Coercition, secteur 2 pour tous, C à 50€ : vos propositions pour la médecine au cœur du Grand débat
Qui a dit que les médecins n'auraient pas voix au chapitre dans le Grand débat national ? Alors que les thématiques de santé sont absentes des questions lancées par Emmanuel Macron, Egora a choisi de vous donner la parole. Comment mieux rémunérer les soins primaires ? Comment libérer du temps médical ? Comment assurer sur tout le territoire un accès aux soins de qualité ?
Vous avez été très nombreux à répondre à notre appel. Libéraux, hospitaliers, jeunes médecins, retraités actifs ou pas, vous fourmillez de propositions, d'idées, de pistes de réflexion pour faire avancer le débat. Voilà un premier aperçu de vos nombreuses contributions. Nous publierons un second volet dans les prochains jours.
Généraliste, libéral, 35-45 ans "Il faut déjà redonner de l'attractivité à la médecine générale. Pour donner un petit exemple, je suis installé en cabinet de groupe. Mes associés sont déjà débordés. Je ne peux donc pas partir en vacances si je ne trouve pas de remplaçant. Ayant une fille scolarisée, je ne peux partir que pendant les vacances scolaires. Il est donc encore plus difficile de trouver des remplaçants. (…) Si on m'avait dit avant que je m'installe que je ne pourrai prendre qu'une semaine de vacances par an jamais je ne me serais installé. Je fais énormément de gardes en maison médicale de garde pour compenser le temps que je passe en consultation avec mes patients qui sont très âgés. Ma patientèle étant très âgée, il faut au minimum, en général, 30 minutes par patient. J'ai beau travailler tous les jours, je ne m'en sors pas si je ne prends pas de garde le weekend. (…) Comment assurer l'accès aux soins primaires sur tout le territoire ? L'immense majorité des médecins n'ira jamais s'installer là où il n'y a plus de service public, plus d'école, plus de spécialistes, plus de service de garde, plus de SAU. Il faudrait que les médecins déjà installés dans d'autres secteurs puissent aller faire des consultations dans des maisons médicales financées par l'État ou les communes, le médecin viendrait travailler un jour de temps en temps. Je suis certain que l'exercice multisite plairait à de nombreux médecins, dont moi-même, même en rase campagne, à condition que tout soit mis en place pour que l'on n'ait pas à gérer nous-mêmes ces différents sites au niveau du secrétariat, du ménage, de la paperasse... il faudrait un exercice multisite avec, comme dans les maisons médicales de garde, du personnel qui s'occupe de tout l'administratif et le médecin n'aurait plus qu'à faire son travail. (…) Comment rémunérer les soins primaires ? Une combinaison de forfait plus paiement à l'acte serait souhaitable. Le système de forfaitisation n'est cependant pour l'instant pas vraiment opérationnel : bugs INR, non prise en charge des biologies réalisées à l'hôpital, bugs protéinurie... Il faut vraiment que le gouvernement élabore un système fiable, opérationnel, et équitable. On ne peut se contenter du bricolage actuel. Il faut par ailleurs augmenter le tarif de la consultation, avec un minimum de 50 €, les patients étant de plus en plus âgés de plus en plus chroniques avec des pathologies de plus en plus lourdes, ce n'est vraiment plus possible à 25 euros. Comme le disait le docteur Bouet, on n'a pas fait médecine, 10 ans d'études, pour faire de l'abattage. Comment libérer du temps médical ? Il suffit d'augmenter la rémunération des médecins qui ainsi pourront se payer des assistant(e)s. Ce n'est tout de même pas compliqué à comprendre, de la paperasse il y en aura de plus en plus avec la population qui vieillit, donc soit c'est le médecin qui fera de plus en plus de paperasse, soit ce sera quelqu'un d'autre. À 25 € la consultation ce n'est pas possible de rémunérer ce quelqu'un d'autre. Et je trouve l'idée de nous imposer d'accélérer la cadence, de faire de l'abattage, extrêmement cynique. Il ne faut pas oublier que les patients ont besoin d'écoute, on ne peut les mettre dehors sous prétexte que le chronomètre a sonné. La population médicale se féminise, les jeunes (dont je fais partie) désirent moins travailler et prendre des congés, et avec l'évolution déplorable de nos conditions de travail, l'explosion des seniors, ce n'est tout simplement pas possible. (…) Pour conclure, et je trouve cela extrêmement grave, je n'ai plus aucune confiance en l'avenir du système de santé français. Je le vois se déliter depuis plusieurs années. Je suis pourtant encore très loin de la retraite, et je me demande comment tout cela va terminer. (…)"
Généraliste, libéral, 45-55 ans "Contribution de 3 à 5 ans pour chaque étudiant sortant de la fac pour exercer dans les zones en pénurie, y compris les spécialistes, avec en parallèle une limite d'installation dans les zones surdotées. Les soins primaires doivent pouvoir être rémunérés dans une enveloppe globale de soins et prévention au prorata de la patientèle MT et des tranches d'âges. Pourquoi pas un forfait pour tout ce qui est suivi des maladies chroniques, un forfait prévention et un paiement à l'acte pour tous les autres actes ?"
Généraliste, libéral, 45-55 ans "L’idée est simple : pourquoi les jeunes médecins ne s’installent plus ? Car le rapport temps/bénéfice est devenu défavorable. Avec toutes les tracasseries administratives. Doubler la consultation à 50€ et la visite à 70 € et on verra des médecins intéressés, qui pourront travailler moins, prendre plus de temps avec chaque patient qui mieux pris en charge reviendront moins souvent. Tout le reste c’est de la poudre aux yeux. Quand un médecin avec la responsabilité qui lui incombe dans la prise en charge de ses patients gagne autant que le coiffeur et moins que le pédicure d'à côté, la situation n'évoluera pas."
Généraliste, libéral, 45-55 ans "Pour assurer un soin primaire sur l'ensemble du territoire, cela parait le b-a-ba, il faut une meilleure répartition des médecins sur le territoire ! Les centres médicaux pluridisciplinaires à exercice mixte peuvent être une des solutions, mais si elle ne suffit pas il va falloir mettre en place des quotas comme pour les autres corps de métiers (pharmaciens, infirmiers etc…) Il y a aussi un problème d'éducation de la population, car beaucoup de patients ont malheureusement pris l'habitude de "consommer" les soins comme on consomme au supermarché ! Les patients arrivent à l'heure qui leur convient, chez le médecin ou aux urgences et demandent des soins à la carte ! Avec cet état d'esprit on n'aura jamais assez de médecins pour satisfaire les consommateurs. Il faut donc faire des campagnes d'éducations aux soins comme on avait fait pour "les antibiotiques c'est pas automatique !". (…) Pour libérer du temps médical il faut arrêter de ne faire que des soins payés à l'acte. Le suivi d'un patient inscrit devrait être réénuméré par exemple 100 euros/an et dans ce forfait on pourrait inclure une visite de prévention annuelle. Les consultations de prévention prenant du temps, il faudrait faire des actes plus côtés permettant aux médecins de passer plus de temps avec le patient. Consultations anti-tabac, consultation suivi nutrition etc. (…) Pour que chaque médecin puisse avoir un poste informatique et logiciel adapté il faudrait mettre en place des aides financières, car le plus coûteux reste aussi la récupération des donnés d'un fichier (pas moins de 2 000 euros) + nouveau logiciel + ordi l'aide de la ROSP ça ne suffit pas. D'ailleurs il faut changer les critères d'attribution de la ROSP car là encore cela prend du temps et on n'a pas l'impression que cela soit réellement bénéfique pour le patient. Le meilleur temps libéré reste une secrétaire efficace, (nous avons embauché à 35h, mais cela ne suffit jamais tellement nous avons du travail...) mais là encore en charges cela fait beaucoup. Aussi il faudrait que les médecins se regroupent, mais trouver un grand local aux normes handicapés est très difficile et très coûteux. Enfin il y a beaucoup de choses à dire pour améliorer, mais on n'a pas le temps de trop en parler car on est déjà pas mal surchargé au quotidien ! "
Généraliste, libéral, plus de 65 ans "Passage au secteur 2 pour tous. L'augmentation des honoraires permettra de limiter l'abatage, revalorisera le statut du médecin, permettra de payer de façon pérenne les assistants médicaux et autres infirmières Azalée. Pas dans l'air du temps ? Dommage car cela marche et les gens préfèrent payer plus un médecin disponible équipé qu'un praticien fonctionnaire sans humanité. Accorder un bonus sur les honoraires aux praticiens qui valident des DU, DIU et autres études reconnues par la fac mais pas par la Cpam."
Généraliste, salarié, 35-45 ans "Créer des centres municipaux de santé qui seront le premier recours et orienteront si besoin. Décharger les médecins de toute tâche administrative en leur fournissant des secrétaires municipales et une organisation où ils peuvent coopérer, faire des groupes d'échanges de pratique. Arrêter de rémunérer à l'acte. Rémunérer la prévention, mais aussi éduquer toute la population à la santé. ARRETER DE GOUVERNER PAR L'ARGENT, trouvons d'abord un système efficient, cohérent à long terme, et nous trouverons ensuite sa cohérence budgétaire. La santé n'est pas de l'argent, et tout n'est pas chiffrable, mais la prévention, l'éducation sont aussi importantes que les soins, et "rentables" sauf que non chiffrables. Pour les soins curatifs, il faut des systèmes pointus, performants. Ils existent, il faut juste les soulager de tout ce qui ne nécessite pas leur recours pour qu'ils puissent se concentrer sur les patients qui nécessitent leurs soins."
Généraliste, libéral, plus de 65 ans "- Pas de maison de santé mais des dispensaires fonctionnant 24h/24 (un par territoire bien défini pour que le patient puisse y accéder en un temps restreint) hébergeant un exercice pluri professionnel et donc des personnels de santé plus mobiles et "pluri fonctionnel" - Salariat -Couverture assurantielle unique sinon uniforme c'est à dire même tarif pour l'obligatoire et les complémentaires et tarifs de remboursement identiques - Disparition totale et définitive des directions administratives des centres hospitaliers, cliniques etc… et remplacement par une direction médicale unique comme les -sinon certains- centres anti cancéreux avec rotation médicale temporelle pour cette direction et uniquement des praticiens de l'établissement - Réduire le nombre de centres hospitaliers et/ou les regrouper au profit de la multiplication des dispensaires équipés pour certains soins primaires urgents..."
Généraliste, libéral, 55-65 ans "Créer des cantons sanitaires avec une maison de soins financée par la collectivité avec des vacations de médecins installés (1 vacation d'une demi-journée par semaine) ou bien une unité mobile de soins (type camion médecine du travail). Le financement doit continuer à être solidaire (cotisation sociale avec une part restante à la charge des patients). Il faut une revalorisation globale des actes avec un maximum d'actes par jour. Stop aux consultations de 5 minutes pour délivrance d'ordonnance simplement. Il faut éduquer les patients, créer un système de médecins itinérants pour les visites qui sont chronophages, déléguer aux pharmaciens ou infirmières des actes validés par le médecin, favoriser la téléconsultation avec ses propres patients pour régler des pathologies bénignes. Il faut offrir à chaque français un service hospitalier de qualité dans un rayon raisonnable et facile d'accès autour de son domicile, et favoriser les consultations spécialisées hospitalières au sein de maison comme décrites ci-dessus." Dans quelques jours, nous continuerons de publier vos réactions. A suivre...
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