Peut-on suspendre un médecin en urgence ?

31/10/2022
En cas d’urgence, lorsque la poursuite de l'exercice d'un médecin expose ses patients à un danger grave, le directeur général de l’Agence régionale de santé, dont il relève, peut prononcer la suspension immédiate de son droit d’exercer, pour une durée maximale de cinq mois. 

 

Cette procédure d’urgence est rappelée par l’article L.4113-14 du code de la santé publique. Selon cet article, le directeur général de l’ARS doit entendre le médecin suspendu au plus tard dans un délai de trois jours suivant la décision de suspension. En parallèle, le directeur de l’ARS doit informer immédiatement de sa décision le président du conseil départemental de l’Ordre et saisir sans délai le conseil régional lorsque le danger est lié à une infirmité, un état pathologique ou une insuffisance professionnelle du praticien, ou la chambre disciplinaire de première instance dans les autres cas. Le conseil régional ou la chambre disciplinaire de première instance doit statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Si aucune décision n’intervient dans ce délai, l’affaire est portée devant le Conseil national ou la chambre disciplinaire nationale, qui statue dans un délai de deux mois. A défaut de décision dans ce délai, la mesure de suspension prend fin automatiquement. 

 

Dangerosité avérée 

L’encadrement de cette procédure et les délais contraints qui l’accompagnent ont pour seul objectif de mettre hors d’état de nuire un médecin, dont la dangerosité avérée pourrait exposer ses patients à des préjudices irréversibles. Cette mesure de suspension, qui présente un caractère exceptionnel par sa gravité et sa soudaineté, doit être prise en vue de garantir la sécurité des patients. Elle peut toujours être contestée devant le juge des référés du tribunal administratif et en dernier recours, devant le Conseil d’Etat. Les motifs de contestation soulevés par les médecins interdits brutalement d’exercer portent sur les conséquences graves et irrémédiables d’une telle mesure pour leurs patients qui ne peuvent plus, du jour au lendemain, bénéficier du suivi de la part du médecin de leur choix, en mettant leur santé en péril. Sur un plan matériel, les médecins font aussi valoir que cette mesure de suspension immédiate les prive de l’ensemble de leurs revenus professionnels, entraîne la perte de leur clientèle alors qu’ils doivent continuer à s’acquitter de diverses charges professionnelles et personnelles. Une motivation insuffisante de la décision contestée et l’absence d’élément objectif caractérisant l’urgence et le risque de danger grave pour leurs patients sont également soulevés par les médecins suspendus. Autant d’arguments qui doivent être examinés par les juges qui ne confirmeront la mesure de suspension qu’au regard des graves incidents intervenus lors d’actes médicaux portant atteinte à la sécurité des patients. 

Dans un arrêt du 25 janvier 2022, le Conseil d’Etat a ainsi rejeté la requête d’un médecin qui contestait sa mesure de suspension immédiate. Ce gynécologue-obstétricien avait fait l’objet de signalements ayant abouti à son interdiction d’exercice, à raison de pratiques exposant ses patientes à des risques graves. Des incidents qui, aux yeux des juges, ne portaient pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, celle d’exercer sa profession et à la liberté des patients de choisir leur médecin. La mesure conservatoire contestée était ainsi justifiée. 

 

Nicolas LOUBRY, Juriste 
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