Implants médicaux : la ministre de la Santé ne cache pas son "inquiétude"

27/11/2018 Par A.M.
Santé publique

Interrogée par Elise Lucet dans Cash investigation, Agnès Buzyn a reconnu que les implants médicaux constituaient "une zone d'ombre et d'inquiétude", alors qu'une vaste enquête internationale pointe les failles du dispositif d'autorisation et de signalement.

  Les implants médicaux "sont insuffisamment régulés, c'est une zone d'inquiétude pour la ministre que je suis", reconnaît Agnès Buzyn dans le reportage qui sera diffusé ce mardi soir sur France 2 dans le cadre du magazine d'enquête Cash investigation. Ce documentaire est associé à une enquête d'une cinquantaine de médias sur le secteur des implants dans le cadre du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), dont les résultats ont été livrés dimanche soir. L'enquête "Implant files" dénonce notamment la facilité avec laquelle des fabricants peuvent obtenir le droit de commercialiser des dispositifs médicaux en Europe, en obtenant un "marquage CE" auprès d'un organisme certificateur privé de leur choix et rémunéré par leurs soins. "Manifestement, le marquage CE doit être amélioré", convient François Richard, chirurgien urologue. Car ce label ne contient "aucune notion d'efficacité médicale", enregistrant plutôt la performance mécanique ou physique d'un produit. Si un fabricant souhaite faire rembourser son dispositif médical par l'assurance maladie, il y a toutefois des contrôles supplémentaires en France, par la HAS puis le comité économique des produits de santé (CEPS), rappelle le chirurgien. "Fournir des produits qui fonctionnent et qui sont sûrs est au cœur de ce nous faisons (...). Notre industrie est réglementée et nous prenons très au sérieux notre responsabilité pour respecter ces règles" a réagi lundi la fédération européenne des fabricants de dispositifs médicaux MedTech Europe dans un communiqué.   "Implant files" ou comment une journaliste a pu faire passer un filet à mandarines pour une mèche vaginale   Autre problème soulevé par les "implant files" : les autorités nationales de santé en Europe ne peuvent intervenir qu'a posteriori, quand un dispositif médical est déjà sur le marché. Encore faut-il avoir un système efficace de signalements en cas de défaillances de certains de ces produits, ce qui est loin d'être toujours le cas. Une base de données européenne sur les dispositifs médicaux, Eudamed, doit voir le jour en 2020, mais les États membres et les industriels sont en désaccord sur le degré d'informations à divulguer. Toutes indications confondues, environ 18.200 "incidents" liés à des dispositifs médicaux ont été signalés en France l'an dernier, contre 7.800 en 2008, selon des données de l'ANSM. "En 2020, tous les implantables devront avoir fait l'objet d'essais cliniques, selon le nouveau règlement européen qui est une vraie avancée", a relevé Dominique Martin, directeur général de l'ANSM. Vendredi dernier, peu avant la publication de l'enquête de l'ICIJ, l'agence sanitaire a demandé aux patients et aux médecins de lui faire remonter "les éventuels effets indésirables" des dispositifs médicaux utilisés pour traiter la descente d'organes et l'incontinence urinaire chez la femme, assurant les surveiller "depuis plusieurs années". Ces produits font déjà l'objet d'un moratoire en Australie depuis la fin 2017 ainsi qu'en Grande-Bretagne depuis cet été. En France, près de 50.000 de ces dispositifs sont implantés chaque année. L'un d'entre eux, le Prolift, vaut déjà à son fabricant Ethicon (filiale du géant américain Johnson and Johnson) des dizaines de milliers de plaintes aux États-Unis et dans d'autres pays. "Je suis morte en 2010", témoigne ainsi dans le reportage de Cash Investigation Natacha Brunet, implantée cette année-là du Prolift et souffrant depuis le martyre. Cette prothèse n'ayant pas été conçue pour être explantée, la Française est condamnée à vivre avec pour le restant de ses jours, avec des béquilles et un cocktail quotidien de médicaments antidouleurs. "C'est comme un coup d'électricité, une rage de dent, un truc qui ne s'arrête pas", confie-t-elle. [avec AFP]

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