Réformes des études de médecine : comment le Doyen des doyens veut corriger le tir et "redonner du sens au métier de médecin"

18/05/2022 Par Louise Claereboudt
Elu en février à la tête de la Conférence nationale des doyens des facultés de médecine, le Pr Didier Samuel a assuré lors d’une conférence de presse qui a eu lieu ce lundi 16 mai ne pas vouloir revenir sur les réformes engagées (premier, deuxième et troisième cycles des études médicales), mais souhaiter les aménager et clarifier les parcours. Objectif : redonner de l’attractivité au métier de médecin.

  C’est dans un café parisien, ce lundi 16 mai, que le président de la Conférence nationale des doyens des facultés de médecine, élu en février, a donné rendez-vous à la presse pour présenter les grands chantiers qui l’attendent, en particulier les réformes des premier, deuxième et troisième cycles des études médicales. "Quand j’ai été élu, j’ai clairement dit que mon objectif n’était pas de revenir sur les réformes qui sont déjà en place et qui ont démarré, a-t-il déclaré d’emblée. Mais je suis conscient qu’il y a un besoin d’aménager les réformes, de clarifier les parcours et d’avoir un travail cohérent avec les étudiants." A travers ces réformes, dont certaines apparaissent plus ou moins bien embarquées, le Doyen des doyens a affirmé vouloir "redonner un sens aux études médicales et aussi, peut-être, au métier de médecin".   Premier cycle : des difficultés chez les étudiants venant de LAS Concernant la réforme du premier cycle (R1C), le Doyen des doyens est revenu sur la création du parcours Pass (parcours d'accès spécifique santé)/LAS (licences accès santé). "Il faut être conscient que c’est un changement de paradigme absolument monumental puisque pendant soixante ans, au moins, il y avait une seule voie d’accès aux études de santé. Ce parcours unique a été modifié considérablement par la création des licences d’accès santé (LAS). "Un changement majeur mis en place très vite, dans un contexte de pandémie et probablement pas assez bien préparé pour le changement que cela représentait", a reconnu le chef de l'unité d'hépatologie et de réanimation hépatique de l’hôpital Paul Brousse (AP-HP).

Deux ans après la mise en place de la réforme, le doyen de la fac de médecine de Paris- Saclay constate des difficultés pour les étudiants et leurs parents dans la compréhension des parcours, et estime que la clarté de ces derniers "mérite d’être augmentée". Il apparaît également nécessaire de "permettre aux étudiants de s’approprier les différentes voies d’accès aux études en santé" et la réforme en elle-même. Les programmes sont par ailleurs apparus "trop lourds", tant en Pass qu’en LAS. Il pointe notamment "l’adjonction" d’une mineure disciplinaire en Pass et d’une mineure santé en LAS. "Pour beaucoup de programmes de licence, on a ajouté simplement une mineure santé à des programmes existants qui n’ont pas été allégés. Pour beaucoup d’étudiants, cela a représenté une charge de travail considérable", a-t-il regretté. Si "des licences ont été créées spécifiquement pour la LAS, ce n’est pas le cas pour toutes", a-t-il ajouté. Le Pr Samuel a insisté sur l’importance d’assurer "l’équité d’accès aux études de médecine ou de MMOP* selon les parcours". Ce dernier a suggéré la mise en place d’une évaluation en temps réel et annuelle "de ce qu’il se passe dans nos parcours Pass/LAS". Le suivi des étudiants en premier cycle apparaît également une nécessité majeure : "il faut voir si les étudiants admis à la suite d’une LAS réussissent bien leur parcours en deuxième année de médecine." A l’heure actuelle, en effet, "les premières informations montrent que c’est très variable selon l’origine de la LAS." Au 1er semestre de deuxième année de médecine, le taux de réussite pour les étudiants issus de LAS était en effet 40%, contre 80% pour ceux issus de Pass. "Il y a donc clairement besoin d’un accompagnement de ces étudiants [de LAS]." Pour anticiper voire atténuer ces éventuelles différences de niveau, le Doyen des doyens s’est montré favorable à la modification des programmes ou à la mise en place de tutorats en deuxième et troisième années de médecine "pour les étudiants notamment qui ont un parcours scientifique de départ plus faible". "Un étudiant qui vient de Pass a, en général, un profil très scientifique (Bac S mention bien ou très bien). Si vous avez un étudiant qui vient de LAS (droit ou langues orientales) avec une mineure santé, et qui passe en médecine, on remplit la mission de diversifier les profils – c’est ce qui était voulu par la réforme – mais la médecine reste quand même une discipline scientifique." Adapter les programmes en deuxième et troisième année de médecine apparaît indispensable "pour que les étudiants n’échouent pas, ne s’épuisent et ne se découragent". Si l’objectif ministériel est d’avoir 50% de jeunes venant de Pass et 50% d’autres jeunes venant de LAS, il n’a pas été rempli cette année. "Certaines facs étaient à 90%-10%. Beaucoup considèrent qu’elles ne sont pas prêtes encore pour le 50-50%. Mais on espère cette année viser les 70-30%." Néanmoins, précise le Doyen, "on a visé à ce que les capacités d’accueil soient respectées".

"C’est une réforme tellement importante en termes structurels, qu’on ne tout changer en une année ou en deux ans", a toutefois prévenu le Doyen des doyens, qui a néanmoins soulevé que "le climat est plus apaisé que l’année dernière""Il faut continuer." Interrogé au sujet du rapport sénatorial qui plaide pour une évolution vers un "tout LAS" plutôt qu’un "Pass/LAS", le Pr Samuel a noté que "sept ou huit facultés ont un parcours LAS exclusif. Mais la majorité des facultés ont préféré garder un système Pass/LAS. Je crois qu’il va falloir qu’on s’adapte à ce que souhaitent les étudiants. Le futur nous dira qu’elle sera l’évolution."  

Oraux : un groupe de travail pour guider les facs
Sur l’ensemble des facultés, l’oral représente "à peu près 30% de la note globale", a indiqué le Doyen des doyens. L’an dernier, a toutefois souligné le Pr Samuel, "il y a eu des extrêmes". Certains étudiants ont d’ailleurs déposé des recours en justice pour contester leur éviction de la médecine. "Ce qui est recommandé, c’est de ne pas dépasser 50% de la note [globale]. Maintenant les facultés sont libres, mais je ne crois pas que ce soit la volonté d’aucune faculté." Une autre question se pose sur l’oral : celle du choix de le faire à l’ensemble des étudiants ou seulement à certains. Il y a actuellement une réflexion sur les jurys et sur les questions posées lors de l’oral, a précisé le Doyen. Un groupe de travail sur la R1C dirigée par le Pr Nicolas Lerolle "essaie de guider l’ensemble des facultés sur ces sujets".

  Deuxième cycle : "Réussir l’atterrissage" Fin avril, deux arrêtés parus au Journal officiel sont venus préciser la procédure d’appariement qui déterminera la spécialité et la subdivision territoriale des futurs internes – en remplacement des épreuves classantes nationales (ECN), à partir de 2024. Ces dernières étaient "axées sur les connaissances pures", a indiqué le Doyen des doyens. "On s’est aperçu qu’on pouvait être reçu à l’ECN avec 4 de moyenne et être médecin. Il y avait un besoin de remettre de la compétence, et pas seulement des connaissances, dans l’évaluation des étudiants et de leur parcours." L’objectif de cette réforme du deuxième cycle était également de mieux adapter le parcours de l’étudiant avec son projet professionnel. Exit donc les ECN, place aux EDN (épreuves dématérialisées nationales), un examen de connaissances qui aura lieu "en début de 6e année de médecine", et aux Ecos, qui sont des examens de compétences durant lesquels les étudiants sont face à des situations cliniques et doivent réagir. Comme cela avait déjà été annoncé, les EDN représenteront 60% de la note de l’étudiant, les Ecos 30%, et les 10% restant concerneront le parcours de l’étudiant. Les premiers EDN auront lieu fin 2023 et les premiers Ecos nationaux début 2024. "Cette réforme, il faut qu’on réussisse l’atterrissage, qu’on la prépare mieux que la R1C", a insisté le Pr Samuel. Le Pr Benoît Veber, vice-président de la Conférence nationale des doyens des facs de médecine a ainsi été missionné pour le comité de suivi de la R2C. Un Copil, piloté par le Centre national de gestion (CNG) sera, lui, en charge de la plateforme d’examens EDN et de la procédure d’appariement. L’enjeu est également de "réussir à ce que les étudiants s’épanouissent dans ce parcours", a ajouté le Doyen. Car "ces dernières années, on avait l’impression qu’ils étaient devenus prisonniers d’un bachotage exacerbé parce qu’il y avait le stress de la spécialité et de la ville".   Troisième cycle : "les étudiants ne doivent pas se faire imposer une quatrième année coercitive" La réforme du troisième cycle, qui cible les DES, est "déjà très engagée", a poursuivi le Pr Didier Samuel. Ont déjà été réalisés, la refonte complète des maquettes, la modification de la durée des DES, et le découpage du parcours en trois phases (la phase socle qui est la première année d’internat, la phase d’approfondissement qui représente les trois à quatre années suivantes, et la phase de consolidation, dite de Docteur Junior). Concernant la phase de Docteur Junior, qui a lieu après le passage de la thèse, "il faut voir comment les internes se positionnent sur cette phase, qui est une phase de mise en responsabilités", a déclaré le Pr Samuel.

Pour la médecine générale, se discute l’allongement du DES (avec une quatrième année). Les discussions ont été exacerbées "par la problématique posée pendant la campagne électorale sur les déserts médicaux et comment y remédier". "L’allongement du DES de médecine générale ne peut et ne doit pas être la seule réponse à cette problématique. Il doit y avoir d’autres réponses", a-t-il fermement déclaré, alors que nombre de candidats à l’élection présidentielle avait brandi cet argument. "Si on fait une 4e année de DES, il est important qu’elle ne soit pas posée sur les trois années précédentes sans réflexion sur la globalité de la maquette du DES", a-t-il ajouté, précisant qu’un groupe de travail a été mis en place à ce sujet pour définir au mieux la maquette. Le Pr Samuel a en effet insisté sur l’importance d’un dialogue au sujet de cette maquette entre les acteurs enseignants et internes qui gravitent autour de la médecine générale, afin d’éviter de "se faire imposer une quatrième année coercitive par le futur Gouvernement [qui serait] uniquement dans des zones appelées déserts médicaux", a-t-il prévenu. "il est extrêmement important que les internes en 4e année soient aussi accompagnés et puissent continuer leur formation. Nous y sommes attachés", a-t-il appuyé.   *Médecine, Maïeutique, Odontologie et Pharmacie.

Faut-il octroyer plus d'autonomie aux infirmières ?

Angélique  Zecchi-Cabanes

Angélique Zecchi-Cabanes

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