Enseignants en médecine et en pharmacie, ils refusent de former à "l'aide à mourir" : "Ce n'est pas notre rôle"

Des professeurs de médecine et de pharmacie s'interrogent, dans une tribune, sur le sens de leur travail et la manière dont ils devraient réagir si la proposition de loi sur la fin de vie était adoptée. "Devrons-nous donner des cours sur la meilleure manière de provoquer la mort", lancent les signataires.  

17/04/2025 Par Chloé Subileau
Fin de vie

L'examen de la proposition de loi sur la fin de vie, portée par le député Olivier Falorni, doit débuter à l'Assemblée nationale le 12 mai. Mais ce texte, qui prévoit d'ouvrir la voie à une aide à mourir en France, "inquiète beaucoup de soignants et particulièrement les médecins et les pharmaciens", écrivent quatre professeurs de médecine et de pharmacie de Rouen, Dijon et Paris dans une tribune, diffusée sur le réseau social LinkedIn. Également publié sur Hospimedia, le texte a, depuis, réuni une quarantaine de signatures de PU-PH. 

Les termes de cette proposition de loi ne sont "pas compatible[s]" avec ceux du serment d'Hippocrate", estiment les quatre premiers signataires, les Prs Luc-Marie Joly, Olivier Boyer, François Girodon et Enrique Casalino.  

Pour les médecins, "l'espace" entre l'obligation de ne pas par prolonger "abusivement les agonies" et celle de ne pas donner "la mort délibérément" est "ténu", reconnaissent les PH-PH. "Mais c'est là que doit se situer la médecine avec plusieurs règles : prendre en charge la douleur au maximum des possibilités de l'arsenal thérapeutique ; dire la vérité au patient, mais de façon adaptée à son état et s'il le faut, progressivement ; ne pas abolir tout espoir pour le patient tant que celui-ci a besoin d'en garder." 

Le serment de Galien auquel sont soumis les pharmaciens "prévoit de la même manière qu''en aucun cas [le professionnel] ne consentir[a] à utiliser [ses] connaissances et [son] état pour […] favoriser des actes criminels", avancent les signataires de la tribune.  

Ils poursuivent : "Notre mission est d'enseigner aux étudiants, non seulement les bases théoriques et scientifiques de la médecine, mais aussi de la pratique, le savoir-être du médecin et sa place, le travail en collaboration avec les autres soignants, la réflexion éthique". Or, si la proposition de loi sur la fin de vie vient à être adoptée et légalise une aide à mourir, "devrons-nous donner des cours sur la meilleure manière de provoquer la mort ? Devrons-nous apprendre aux étudiants les drogues à utiliser avec les doses et les modalités d'administration ? […] Devrons-nous organiser des examens pour vérifier les connaissances des étudiants dans ce domaine ?", s'interrogent les quatre PU-PH.  

"Il ne nous apparaît pas que cela soit le rôle des enseignants et praticiens de médecine ou de pharmacie", concluent-ils. "Le rôle des professeurs de médecine et de pharmacie est d'enseigner le soin aux malades, pas d'apprendre à donner la mort." "Nous devons en revanche continuer à enseigner la prévention du suicide, ce qui pourrait devenir impossible si le 'délit d'entrave à l'aide à mourir', prévu dans la proposition de loi […], était voté", insistent les signataires.  

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Claire FAUCHERY

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1 débatteur en ligne1 en ligne
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 8 mois
J’ai de nouveau bien du mal avec certains confrères. Que chacun réclame le droit à exercer une clause de conscience, je comprends bien évidemment. Que l’on défende comme priorité, l’accès aux soins palliatifs « pour tous » bien sûr. Qu’on prétende que la loi (non encore votée) n’est pas compatible avec les termes du serment d’Hippocrate, cela, je n’en suis pas si sûr: il faudrait en faire l’exégèse. Ne pas abolir tout espoir pour le patient tant que celui ci a besoin d’en garder: qui dit le contraire? Qu'on évoque le serment de Gallien qui prévoit qu’en aucun cas les connaissances ne doivent être utilisées pour favoriser des actes criminels: là ce n’est plus possible d’entendre cet argument ainsi formulé car justement si la loi passe ce ne sera pas un acte criminel. Il y a alors une idéologie qui persiste qui n’est ni empathique, ni éthique mais politique voire religieuse. Mais le législateur est là pour arbitrer les opinions au delà des croyances. Il serait bon de rappeler aux signataires que le patient est dans son droit. Il serait bon de rappeler que le temps passe et que le praticien ne décide plus de tout en bon paternaliste, il lui faut le consentement éclairé du patient et peser le rapport bénéfice risque avec lui. Il serait bon de rappeler que bien souvent, c’est maintenant le patient qui décide. Il serait bon de rappeler que pour une IVG c’est la femme qui en prend l’initiative. Alors quand l’information a été donnée de façon « claire loyale et adaptée » Quand le patient, en connaissance de cause décide, éventuellement réitère cette décision, ce n’est pas lui retirer l’espoir (d’une guérison?!) C’est au contraire lui permette d’espérer une fin digne et de retrouver la sérénité d’une vie maitrisée tant que faire se peut et que la mort viendra dans des conditions et au moment choisis par ses directives anticipées. Alors messieurs et chers confrères, si vous pensez que vous n'êtes pas à la hauteur pour faire un enseignement qui associe la psychologie, l'éthique, la déontologie, la pharmacologie, la pratique et la législation, alors oui renoncez. Mais posez vous la question sur toute votre pratique et tout votre enseignement. C'est très profitable.
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188 points
Incontournable
Etudiant en Médecine Humaine
il y a 8 mois
« ne pas abolir tout espoir pour le patient tant que celui-ci a besoin d'en garder."  Oui cest bien’connu en oncologie : 4e ligne de chimiothérapie pour des cancers multi métastase en bout de course. Les patients arrivent aux urgences en défaillance multiviscerale avec une mort indigne dans un couloir blindé. Tout ça parce que l’oncologue a continué de lui vendre de « l’espoir ». Un peu de dignité svp
 
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