emmie, qui prévoit la mise en place de conseillers vaccination dans chaque maternité.
Plutôt que de livrer des informations de manière directive, il s’agit de « laisser les personnes exprimer leurs craintes, de leur montrer qu’on les comprend et qu’on veut les aider. C’est le moyen le plus efficace de les faire changer, a expliqué le Pr Arnaud Gagneur, pédiatre néonatologue à l’hôpital Fleurimont (Sherbrooke, Québec), lors d'un webinaire « Vaccination & grossesse », organisé par la Société française de médecine périnatale (2 avril) . « D’ici dix ans, nous estimons pouvoir atteindre toute la population des parents et des personnes en âge d’avoir des enfants [du Québec]. Ce qui constituerait une masse critique suffisante pour changer la perception de la vaccination dans la population québécoise. »
En France, où l’hésitation demeure élevée chez les jeunes mères malgré l’obligation vaccinale des enfants, une étude pilote, menée en 2021 et 2022 dans des maternités de Marseille et Toulon, a aussi livré des résultats très favorables en post-partum(1). Bien plus efficace qu’un simple livret d’information, l’entretien motivationnel a accru de 8 % le taux de femmes résolues à faire vacciner leur enfant, et jusqu’à +24 % chez les mères initialement les plus réticentes. « Des études sont en cours pour valider cette approche dans le contexte de la grossesse », indique l’Académie.
Sources : Verger P, et al. Eurosurveillance, 1er septembre 2023.
Au sommaire de ce dossier :
-Comment le Gouvernement veut améliorer la vaccination des seniors
-Vaccins anti-grippaux : la HAS recommande de privilégier Efluelda et Fluad chez les sujets âgés
-Infections à méningocoques : Renforcement des obligations et recommandations vaccinales
-HPV : un rattrapage vaccinal recommandé à tous jusqu’à 26 ans
-L'adhésion à la vaccination marquée par les inégalités sociales
-Chikungunya : restriction des recommandations vaccinales à La Réunion
-Tuberculose : recherche vaccinale, où en est-on ?
-Démence : une étude suggère un rôle préventif du vaccin contre le zona
Références :
D’après un webinaire « Vaccination & grossesse », organisé par la Société française de médecine périnatale (2 avril) ; et d’après « Vaccination des femmes enceintes : répondre aux enjeux actuels », rapport de l’Académie nationale de médecine, 11 mars 2025, « Vaccination en France, bilan de la couverture vaccinale en 2024 », Santé publique France, 28 avril 2025, et « Enquête nationale périnatale, rapport 2021 », Santé publique France, octobre 2022.
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