
Heures supplémentaires : quand les médecins hospitaliers travaillent plus "pour gagner moins"
Un décret paru début juin au Journal officiel prolonge jusqu'au 30 septembre le dispositif de surmajoration des heures supplémentaires dans la fonction publique hospitalière. Dispositif duquel les praticiens hospitaliers sont aujourd'hui "exclus", déplore Action praticiens hôpital (APH). Le syndicat réclame une meilleure reconnaissance de leur temps de travail additionnel.

"Qui tolérerait que la pénibilité de son engagement au service de nos concitoyens ne soit pas prise en considération ?", s'insurge APH, dans un communiqué diffusé ce mercredi 11 juin. Les praticiens hospitaliers dénoncent leur exclusion du dispositif de surmajoration des heures supplémentaires dans la fonction publique hospitalière*, qui vient d'être prolongé jusqu'au 30 septembre prochain par décret.
Ce dispositif, qui courait initialement jusqu'à fin 2024, peut être actionné par le chef d'un établissement de santé, "chargé d'identifier les métiers en tension pour lesquels cette surmajoration des heures supplémentaires peut être mise en œuvre". Peuvent théoriquement en bénéficier : les infirmières en soins généraux et spécialisées, les kinés, manipulateurs d'électroradiologie médicale ou encore, depuis septembre 2023, les sages-femmes.
Il compense la réalisation d'heures supplémentaires, "effectuées de jour ou de nuit dans le cadre de journées ou de demi-journées de travail supplémentaire, pour une durée moyenne mensuelle comprise entre 10 et 20 heures supplémentaires sur une période d'au plus 12 mois". Elles "peuvent dépasser le contingent mensuel de 20 heures, sans toutefois que la durée hebdomadaire de travail effectif n'excède 48 heures au cours d'une période de 7 jours".
Si cette mesure "reconnait à juste titre le temps de travail de nos collègues paramédicaux", elle "ne fait que renforcer le sentiment d'inéquité que subissent les praticiens qui, une fois de plus, sont oubliés voire exclus", fustige APH, qui rappelle que les droits des PH ont déjà été récemment rabotés : le Gouvernement Bayrou a en effet souhaité plafonner le niveau d'indemnisation des arrêts maladie de courte durée des fonctionnaires, porté à 90%.
"Les heures réalisées par les PH entre la 39ième et la 48ième heures sont historiquement invisibilisées"
Ainsi, "quand les personnels non médicaux de la fonction publique hospitalière (FPH) travaillant au-delà de 39 heures par semaine bénéficient de mesures de surmajoration de leurs heures supplémentaires, les heures réalisées par les praticiens hospitaliers entre la 39ième et la 48ième heures sont historiquement invisibilisées", avance la confédération.
Si le Conseil d'Etat a rappelé, le 22 juin 2022, les obligations des établissements de santé pour garantir le respect du plafond de travail de 48h par semaine pour les praticiens hospitaliers et les internes, le temps de travail effectif des premiers n'est pas toujours "décompté" par leurs directions, constate APH. "Pour les directions hospitalières, chaque praticien hospitalier travaille 48 heures par semaine sans reconnaissance salariale du temps accompli entre la 39ième et la 48ième heures et surtout sans prise en compte de cette pénibilité subie."
Heures sup' : une rémunération toujours inférieure à la rémunération de base
Certains PH volontaires peuvent travailler au-delà des 48 heures hebdomadaires. Mais dans ce cas, un contrat doit détailler les modalités de mise en œuvre de ce temps de travail additionnel (TTA). Or, "cette application de la loi n'est toujours pas respectée par de trop nombreuses directions hospitalières", déplore APH. Et d'ajouter que "lorsque les directions acceptent de payer aux praticiens hospitaliers ce temps de travail additionnel", celui-ci est rémunéré sur une base de 33,76 euros bruts de l'heure quand le salaire horaire d'un praticien de 1er échelon s'établir à 37,29 euros.
"Travailler plus et de façon trop souvent contrainte pour gagner moins est peut-être un nouveau paradigme gouvernemental méprisant les médecins hospitaliers qui tiennent comme ils le peuvent la barre d’un juste soin pour tous sur le territoire national et ultra-marin", condamne la confédération, pour qui les mesures de rattrapage récentes concernant les gardes et les astreintes "ne compensent ni l'inflation, ni l'explosion de la pénibilité de la mission de permanence et de continuité des soins apanage des hospitaliers et des hospitalo-universitaires".
Dans ce contexte, APH réclame la publication "immédiate" d'une instruction de la DGOS à destination des directions hospitalières sur le décompte du temps de travail des praticiens, "comme cela a été fait pour les internes en octobre 2024", ainsi que la prise en compte de la valorisation des heures effectuées entre 39 et 48 heures. La confédération demande aussi l'indexation des heures de temps de travail additionnel "sur le salaire horaire de base du praticien, incluant l'IESPE [indemnité d'engagement de service public exclusif] en l'absence d'activité libérale, et non sur une base forfaitaire".
APH exige également que le décompte du temps de travail additionnel se fasse au mois et non tous les quadrimestres. Et que la signature d'un contrat de TTA inclut la tenue de registres "pour assurer le suivi du TTA par toutes les directions hospitalières". Des outils numériques nécessaires aux hôpitaux pour le décompte de ce temps de travail de jour comme de nuit pour tous les praticiens doivent aussi être financés, selon l'intersyndicale. "Dans l'attente, Action praticiens hôpital exige du Gouvernement un mesure immédiate portant sur le doublement de la valorisation du TTA jusqu’au 30 septembre 2025", peut-on lire dans le communiqué de la confédération.
*Ce dispositif prévu à l'article 15-1 du décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements
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