Fatigue chronique : une démarche diagnostique méthodique et progressive

16/11/2023 Par Brigitte Blond
Médecine interne JNMG 2023
Le diagnostic de trouble somatique fonctionnel doit être positif, et non pas d’élimination : il serait sinon considéré comme le résultat d’un échec diagnostique par le patient. 

 

Première étape avant de qualifier une fatigue de trouble somatique fonctionnel (dont le retentissement est très grand), écarter toutes les raisons somatiques de fatigue, potentiellement graves, éventuellement curables. Elles sont très nombreuses : anémie, iatrogénie (antalgiques, bêta-bloquants, etc.), cancer, infection, maladies endocriniennes (thyroïde), auto-immunes, douleur chronique, pathologies respiratoires, hépatiques, digestives (maladie cœliaque), neurologiques (la fatigue n’est ici pas isolée), insuffisance cardiaque, etc. On doit apprécier les facteurs d’amélioration ou d’aggravation, les symptômes associés, le mode de vie, les traitements, etc. Les problèmes graves sont écartés avec les dépistages de cancer, un scanner thoracoabodminopelvien si l’altération de l’état général est objectivable, une polygraphie ventilatoire en cas d’apnées. Une biologie de débrouillage, de première intention, comprend une NFS, une CRP, une glycémie, une ferritinémie, un TSH et une sérologie VIH. En 2è intention, après 6 mois de ce syndrome de fatigue, elle peut être complétée par : taux sanguin de magnésium, CPK, LDH, électrophorèse des protéines sériques, sérologies VHB, VHC, syphilis, Epstein Barr et CMV. La recherche des facteurs antinucléaires est inutile parce que présents chez 10% de la population sans traduction clinique de connectivites. Contre-productif également, le profil cytokinique élargi pour un diagnostic global de l’immunité. 

"Pour chacun des symptômes éventuellement associés à la fatigue (déficit moteur à l’effort, troubles digestifs, etc.), la Haute Autorité de santé (HAS) a établi 13 fiches pour la conduite à tenir diagnostique et la prise en charge", a signalé la Pre Brigitte Ranque, spécialiste de médecine interne (Hôpital européen Georges Pompidou, Paris), lors d’une session médecine interne des JNMG. 

Autres repérages indispensables avant de conclure, un trouble du sommeil, un syndrome des jambes sans repos, une anxiodépression, des pathologies urinaires ou prostatiques, une consommation de toxiques. "Point trop d’explorations toutefois puisqu’à peine 10% des fatigues chroniques sont effectivement dues à une cause somatique", prévient la Pr Ranque. 

Au terme de cette longue enquête, le syndrome de fatigue chronique peut être étiqueté "trouble somatique fonctionnel" ; il perturbe donc la vie quotidienne depuis plus de 6 mois, génère des pensées excessives vis-à-vis de ce symptôme, qui est d’ailleurs parfois déclenché par une maladie somatique (emblématique, le Covid). La fatigue est fluctuante, présente dès le réveil, améliorée par l’activité physique (un distracteur), produisant un brouillard cérébral, accompagnée de symptômes neurovégétatifs (oppression thoracique), à l’origine de cercles vicieux cognitifs, d’anticipations erronées non contrôlables. Un syndrome qui touche plus volontiers des femmes, perfectionnistes, intolérantes à l’incertitude.  

 

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Médecine générale
il y a 2 ans
"Le diagnostic de trouble somatique fonctionnel doit être positif, et non pas d’élimination : il serait sinon considéré comme le résultat d’un échec diagnostique par le patient." Un diagnostic d'élimination résulte, jusqu'à plus ample informé, de l'élimination préalable de tous les autres diagnostics positifs alternatifs; Comment, donc, faire en sorte que le résultat logiquement final d'une recherche en devienne le résultat initial ? N'y aurait-il, pas dans ce sous-titre introductif, l'injonction maintes fois insinuée par les observateurs de la onzième heure d'une obligation de résultat diagnostique par quelque obligation du plus court chemin des moyens, et ceci indépendamment du contexte clinique, quant à lui statutairement incompressible ? N'ayant pas encore réussi à imposer l'obligation de résultat à l'étage supérieur de l'effet clinique / thérapeutique, nos éminents penseurs de la dernière heure tentent leur imposture éthique à l'étage inférieur de l'édifice du soin, celui du diagnostic. Et, cerise sur le gâteau de l'infamie morale, ils vous refourguent la responsabilité de cette entourloupe éthique au patient "qui ne comprendrait pas" la complexité d'une démarche médicale. Eh bien, c'est justement ce genre d'insinuation qui peut affoler une patientèle, d'autant plus pressée d'aboutir à quelque certitude diagnostique et thérapeutique définitive, qu'elle est en meilleure santé et qu'elle tolèrera d'autant moins la moindre baisse de performance de son humaine carcasse, considérant trop logiquement que plus on se plaint tôt, mieux on pense prévenir et ralentir ou même stopper l" évolution d'un déclin inéluctable. Au passage, flatter dans le sens du poil de son angoisse existentielle l'électorat usager de santé ou le client captif d'un système monopoliste de SANTE' ( sous l'ineffable hégémonie d'une assurance-MALADIE, si, si, c'est célébré sur touts les canaux comme ça ! ) peut laisser espérer à nos hauts penseurs et décideurs (qui ne sont pas du métier) que l'insatisfaction exponentielle des usager puisse être détournée sur les acteurs -effecteurs, plutôt que vers les gentils organisateurs du cataclysme en marche. C'était bien essayé . . . Mais qui sera encore dupe de l'entourloupe ? Peut-être l'I.A retournera-t-elle plus vite que prévu le doigt accusateur de son impitoyable logique vers ces trafiquants d'influence morale . . . à moins qu'il ne réussissent dès son formatage à esquiver, à forclore l'ultime sursaut de vérité humaine qui pourrait, à notre immense honte, secouer la machine avant nous . Après tout, c'est bien d'artifice qu'on nous parle; et la frontière d'avec le bricolage et l'entourloupe n'est peut-être pas encore d'avantage en question dans l'esprit de nos gentils programmeurs que dans celui des hauts décideurs et commentateurs du moment.
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Incontournable
Médecine générale
il y a 2 ans
Pour une fatigue chronique, l'interrogatoire doit effectivement être long, précis et ciblé. La recherche du point de départ de cette asthénie est capitale. Le mode de vie du patient aussi., professionnel et personnel. Aucun intérêt à faire une recherche biologique en deux temps à 6 mois d'intervalle. . Le bilan doit être demandé complet dès la première consultation. L'interrogatoire, l'examen clinique, le discours du patient oriente vers quelque chose de grave ou de moins grave. Je dis bien oriente. La mise en confiance du patient est importante. Ne pas oublier de parler nutrition et boisson. En dehors de toute prise de boisson nocive, le fait de ne pas boire de l'eau explique 60% des troubles fonctionnels. Pensez aussi à éliminer la prise de médicaments en cours car Il faut du courage au médecin pour réaliser un tel interrogatoire à 25 euros la consultation mais il a l'assurance et la joie du travail bien fait. Le travail bien fait, bien mené, l'amour du métier qui n'est jamais mentionné dans les fameux protocoles ni abordé dans les FMC rémunérées par les labos ça existe encore ? Beaucoup d'asthénies chroniques n'ont pas de causes patentes et la médecine dite classique n'a rien sauf le psychiatre. Quid de la phyto, aroma, homéo, acupuncture etc. non enseignées volontairement en faculté et traitées de thérapeutiques de charlatans ?
 
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