MeToo

La moitié des infirmières victimes de violences sexistes et sexuelles, la "culture carabine" mise en cause

La moitié des infirmières déclarent avoir été victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) dans le cadre de leur exercice, l'auteur pouvant être un patient, un soignant, un visiteur ou un supérieur, selon une enquête de l'Ordre des infirmiers (ONI) publiée mercredi 11 décembre.

11/12/2024 Par Apolline Le Romanser
Infirmières Violences sexistes et sexuelles
MeToo

De nouvelles données pour lever le voile sur une réalité qui ne doit plus être tue. Trois semaines après la publication de l’enquête sur les violences sexistes et sexuelles menée par l’Ordre des médecins, c’est au tour de celui des infirmiers (ONI) de divulguer ses chiffres. 49% des infirmières interrogées ont déclaré en avoir été victime. Réflexions inappropriées ou outrages sexistes pour la plupart (cités dans 39% et 21% des réponses), jusqu’aux agressions sexuelles (4%) et viols (0,13%). Un quart rapporte les avoir subi dès ses études.

“C’est un phénomène grave, qui n’est pas anecdotique et concerne tous les modes d’exercice”, alerte ce mercredi 11 décembre la présidente du Conseil national de l’ONI, Sylvaine Mazière-Tauran. 

Qu’il s’agisse des réponses de médecins ou d’infirmières, les tendances sont les mêmes : derrière les chiffres se dessinent aussi le silence, la peur des répercussions et la méconnaissance de ses droits.

Dès son élection, en avril, la nouvelle présidente de l’Ordre disait vouloir mener un travail approfondi sur ce type de violences : autant dire que l’actualité du printemps dernier et la résurgence d’un MeeToo santé a accéléré le calendrier. “Entre ordres, nous menons des combats conjoints sur ce sujet, assure-t-elle. Il y a une culture du silence, les auteurs sont impunis et le système ne protège pas les professionnels. Il faut un changement d’éducation de l’ensemble des professionnels. Et une tolérance zéro.”

Les infirmières libérales aussi

Pour son enquête, conduite du 13 au 29 septembre, l'ONI a voulu viser large et montre que le problème touche tous les modes d’exercice. Les 21 870 répondants sont aussi bien issus du milieu hospitalier, libéral que scolaire ou universitaire, d’établissements sociaux, médico-sociaux, ou d’entreprises. Avec une attention particulière pour les infirmières libérales, alors que le MeToo santé et les travaux ministériels qui en ont découlé étaient surtout centrés sur l’hôpital. “On sait que la profession d’infirmière libérale les expose à ces violences : elles vont au domicile des patients, seule.” 

Ainsi, pour les Idel, les violences sont majoritairement commises par les patients eux-mêmes ou leur entourage. Dans les hôpitaux, les auteurs sont aussi d’autres professionnels de santé, dans une moindre mesure un collègue infirmier ou un responsable.

Comme dans l’enquête de l’Ordre des médecins, les infirmières pointent majoritairement un climat propre à leur milieu qui favoriserait ces violences : 71% citent la “culture carabine”. La plupart évoquent aussi des rapports hiérarchiques déséquilibrés. Et une culture du silence. “La peur est toujours dans le camp des victimes, 36% craignent des répercussions sur leur carrière”, regrette Sylvaine Mazière-Tauran. Il y a aussi la crainte de ne pas être écouté.

Ceux qui parlent se tournent principalement vers des collègues ou leur entourage, sans saisir les autorités : plus d’un tiers des répondants n’ont pas entrepris de démarches après avoir subi des violences. Près de la moitié reconnaît ne pas savoir quoi faire et vers qui se tourner. Alors les auteurs restent impunis. Les victimes, elles, voient leur santé affectée, de même que leur vie sociale et professionnelle - du sentiment d’insécurité au travail, au changement d’activité, opéré “pour se protéger de son harceleur”, soupire encore la représentante de l’Ordre.

Une révision du code déontologique est en cours pour que les infirmières libérales puissent se retirer en cas de danger, malgré l’obligation de continuité de soins

La première phase du travail de l'ONI est donc de faire connaître ces résultats et participer à la prise de conscience du milieu. La prochaine sera de mener des mesures concrètes, dès 2025. Pour “prévenir, accompagner, sanctionner”, égrène sa présidente. C’est-à-dire, d’abord, inclure le sujet des VSS dans la formation initiale et continue des professionnels. Surtout mettre plus de moyens pour protéger les victimes : par exemple, mieux les informer sur leurs droits et les soutiens qu’elles peuvent avoir - des référents existent dans les conseils départementaux -, organiser des systèmes de déclarations sans lien hiérarchique pour que la victime n’ait pas peur pour sa carrière. La présidente du de l'ONI rappelle qu’une révision du code déontologique est en cours pour que les infirmiers libéraux puissent se retirer en cas de danger, malgré l’obligation de continuité de soins.

Les ordres souhaiteraient aussi pouvoir consulter les casiers judiciaires, notamment les fichiers des auteurs de violences sexuelles. Au moment de l’inscription, pour éviter qu’ils ne soient autorisés à exercer, et lors d’un dépôt de plainte, pour faciliter les procédures disciplinaires menées par les ordres. “Il y a urgence à prendre des mesures, insiste encore Sylvaine Mazière-Tauran. J’espère que ce problème sera une priorité du prochain ministre de la Santé.”

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Claire FAUCHERY

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7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de François Pl
721 points
Incontournable
il y a 1 an
C'est urgent, en effet. Mais pourquoi ne pas étendre cet outils législatif à TOUTES les formes de violence ? A titre d'exemple, des actes ou propos racistes sont malheureusement fréquemment subis par le personnel d'origine étrangère... souvent sans suite. Cibler TOUTES les formes de violences, et pas seulement "sexuelles", serait plus productif sur le long terme. Se sentir soutenu diminue les risques de burn-out et profite à tous les soignants. Dans les situations à risque, l'usage d'un enregistreur sonore, voir d'une bodycam similaire à celle des policiers, ne serait-il pas approprié, avec effacement automatique après 24h, par exemple, pour garantir le secret médical strict, s'il n'y a pas d'incident ? Prouver une agression seul(e) face à un patient, ou dans son milieu de vie qui risque de le soutenir "par principe" est quasi impossible sans un enregistrement. Déroger à l'obligation (de continuité) des soins nécessite des preuves incontestables.
Photo de profil de M A G
4,6 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
Titre trompeur, laissant entendre que les coupables seraient des médecins. Or, à aucun moment, on ne précise pas quelle est la proportion des médecins dans les hypothétiques agresseurs. (Je vous le rappelle : nous ne sommes d'aucune façon des supérieurs hiérarchiques des infirmières.) " Réflexions inappropriées ou outrages sexistes pour la plupart (cités dans 39% et 21% des réponses), jusqu’aux agressions sexuelles (4%) et viols (0,13%). " Et le reste de 55-75% des agressions, ça correspond à quoi exactement ? "Culture carabine": ça veut dire quoi? Je suis passée dans beaucoup d'hôpitaux , et je n'ai rien vu de cette "culture carabine" - fantasmée donc de mon point de vue. Tout ce que je vois , ce sont des gens le nez dans l'ordinateur 90% du temps.
Photo de profil de Jérôme  bidau
145 points
Incontournable
Médecine générale
il y a 1 an
"Ainsi, pour les Idel, les violences sont majoritairement commises par les patients eux-mêmes ou leur entourage. Dans les hôpitaux, les auteurs sont aussi d’autres professionnels de santé, dans une moindre mesure un collègue infirmier ou un responsable." Donc en gros le responsable peut être n'importe qui mais c'est la "culture carabine" qui est en cause?? Bon si c'est le cas aucun souci à se faire, cette culture étant quasiment morte de nos jours.
 
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