Pourquoi la HAS recommande d'espacer les doses des vaccins à ARNm de 42 jours

25/01/2021 Par A.M.
Infectiologie

Devant le danger que constitue la diffusion des variants, la Haute Autorité de santé plaide, modélisation à l'appui, pour une accélération de la vaccination des personnes les plus à risque de forme sévère, via l'espacement de la deuxième dose des vaccins à ARNm. Dans des communiqués diffusés dans la foulée, MG France et l'UFML ont fait part de leur inquiétude face à ce changement de stratégie, qu'ils jugent risqué. 

"Afin de protéger plus vite un plus grand nombre de personnes à risque d’hospitalisation ou de décès, la HAS préconise d’élargir à 6 semaines le délai entre 2 doses de vaccin à ARN messager (vaccins de Pfizer et de Moderna)", a annoncé l'autorité sanitaire samedi 23 janvier. Cette recommandation vaccinale, modifiant le schéma actuel, fait suite à la saisine du ministère de la Santé et aux positions de l'ANSM et de l'OMS. Ces deux instances considèrent comme possible d'espacer à 42 jours l'administration de la seconde dose de vaccin à ARNm, si les circonstances l'exigent. 

Pour la HAS, "l'élargissement des populations cibles couplé à l’arrivée préoccupante de nouveaux variants du SARS-CoV-2 sur le territoire national, dans un contexte de limitation en nombre de doses de vaccin, plaident pour une accélération de la vaccination, en particulier pour les sujets les plus à risque de forme sévère".  

Bien que les AMM des deux vaccins à ARNm prévoient une administration à 21 jours pour le vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech et à 28 jours pour le vaccin Moderna, "l’efficacité vaccinale constatée dans les essais cliniques apparaît suffisamment élevée entre les deux doses pour envisager un espacement de l’intervalle entre ces deux doses, malgré les incertitudes non encore levées, au regard des bénéfices attendus dans les prochaines semaines en termes de couverture vaccinale des populations les plus vulnérables et des enjeux d’équité de traitement, dans le nouveau contexte épidémique", considère la HAS. 

D'après l'essai clinique du vaccin de Pfizer, l'analyse des cas survenus après la 1ère dose et avant la 2ème dose montre une efficacité de 52.4% ; un taux qui pourrait être supérieur car il ne tient pas compte du temps de la réponse immunitaire : l'efficacité pourrait ainsi atteindre 92% si l’on ne considère que les cas survenus entre 14 jours après la 1ère dose et la 2nde dose. 

La HAS relève l’absence de phénomène d’ADE (antibody dependant enhancement) rapporté au cours des essais cliniques. En revanche, la durée de la persistance et la cinétique des anticorps après l’administration d’une seule dose reste incertaine. La durée de protection ne peut pas être garantie au-delà de la fenêtre d’administration retenue dans le protocole d’étude, c’est-à-dire au-delà de 42 jours pour le vaccin Comirnaty, souligne la HAS. 

D'après les modélisations réalisées par l'Institut Pasteur, "quelles que soient les hypothèses considérées (rythme de 100 000 vaccinations par jour ou de 200 000)" et...

"en ne prenant en compte que les vaccins à ARNm", "l’allongement du délai entre les deux doses de vaccin à 42 jours permet d’obtenir un gain temporel moyen de 10 jours par personne vaccinée". A la condition que les doses de vaccins à ARNm disponibles soient "réservées en priorité à la vaccination des personnes de 75 ans et plus puis des personnes de 65 ans à 74 ans en commençant par ceux qui présentent des comorbidités", insiste la HAS. 

L'autorité sanitaire précise qu'elle actualisera son avis en fonction des données disponibles, "en particulier les données en vie réelle dans les pays ayant déjà adopté cette stratégie" : le Royaume-Uni et le Québec ont en effet autorisé l'administration de la 2e dose jusqu'à 12 semaines après la première. 

Suite à cette recommandation française, deux syndicats médicaux ont fait part de leurs réserves. Pour MG France, le délai de 42 jours "ne laisse de plus aucune marge de sécurité dans un contexte où les livraisons de vaccins semblent chaque jour plus aléatoires aussi bien en termes de quantité que de calendrier". Or, les difficultés constatées sur le terrain "risquent d'entrainer un dépassement de ce délai". "L’objectif de 700 000 vaccinés supplémentaires avancé par la HAS ne pourrait être atteint qu’en déprogrammant des rendez-vous déjà pris pour la deuxième dose. Cela ne semble pas envisageable sans risquer de désorganiser profondément les centres de vaccination", relève le syndicat de généralistes, qui juge que le risque constitué par "l'allongement du délai interdose n'est acceptable qu’en donnant la priorité absolue aux personnes les plus vulnérables et à ceux qui les soignent". 

De son côté, l'UFML se montre beaucoup plus sévère vis-à-vis de la HAS. Le syndicat présidé par le Dr Marty "s’étonne de cette recommandation sans fondement médical qui semble montrer que la HAS abandonne son rôle d’agence indépendante pour revêtir celui de porte-parole du Gouvernement" et dénonce "un jeu dangereux qui mise sur la certitude de la réception de quantité de vaccin suffisante pour assurer la deuxième dose, alors que la crise de la Covid-19 a montré que l’avenir était constamment pavé d’incertitudes". 

 
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