"Ne sacrifiez pas le service public hospitalier !" : l'appel d'un urgentiste aux candidats à la présidentielle

25/01/2022 Par Eric Bernaudeau
Médecin aux urgences de l'hôpital de Draguignan (Var) qui ont dû, faute de personnel, fermer la nuit, le Dr Pierre-Emmanuel Lebas lance un cri du coeur aux candidats à l'élection présidentielle en France : "Ne sacrifiez pas le service public hospitalier !"

A 61 ans, il travaille depuis l'âge de 26 ans dans le service de santé public, "sans jamais" s'arrêter. "Moi, c'est mon combat, sauver le système public. J'y suis très attaché. Historiquement, c'est le service public qui a permis les grandes découvertes", rappelle-t-il. "On ne peut pas laisser périr un système qui a sauvé des gens et en sauve encore alors que les failles qu'on dénonce vont devenir dangereuses pour la population", assène en pesant chacun de ses mots le praticien qui reçoit l'AFP au service des urgences de l'hôpital de la Dracénie. Situé dans un département de la Côte d'Azur, région pourtant bien dotée en structures médicales, ce centre hospitalier de l'arrière-pays couvre les besoins en soins d'un bassin de 100.000 habitants. En cet après-midi de janvier, Pierre-Emmanuel Lebas accueille aux urgences un maçon tombé d'un échafaudage, un homme souffrant d'insuffisance cardiaque ou une petite fille qui colorie un ballon gonflable avec une infirmière en attendant sa mère. "Sa maman, qui a subi des coups, est en consultation avec le médecin légiste", chuchote le médecin, pour qui "il n'y a que dans le public qu'on prend en charge ce genre de cas". Mais à sept ans de la retraite, le Dr Lebas s'inquiète de "peut-être commencer à voir des services fermés et redistribués vers le privé".
   "Il y a eu des sacrifices" En octobre, il s'est élevé contre la fermeture nocturne, entre 20h30 et 8h30, des urgences de l'hôpital de Draguignan. Face à la pénurie de praticiens, "le quotidien était devenu très compliqué", témoigne-t-il. Si une vingtaine de postes de praticiens temps plein sont budgétés, "on n'était jusqu'à récemment que six médecins urgentistes". "Cela nous a amené à travailler pendant près de deux ans entre 80 et 100 heures par semaine et à différer nos vacances", remarque-t-il, ajoutant qu'aucun des médecins n'a pu prendre de congés à Noël. Cette carrière qui lui a offert "des moments fabuleux" l'a aussi forcé à mettre de côté ses passions, comme la course automobile. Elle a aussi eu un coût sur sa vie familiale : "Oui, il y a eu des sacrifices... Je n'ai pas vu mon fils grandir". "On vient de recruter deux personnes mais on ne peut pas rouvrir 24h/24 sans être aux alentours de 12 à 13 praticiens", explique-t-il. Alors, il a fallu fermer la nuit. Au-delà de 20h30, les urgences n'acceptent plus que les malades "qui ne peuvent pas être transférés". En dehors des urgences vitales, obstétricales, psychiatriques et de l'accueil des femmes et des enfants victimes de violences, ceux qui "peuvent attendre" doivent se rendre en pleine nuit à Brignoles, Fréjus ou Toulon, des villes à des dizaines de kilomètres ou consulter le lendemain. "Il n'y a pas eu à ce jour de patient ayant été redirigé sur Fréjus ou Brignoles étant arrivé à ces destinations dans un état grave, cela grâce à un tri très rigoureux", confie le Dr Lebas, mais "l'écueil est néanmoins pour la population la plus éloignée de Draguignan" et vivant dans cette région.   "Un mi-temps en ville, un mi-temps à l'hôpital" Cette fermeture de nuit "est un échec pour nous qui sommes la deuxième génération à avoir créé les services d'urgence. On ne peut pas admettre que pour des raisons budgétaires et peut-être plus ou moins idéologiques on puisse détruire ce système", déplore Pierre-Emmanuel Lebas. D'autant qu'il voit des solutions : "Les jeunes médecins qui souhaitent s'installer comme généralistes pourraient démarrer obligatoirement par un mi-temps salarié de cinq ans en médecine de ville et un mi-temps à l'hôpital".

Il dénonce aussi le numerus clausus qui a été "entre guillemets supprimé" par une réforme en 2019 en laissant toutefois les universités fixer elle-mêmes leurs capacités d'accueil. "C'est de la poudre aux yeux." Dans la bouche et les programmes des candidats à l'élection présidentielle, la santé et l'hôpital sont-ils suffisamment abordés? "Non", répond-il sans hésiter. Durant cette campagne, "on saupoudre, comme d'habitude et je ne cible pas un candidat plutôt qu'un autre".

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

1 débatteur en ligne1 en ligne
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
12
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2