Journée mondiale du diabète : la greffe d’îlots pancréatiques, un progrès majeur 

14/11/2022 Par Marielle Ammouche
Diabétologie
Récemment autorisée, après de nombreuses années d’expérimentations, la greffe d'îlots pancréatiques, constitue un progrès majeur pour les patients atteints d'un diabète de type 1 particulièrement instable. Elle "change la vie" des bénéficiaires.

 

"C'est révolutionnaire", affirme Valérie Rodriguez, qui, le 24 octobre, a été l'une des premières patientes en France à recevoir une telle greffe dans le cadre de soins courants (hors d'un projet expérimental et pris en charge par l'Assurance maladie), au CHRU de Strasbourg. Avant l'opération, cette ancienne formatrice bancaire avait testé de nombreux traitements, sans succès probant. "Je vivais en permanence avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête", explique à l'AFP cette énergique quadragénaire. "Il y a la crainte du coma hypoglycémique : par exemple, il m'est arrivé de me resucrer en conduisant sur l'autoroute." Depuis sa greffe, elle "revit". "Je n'ai plus ces variations de glycémie, mon corps se fatigue beaucoup moins. J'ai une pêche d'enfer, je me sens chanceuse. C'est génial cette technique", confie-t-elle peu avant la Journée mondiale du diabète, lundi 14 novembre. 

Cette "technique" consiste à implanter dans le foie du patient des îlots de Langerhans, cellules du pancréas responsables de la sécrétion d'insuline, prélevées chez un donneur non diabétique en état de mort cérébrale. Si Valérie Rodriguez n'a pas ressenti d'effet indésirable particulier, elle souligne néanmoins que, comme pour toute greffe, cette intervention nécessite de suivre un traitement anti-rejet à vie. Soit, dans son cas, "7 cachets à prendre le matin et 6 le soir". "Face aux hypoglycémies et aux malaises à répétition, je préfère mon petit déjeuner aux pilules, il n'y a pas photo", assure-t-elle. 

    

Une longue phase expérimentale 

Les premiers essais cliniques pour ce traitement ont eu lieu en 1999 au Canada puis en Europe, et se sont poursuivis pendant deux décennies. En 2020, la Haute Autorité de santé (HAS) a donné son feu vert à cette pratique pour certains profils de patients, "chroniquement instables". Ainsi, le CHRU de Lille est devenu, en décembre 2021, le premier établissement français à réaliser une telle greffe en soins courants, avant d'être imité par celui de Strasbourg. "C'était très solennel, il y avait 15 personnes au bloc opératoire, tout le monde voulait y assister !" se remémore Valérie Rodriguez. 

Pour les patients, "c'est un très grand pas en avant. Et pour nous médecins, c'est l'aboutissement d'une recherche clinique de très haut niveau, pluridisciplinaire, c'est une reconnaissance très forte", concède Laurence Kessler, professeure de diabétologie au CHRU de Strasbourg et membre de la Société francophone du diabète. "A l'échelle d'une carrière, suivre les études chez l'animal, puis chez l'homme, et enfin le passage en soins courants, c'est très satisfaisant", raconte celle qui, en 1988, poursuivait déjà un master sur les îlots pancréatiques de rats. 

Cette thérapie est indiquée pour quelques centaines de patients par an, selon Laurence Kessler, soit une infime minorité des 370.000 diabétiques de type 1 dénombrés par la Fédération française des diabétiques. "C'est un petit nombre, mais c'est fondamental puisque ce sont des patients pour lesquels nous n'avons aucune alternative thérapeutique", insiste la diabétologue. "Et nous n'en sommes qu'au début : ce traitement peut être indiqué pour d'autre patients en échec de traitement, en cas de maladie du pancréas ou de mucoviscidose" par exemple. 

    

Un déploiement en cours sur la France 

Depuis son autorisation, le traitement se déploie dans l'Hexagone. Outre les CHRU de Lille et Strasbourg, quelques hôpitaux, à Paris, Grenoble et Montpellier, ont obtenu, auprès des Agences régionales de santé (ARS) après avis de l'Agence de la biomédecine, un agrément pour procéder aux greffes.  

Toulouse et Nantes sont également candidats. "Les autorisations répondent à des impératifs de sécurité et de qualité pour les patients. Le savoir-faire se trouve aujourd'hui chez ceux qui ont déjà exercé cette activité dans le cadre de la recherche, mais il est accessible à de très nombreux laboratoires", souligne le Pr Michel Tsimaratos, directeur général adjoint de l'Agence de la biomédecine. "Avec la greffe d'îlots, l'arsenal thérapeutique au service des patients s'enrichit, et c'est sans doute ce qu'il faut retenir", conclut-il. 

Rémunération, attractivité, conditions d'exercice... la consultation à 30 euros va-t-elle changer la donne?

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