Congrès de l’ADA 2020 : des avancées grâce aux capteurs et aux boucles fermées

02/07/2020 Par Corinne Tutin
Diabétologie
Le congrès virtuel de l’American Diabetes Association (ADA) a permis de présenter, du 12 au 16 juin 2020, des résultats de nombreuses études cliniques. Les améliorations de prise en charge passent, dans le diabète, par une utilisation de nouveaux traitements et dispositifs, facilitant monitorage et contrôle glycémiques, le recours à la télémédecine et la prise en compte du vécu des patients diabétiques.

Les diabétiques sous insuline peuvent, depuis quelques années recourir à une mesure continue par capteur de glucose, laquelle remplace l’autosurveillance glycémique traditionnelle à partir de piqûres capillaires. En France, le capteur Freestyle Libre est ainsi remboursé depuis le 1er juin 2017  à 100 % dans le cadre de l’Affection longue durée (ALD) aux enfants diabétiques de plus de 4 ans et aux adultes diabétiques de type 1 et 2 traités par insulinothérapie intensifiée (pompe externe ou 3 injections ou plus d’insuline par jour) après éducation thérapeutique. Plus vaste étude conduite à ce jour avec cet outil de monitorage glycémique, l’étude rétrospective française Relief vient de confirmer sa capacité d’abaisser dans des proportions importantes le risque d’acido-cétose. L’analyse, entre le 1 août 2017 et le 31 décembre 2017, de 33 203 cas de diabétiques de type 1 et de 40 955 diabétiques de type 2, ayant débuté l’utilisation de ce capteur, a mis en évidence une réduction de 52 % dans le diabète de type 1 et de 47 % dans celui de type 2 du nombre d’hospitalisations pour épisode d’acido-cétose (en excluant les comas) par rapport à l’année précédente. Il est probable que, sous capteur, les patients ont détecté plus précocement les hyperglycémies et réagi à temps. Cette  réduction des hospitalisations pour acido-cétose a été retrouvée aussi bien chez les patients traités par injections multiples d’insuline que chez ceux sous pompe, et chez les patients ne contrôlant pas auparavant leur glycémie (baisse respective des hospitalisations pour acido-cétose de 60 % et 51 % dans les diabètes de type 1et 2) que chez ceux qui, à l’inverse, pratiquaient déjà un autocontrôle renforcé avec utilisation de plus de 5 bandelettes par jour (réduction respective de 59 % et 52 %), a expliqué le Pr Ronan Roussel (Service de diabétologie de l’hôpital Bichat de Paris). La diffusion de ce capteur pourrait faire faire des économies de santé, considère cette équipe française.

  Données prometteuses avec le pancréas artificiel Autre progrès, l’arrivée depuis 3 ans de dispositifs d’insulinothérapie automatisée en boucle fermée ou « pancréas artificiels », qui augmentent de 10 à 15 % le temps dans la cible glycémique et réduisent de moitié le risque d’hypoglycémie chez les diabétiques de type 1 qui en bénéficient. Les essais réalisés portent aujourd’hui sur des durées...

plus longues et de 3 à 6 mois, sont plus souvent entrepris dans des conditions de « vraie vie », et s’intéressent aux enfants même jeunes et aux adolescents et plus seulement aux adultes. Plusieurs de ces dispositifs ont une autorisation de mise sur le marché, dont le MiniMed 670 G fabriqué par Medtronic, premier à avoir été proposé aux patients diabétiques dans le monde, ou en France le système Diabeloop.   Les ingénieurs continuent toutefois de perfectionner les boucles fermées. Une étude comparative en cross over, Flair, ayant recruté 113 jeunes diabétiques de type 1 de 14 à 29 ans, vient de rapporter, après 3 mois, de meilleurs résultats avec un pancréas artificiel, l’AHCL (Advanced Hybrid Closed-Loop) de dernière génération également développé par Medtronic qu’avec le MiniMed 670G. Le pourcentage du temps dans la cible glycémique (70-180 mg/dL) était de respectivement 67 % sous AHCL contre 63 % sous 670 G, et le taux d’HbA1 a été abaissé de 7,9 % avant l’étude à respectivement  7,4 % et 7,6 %, a rapporté le Dr Richard Bergenstal, directeur exécutif de l’International Diabetes Center (HealthPartners). Les deux pancréas artificiels ont montré des résultats favorables en termes d’hypoglycémie et d’acido-cétose. Mais, les patients ont préféré le plus récent.


  Dapagliflozine : un effet préventif sur l’apparition du diabète Dans le diabète de type 2 aussi, l’arsenal thérapeutique évolue. Début avril, la dapagliflozine a été le premier inhibiteur de SGLT2 à pouvoir être prescrit et remboursé en France en monothérapie (en cas d’intolérance à la metformine) ou en association aux autres antidiabétiques. L’étude Dapa-HF, publiée en 2019, menée chez 4 744 patients avec une insuffisance cardiaque (IC) à fraction d’éjection abaissée (≤ 40 %) a décrit, après administration de 10 mg/j de ce médicament, une réduction de 26 % à 18,2 mois du nombre d’hospitalisations ou consultations pour IC et décès cardiovasculaires (critère de jugement primaire de l’essai) en comparaison du groupe placebo avec un effet comparable chez les 45 % de patients diabétiques et les 55 % de non diabétiques*. Une nouvelle analyse de l’étude Dapa-HF, présentée lors du congrès de l’ADA, suggère que cet inhibiteur de SGLT2 prévient aussi l’apparition du diabète, 4,9 % seulement des patients initialement non diabétiques du bras dapagliflozine...

étant devenus diabétiques (HbA1c ≥ 6,5 %) au cours de l’essai contre 7,1 % du groupe placebo, soit 32 % de moins. « Cette réduction du risque représente un bénéfice additionnel de la dapagliflozine, en sus de ses effets sur la morbi-mortalité cardiovasculaire, et est comparable à celle retrouvée avec la metformine ( -31 %) dans le Diabetes Prevention Program ou DPP », a expliqué le Pr Silvio Inzucchi (Yale University School of Medicine, New Haven, États-Unis).  Cette analyse a par ailleurs confirmé que les patients devenant diabétiques étaient pour 95,5 % d’entre eux déjà prédiabétiques (HbA1c comprise entre 5,7 et 6,4 %).
Des malades en souffrance sur le plan psychique  « Vivre avec le diabète en 2019 », telle était le nom de l’étude qu’ont réalisée des chercheurs et médecins danois du centre Steno du Nord Danemark et de l’hôpital et de l’université d’Aalborg pour analyser le ressenti des patients diabétiques. Dans ce but, ils ont contacté par courriel les 38 820 membres de l’Association danoise du diabète. Les réponses des 9 108 diabétiques reçues (en sus de celles de 761 soignants), dans 71 % des diabétiques de type 2, révèlent que la prise en charge devrait davantage être centrée sur les malades. Si la majorité des patients ont admis qu’ils avaient accédé à des soins médicaux de qualité, 36 % ont, en effet, estimé ne pas avoir reçu le support dont ils avaient besoin pour mieux répondre aux émotions associées à leur maladie. De plus, 18 % auraient aimé accéder à une aide psychologique, qui ne leur a, en fait, pas été proposée avec une différence nette de point de vue sur ce point entre diabétiques de sexe féminin (24 %) et masculin (12%). Les diabétiques étaient aussi 20 % à déclarer ressentir « un impact négatif de leur maladie presque tout le temps » et 19 % trouvaient que « leur diabète leur prend trop de temps dans la vie ». « Les patients au chômage, les diabétiques de type 2 sous insuline, et ceux avec d’autres pathologies présentaient un risque plus élevé de détresse psychologique », a indiqué le Pr Soren Skovlund (Aalborg).

Une analyse complémentaire de 1 100 réponses a aussi mis en évidence des difficultés en rapport avec l’accès aux nouvelles technologies, la prise en charge en soins primaires, la possibilité d’améliorer pratique physique, alimentation. Un programme national est en cours d’élaboration au Danemark pour mieux intégrer la prise en compte des aspects psychologiques et émotionnels dans les consultations diabétologiques de routine. « Les difficultés sont que les thérapies ne sont pas remboursées chez les diabétiques, en l’absence de trouble mental, et que les spécialistes des troubles psychologiques associés au diabète sont peu nombreux au Danemark », a admis le Pr Skovlund. La télémédecine au secours des diabétiques ruraux « Aux États-Unis, les diabétiques vivant en milieu rural ont un moins bon contrôle glycémique et ont plus de difficultés à accéder aux soins diabétologiques », a souligné le Dr Elizabeth Kobe (Duke University Medical School, Durham).  Un programme de télémédecine, ACDC, a été développé en recourant à l’équipement et au réseau national d’infirmières en télémédecine, créé par le dispositif veillant à la santé des vétérans américains (Veterans Health Administration). En pratique, une infirmière appelait durant 30 minutes, toutes les 2 semaines pendant 6 mois les diabétiques de type 2 vivant en milieu rural mal contrôlés, et les patients étaient incités à un suivre un programme éducatif de 8 modules. Données glycémiques, observance médicamenteuse étaient analysées et un « medication manager », sans contact direct avec les patients, proposait d’éventuelles modifications thérapeutiques. Après des résultats favorables, observés dans un essai randomisé conduit contre soins usuels chez 50 patients (différence de 1 % pour le taux de HbA1c à 6 mois), le programme a été étendu entre 2017 et 2020 et 7 centres répartis dans le pays le proposent désormais. Une étude entreprise sur 5 de ces centres chez 125 patients (à 94 % masculins) mal contrôlés (en général taux d’HbA1c ≥ 8,5 %)  a mis en évidence une amélioration de 1,36 % du taux d’HbA1c à 6 mois après programme de télémédecine ACDC (7,89 % contre 9,25%, p < 0,001). Ensuite, l’impact du programme de télémédecine diminuait tout en restant tout de même très significatif statistiquement (- 1,22 % à 12 mois, -1,07 % à 18 mois, p < 0,001).  Un exemple peut-être à suivre dans d’autres pays comme la France.  
  *McMurray J., et coll. N Engl J Med 2019 ; 381 : 1995-2008.

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