Épilepsie : les progrès technologiques révolutionnent la prise en charge

05/05/2022 Par D.R.
Neurologie
On connaît mieux cette maladie qui apparaît multiple et complexe. Des avancées portent sur l’auto-immunité et la génétique. En outre, les nouvelles technologies laissent espérer une meilleure anticipation des crises et une prise en charge chirurgicale affinée. 

 

Le 30ème anniversaire de la Fédération française pour la recherche sur l’épilepsie (FFRE) a été l’occasion de présenter un vaste panorama des avancées les plus récentes de la recherche sur cette pathologie qui concerne environ 650 000 personnes en France, et près de 3 millions en comptant les aidants. 

En particulier, la mise en évidence d’auto-anticorps ou de lymphocytes cytotoxiques à l’origine d’épilepsies auto-immunes a permis de fournir une explication à certaines épilepsies auparavant incomprises. Selon le Pr Vincent Navarro (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris), près de 20% des "causes inconnues" pourraient avoir une origine dysimmunitaire. Dans ces cas, les meilleurs médicaments ne seraient pas des anti-épileptiques, mais des anti-inflammatoires et des immunosuppresseurs. L’urgence à traiter (dans une optique de guérison) avant l’apparition de séquelles irréversibles implique de découvrir les bons marqueurs. 

Un autre chapitre en pleine expansion concerne le rôle de la génétique (deux tiers des épilepsies auraient une composante génétique), notamment du point de vue des épilepsies des enfants. De fait, ainsi que l’ont rappelé les Prs Stéphanie Baulac (Institut du cerveau, Paris) et Sylvie Nguyen The Tich (CHRU de Lille), si les épilepsies proprement héréditaires sont très rares, ce n’est pas le cas des épilepsies génétiquement déterminées, avec plus de 200 gènes actuellement identifiés. Il s’agit le plus souvent de mutations de novo survenant accidentellement dans les gamètes de l’un des parents, indemnes d’épilepsie ; l’enfant à naître étant hétérozygote pour la mutation. Un autre type de mutations, découvert récemment, correspond à des mutations somatiques générant des malformations corticales (épilepsies focales lésionnelles) qui apparaissent pendant le développement in utero. Ces mutations n’affectent que certaines cellules cérébrales de la région d’où émergent les crises. Certains biomarqueurs spécifiques de ces cellules ont été identifiés. Des données encourageantes obtenues chez l’animal laissent espérer la possibilité d’éliminer électivement ces cellules anormales en utilisant certains médicaments. 

Enfin, le Pr Christophe Bernard (Institut de neurosciences des systèmes, Marseille) a souligné les progrès accomplis en matière de rythmologie cérébrale et notamment les promesses de la découverte des rythmes multidiens (au-delà donc des cycles circadiens de 24 heures) – sur plusieurs jours et qui existent dans tout le règne animal -, qui tendent à expliquer la rythmicité des crises épileptiques ; chaque patient ayant son propre rythme. Une étude australienne a montré qu’il est possible de déterminer avec 85% de probabilité les périodes de haut risque et celles de bas risque, ce qui pourrait se traduire par une meilleure gestion des activités par le patient ainsi qu’ouvrir sur des approches chronothérapeutiques. 

 

Chirurgie plus ciblée, électrostimulation plus précise 

Les progrès de l’imagerie, exposés par le Dr Benoit Testud (Laboratoire CEMEREM, Marseille), notamment de l’IRM, permettent la détection d’anomalies cérébrales de plus en plus petites, actuellement de l’ordre du millimètre. Auxquels il convient d’ajouter l’apport du TEP scanner qui peut détecter...

des anomalies fonctionnelles au-travers d’un hypométabolisme du glucose. 

Le Pr Fabrice Bartolomei (hôpital de la Timone, Marseille), quant à lui, a souligné les avancées représentées par le passage d’une conception très focale des épilepsies à celle, plutôt régionale, de réseaux épileptogènes ; ce qui a un impact sur la stratégie chirurgicale (ablation des nœuds les plus épileptogènes) ainsi qu’en ce qui concerne les destructions localisées, par thermocoagulation et la stimulation cérébrale profonde. Et d’évoquer également les espoirs soulevés par les tentatives de créer un cerveau virtuel épileptique (projet EPINOV), grâce à une suite logicielle, pour mieux guider la chirurgie et prédire ses résultats.  

 

L’espoir d’anticiper et de mieux contrôler les crises 

Tout un pan de la recherche se consacre à prévoir les crises par la détection de signes avant-coureurs, en mettant notamment à profit les ressources de l’intelligence artificielle ; par exemple via l’implantation intracérébrale de microélectrodes ou une surveillance non invasive par l’utilisation de capteurs intra-auriculaires (en cours de développement avancé par la société NaOx voir encadré ci-dessous). Dans certains cas, il s’agit d’anticiper les jours à risque et dans d’autres de prédire la survenue d’une crise avec 5 à 10 minutes d’avance, ce qui pourrait peut-être permettre de bloquer cette dernière par une stimulation électrique adéquate (activation de cellules inhibitrices) ou l’administration immédiate d’un médicament exerçant le même effet. 

 

Les promesses de l’électro-encéphalogramme "hors les murs" via des capteurs auriculaires

Une nouvelle ère est peut-être en train de s’ouvrir pour l’électro-encéphalogramme (EEG), avec la mise au point d’une nouvelle génération de capteurs miniaturisés intra-auriculaires par une start up française qui vient de bénéficier d’une importante levée de fonds, dans le but de faire bénéficier les patients de nouveaux usages de l’EEG. La Fédération française pour la recherche sur l’épilepsie (FFRE), par la voix de sa présidente Emmanuelle Roubertie, rappelle son partenariat initial avec cette société innovante et se réjouit des perspectives de développement ainsi rendues possibles dans l’amélioration du diagnostic et du traitement de l’épilepsie – plus généralement des maladies neurologiques – notamment pour la prise en charge des crises non contrôlées, en complément des enregistrements réalisés à l’hôpital.

Co-fondée en 2018 par Hugo Dinh, polytechnicien, et Michel Le Van Quyen, directeur de recherche à l’INSERM et expert mondial de l’électroencéphalogramme, connu pour ses algorithmes de prédiction, la société NaoX Technologies s’est donnée comme objectif d’intégrer dans de simples mini écouteurs des capteurs capables d’enregistrer en continu sur une période plus ou moins prolongée l’activité électrique du cerveau ; l’équivalent d’un Holter cérébral.
Ce projet est en passe de se concrétiser avec l’annonce du lancement dans le courant de cette année d’un essai clinique mené sur une cinquantaine de patients en partenariat avec l’hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. Les données électriques recueillies seront ensuite traitées grâce à un logiciel d’intelligence artificielle puis transmises de manière totalement sécurisée au neurologue. Les progrès attendus dans la puissance de calcul des microprocesseurs laissent espérer dans un avenir proche un traitement algorithmique au sein même des oreillettes.
Les premières applications de cette nouvelle approche devraient concerner un meilleur suivi de l’épilepsie au quotidien (en "vraie vie"), par exemple pour la titration du traitement, voire pour son changement, car l’EEG représente le meilleur biomarqueur de l’épilepsie. Parmi les autres, figurent la probabilité personnalisée de survenue d’une crise d’épilepsie selon le moment de la journée, le dépistage de l’épilepsie et l’accélération du développement de nouveaux anti-épileptiques. Les applications pourraient même dépasser le champ de l’épilepsie en s’intéressant à l’identification d’une maladie d’Alzheimer. Plusieurs équipes nord-américaines ont publié en 2021 dans The Lancet des données selon lesquelles des signatures à l’EEG pourraient être identifiées à un stade très précoce dans environ 20% des cas de maladie d’Alzheimer.
La commercialisation de ces dispositifs pourrait intervenir dès l’an prochain.

DR. 
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