"Il n’est pas interdit à un généraliste d’utiliser le midazolam"

06/02/2020 Par V.H.
Ethique
La Haute Autorité de santé devrait publier de manière imminente de nouvelles recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge médicamenteuse antalgique en fin de vie. Pour le Dr Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie interrogée par Egora, le midazolam devrait être accessible en ville, "dans les mêmes conditions que la morphine".

    Egora : Quelle est votre réaction à la mise en examen de ce généraliste normand ? Véronique Fournier : La justice fait son travail et je n’ai pas à le commenter. Néan­moins, il faut rappeler qu’il n’est nullement interdit à un médecin généraliste d’utiliser le midazolam. Simplement, ce médicament n’est aujourd’hui pas accessible en pharma­cie de ville.
  Faudrait-il donc le rendre plus facilement disponible ? Oui, c’est un médicament qui devrait être accessible en ville, dans les mêmes condi­tions que la morphine, par exemple, c’est-à-dire avec une ordonnance sécurisée. Le médecin devrait également pouvoir dispo­ser, au cas où il en aurait besoin, d’une fiche pratique pour savoir comment l’utiliser, à quelle dose et dans quelles indications. En fait, le midazolam n’est qu’une benzodiazé­pine. Sa particularité est d’avoir une durée de vie courte et qui, par ailleurs, est très va­riable selon les patients. Cela veut dire que pour une même dose, on peut obtenir une sédation d’une profondeur et d’une durée variables. C’est cela qui fait dire à certains que son maniement est un peu délicat. Mais ce n’est pas une raison suffisante, à mon avis, pour dire qu’un médecin généraliste ne peut pas l’utiliser au domicile du patient. On peut éventuellement imaginer une ligne téléphonique pour aider les praticiens qui auraient des questions sur ce médicament, notamment s’ils l’utilisent rarement. Dans tous les cas, cela me paraît plus raisonnable que d’imaginer que l’on va pouvoir faire in­tervenir une HAD chez tous les patients en fin de vie.
  Dans quel cas le médecin devrait-il prescrire la HAD ? Il faut savoir que tous les patients n’ont pas forcément envie d’avoir une HAD car même si les équipes sont techniquement efficaces, cela reste un dispositif qui peut être vécu comme quelque chose de lourd et d’intrusif. Ce qu’il faut éviter, c’est que le patient soit transféré aux urgences en catastrophe alors que son souhait était de finir sa vie à la maison. Il faudrait, à mon avis, pouvoir réserver l’HAD pour les cas complexes. Heureusement, tous ne le sont pas. Pour tous les autres, il me paraît indis­pensable que les médecins puissent, de leur propre chef, décider d’apaiser des patients angoissés en fin de vie en leur prescrivant du midazolam.   En outre, la loi prévoit que la sédation profonde et continue soit possible au domicile. Est-ce le cas aujourd’hui ? Cela reste vraiment compliqué tant que le midazolam n’est pas accessible en ville, puisque c’est " la " molécule de la sédation. C’est pourquoi il faut changer cela. Par ail­leurs, la question d’une telle sédation se pose davantage dans les cas complexes que dans les cas tout-venant. Il est donc probable qu’une HAD ou une équipe des soins pallia­tifs sera le plus souvent déjà sur place dans ces situations. Ce qui aidera, ne serait-ce que pour la procédure collégiale que la loi impose dans ces cas-là. Mais j’insiste : un généraliste doit avoir les moyens de mettre en place et de suivre une sédation profonde et continue jusqu’au décès, sans nécessaire­ment une HAD. Ce qui ne veut pas dire qu’il doit décider et agir seul. Au contraire. Il faut qu’il discute, partage et explique ses déci­sions à tous les acteurs impliqués. Mais il est important qu’il reste la pièce maîtresse du dispositif d’accompagnement à la fin de vie, car c’est lui qui connaît le mieux le patient et sa famille et qui sera le meilleur garant que sa/leur volonté soit au mieux respectée.

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