A Strasbourg, le CeeD à la pointe de la diabétologie

05/07/2021 Par R.L.
Diabétologie

Créé en 1991, le Centre européen d’étude du diabète (CeeD), institut de recherche médicale situé à l’hôpital de Hautepierre, continue à porter haut l’innovation, pour la recherche comme pour les patients. Le point avec le Pr Michel Pinget, président-fondateur du CeeD. 

 

Egora : Au cours de ses 30 années d’existence, quels ont été les principaux apports du CeeD à la lutte contre le diabète ? 

Pr Michel Pinget : L’un de nos plus grands apports a été la reconnaissance du CeeD, entre 1996 et 2008, comme centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour le diabète en France. Nous avons travaillé sur la présence du diabète aux Caraïbes, et avons mené une importante étude épidémiologique sur le Cambodge, qui a montré une prévalence très élevée dans le pays. Ces travaux ont contribué à former les diabétologues cambodgiens, et plus largement à comprendre la problématique de la pandémie de diabète de type 2. 

Après les pompes à insuline portables et implantables [respectivement depuis 1979 et 1989 pour des patients strasbourgeois], nous avons été les premiers en France à effectuer une greffe d’îlots pancréatiques [en 1999]. A ce jour, elle reste limitée aux diabétiques recevant une greffe rénale, ou à ceux dont l’hypoglycémie fait courir un risque vital. Pour chaque patient greffé, il nous faut quatre donneurs, tandis que la durée de vie des greffons demeure limitée de deux à cinq ans. C’est pour cela que nous explorons la piste de l’immunoprotection. 

 

Justement, quelles sont les pistes de recherche explorées par le CeeD ? 

Depuis 2016, nous travaillons sur les liens entre les muscles et le pancréas. Les muscles libèrent des substances, les myokines, de manière différente d’un muscle à l’autre, mais aussi d’un individu à l’autre. Le triceps joue un rôle particulièrement fondamental pour le pancréas : ses sécrétions sont extraordinairement protectrices. Parmi elles, la myokine X, dont nos expériences in vitro ont montré qu’elle augmentait la survie des cellules des îlots de Langerhans et la production d’insuline. Nous avons reproduit ces résultats in vivo, notamment chez une lignée de rats développant spontanément un diabète. Au lieu de mourir à 12 semaines, comme ils le font sans traitement, les animaux traités à la myokine X ont survécu jusqu’à 80 semaines, en bonne santé, avec une glycémie normale. 

Fin 2020, nous avons créé une start-up, ILONOV, dont le but est de transformer la myokine X en médicament. Nous travaillons actuellement à la production de cette molécule. Après des études précliniques, nous mènerons de premiers essais chez l’homme en 2024. Dans un premier temps, nous viserons les personnes atteintes d’un diabète de type 1 recevant une greffe d’îlots pancréatiques, ce qui permettrait de multiplier par quatre ou cinq le nombre de personnes qui pourraient en bénéficier. Mais à terme, notre objectif c’est le diabète de type 2. Notre espoir, c’est que cette biothérapie ralentisse ou prévienne le passage du prédiabète au diabète, voire qu’elle puisse guérir un diabète. 

 

Au-delà de ses activités de recherche, le CeeD s’est équipé en novembre 2020 d’un Institut prévention santé diabète Grand Est (IPSDE). En quoi la prise en charge des patients diabétiques y diffère-t-elle ? 

C’est un centre de santé qui offre aux patients une prise en charge totale du diabète, reposant sur neuf endocrinologues, mais aussi des diététiciens, des éducateurs médicaux et sportifs. Solution intermédiaire entre médecine hospitalière et libérale, il propose un package complet, avec de la télémédecine et de l’éducation thérapeutique. Depuis sa création, nous avons vu un total de 3.000 patients, à raison de 200 consultations par semaine. L’IPSDE s’est par ailleurs doté d’une Maison sport santé, où le patient peut soit faire du sport sur place, soit recevoir des conseils sur la manière d’en faire chez soi. Ce qui rejoint nos propres pistes de recherche, basées sur les relations du pancréas avec les muscles ! La Maison sport santé nous permettra d’ailleurs de tester de nouvelles approches, d’amener les innovations au plus près des patients. 

 

Pensez-vous qu’il sera possible d’infléchir l’épidémie de diabète, qui explose à travers le monde ? 

Pour l’instant, la prévalence ne cesse d’augmenter. On estime qu’il y a 470 millions de personnes diabétiques dans le monde, dont la moitié ignore l’être. En France, environ 5% de la population est traitée pour un diabète, mais on estime que 1,2% se savent diabétiques sans être traités et que 1,7% ne savent pas qu’ils sont atteints. Si la prévalence continue d’augmenter, les complications ne sont plus en hausse. Certaines voient même leur fréquence diminuer, par exemple les amputations et les mises sous dialyse, tandis que les AVC continuent d’augmenter. En revanche, on observe depuis 2017 une baisse d’incidence du diabète, qui pourrait être liée à une amélioration de l’hygiène de vie et de l’activité physique. Le même phénomène est observé chez les enfants, dont on voit le taux d’obésité diminuer. 

 

*Le Pr Pinget déclare avoir une participation financière dans le capital de l’entreprise ILONOV, avoir des liens durables ou permanents avec l’entreprise ASDIA, participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour : NovoNordisk, AstraZeneca, Sanofi, et Orkyn.

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