Une mesure "injuste" et "contre-productive" : alerte sur le cumul emploi-retraite des médecins
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 réforme le dispositif du cumul emploi-retraite. Une mesure, passée relativement inaperçue, qui risque d'impacter fortement les médecins en les incitant à arrêter toute activité… sous peine de voir leur pension réduite de moitié.
Marche arrière toute. Alors que les précédentes lois de financement de la Sécurité sociale avaient eu tendance à favoriser le cumul emploi-retraite des médecins, au grand dam de la Carmf qui voyait ses recettes amputées par les exonérations de cotisations consenties, le budget 2026 comporte une mesure qui pourrait en dégoûter plus d'un. Suivant les recommandations d'un rapport de la Cour des comptes rendu en mai dernier, l'article 43 du PLFSS 2026 réforme le dispositif du cumul emploi-retraite à compter du 1er janvier 2027, afin "de le simplifier pour faciliter son recours, de le mettre en cohérence avec l’objectif de report de l’âge effectif de départ à la retraite et d’en faire un dispositif de complément de revenu accessoire ciblé sur les retraités les plus modestes".
Si vous gagnez 27000 euros, votre retraite est amputée de 10000 euros
Concrètement, il s'agit d'instaurer un système "à trois étages". En cas de cumul avant l'âge légal de départ à la retraite (64 ans), la pension de retraite serait écrêtée "à hauteur de 100 % des revenus en cas de reprise d’activité et ce dès le premier euro", expose le Gouvernement. Entre 64 ans et l'âge d'annulation de la décote (67 ans), la pension serait amputée "à hauteur de 50 % des revenus d’activité supérieurs à un seuil qui pourrait être fixé par décret à 7 000 euros de revenus d’activité par an". "Si vous gagnez 27000 euros, votre retraite est amputée de 10000 euros", traduit le Dr Richard Talbot, trésorier de la FMF. Seuls les retraités de plus de 67 ans pourront cumuler intégralement pension et revenus d'activités, en acquérant, en plus, de nouveaux droits sur le régime de base.
But avoué du Gouvernement : dégager 1.9 milliard d'euros d'économies à l'horizon 2030 (400 millions dès 2027) sur l'ensemble des régimes, en incitant les assurés les plus aisés à repousser leur départ à la retraite ou à se diriger plutôt vers le dispositif de la retraite progressive, qui serait plus avantageuse avant 67 ans. Du moins pour les salariés, pointent les représentants des médecins libéraux. Ce dispositif, restreint au régime de base, ne "correspond pas à la réalité de l'exercice libéral", souligne la CSMF.
Quant à l'"écrêtement" des pensions, sa gestion promet d'être une "usine à gaz", relève Richard Talbot. "Faudra-t-il rembourser à la Carmf les pensions versées « en trop » ? Et quand ? Ou les pensions seront-elles payées avec un an de décalage quand les revenus de l’année seront connus ?", interroge le trésorier de la FMF.
A l'instar de la CSMF, qui réclame sa suppression, le généraliste considère la mesure comme "profondément injuste pour les médecins à carrière longue" ou "pour les femmes ayant élevé des enfants qui bénéficient de 8 trimestres par grossesse", qui peuvent "plus facilement atteindre 172 trimestres validés avant 67 ans", pointe le généraliste. "S’ils continuent à travailler on les spolie purement et simplement de leur droit au cumul", dénonce-t-il.
La moitié des médecins concernés
Elle risque, surtout, d'être "contre-productive", met en garde Richard Talbot. Contactée par Egora, la Carmf rappelle que les médecins libéraux liquident leur pension à l'âge moyen de 66 ans et 5 mois. Ce qui signifie qu'environ la moitié d'entre eux, qui prennent leur retraite avant 67 ans, seraient financièrement dissuadés de continuer à exercer en cas de réforme du cumul emploi-retraite. D'autant que les médecins qui poursuivent leur activité après avoir liquidé leur pension maintiennent en général leurs revenus à hauteur de 75%, relève la caisse. Si la réforme passe, ils se retrouveront très vite hors plafond, au risque de voir leur pension réduite de moitié. Vont-ils différer leur départ à la retraite, continuer à exercer en cumul mais à un rythme très réduit pour ne pas dépasser le plafond ou bien choisir d'arrêter complètement d'exercer pour profiter pleinement de leur retraite ? Pour la Carmf, il est difficile d'anticiper le comportement des médecins libéraux, mais le pari du Gouvernement semble "risqué".
Pour l'heure, le Gouvernement n'envisage qu'une dérogation que pour les médecins exerçant en cumul emploi-retraite en zone sous-dense.
Plus de 14 000 médecins en cumul
Au 1er janvier 2025, 14 285 médecins exerçaient en cumul retraite/activité libérale (43% de généralistes, 57% de spécialistes), contre 10 878 en 2014. Leur nombre "ne cesse de s'accroître, notamment depuis le déplafonnement du cumul en 2009", soulignait la Carmf en juillet dernier.
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