SCA : de l’angor à l’infarctus ST+, un continuum

26/09/2023 Par C.G.
Cardio-vasculaire HTA
ESC 2023 - Regroupés sous un seul et même texte de référence, le texte de recommandations relatif aux syndromes coronariens gagne en cohérence. Ses principales évolutions sont pharmacologiques.

  Le syndrome coronarien aigu (SCA) couvre un continuum allant de l’angor instable à l’infarctus avec susdécalage ST (ST+), mais la démarche diagnostique et de prise en charge invasive et hospitalière repose sur les mêmes principes. Aussi, l’European Society of Cardiology (ESC) a inauguré cette année un seul texte de recommandations, englobant la totalité des SCA.   Une durée d’antiagrégation plaquettaire individualisée La double antiagrégation plaquettaire (DAPT, aspirine + inhibiteur de P2Y12 prasugrel ou ticagrelor) pendant 12 mois post-SCA reste la stratégie par défaut, mais le texte fait de plus en plus de place aux stratégies individualisées, prolongées en cas de haut risque thrombotique persistant, ou allégées en cas de haut risque hémorragique. La fin de la DAPT après 3 ou 6 mois, au profit d’une monothérapie (par prasugrel ou ticagrelor) commence à être envisagée au cas par cas, en l’absence de haut risque ischémique. Et des stratégies de désescalade visant à passer d’une DAPT utilisant le prasugrel ou le ticagrelor à une DAPT utilisant le clopidogrel sont aussi proposées si le risque hémorragique est conséquent. Pour les patients les plus à risque, une durée de 1 mois est même envisageable. Pourrait-on passer sous la barre des 30 jours ? L’étude japonaise STOPDAPT3, menée sur la base de résultats concluants d’études non randomisées, avait cherché à confirmer que la récidive post - intervention coronarienne percutanée (ICP) avec pose de stents pouvait être prévenue efficacement par une monothérapie d’emblée. Mais dans cette étude randomisée et contrôlée, le prasugrel seul s’est avéré non supérieur à la DAPT de référence, vis-à-vis du risque hémorragique et non inférieur sur le plan du risque ischémique après 1 mois de suivi. La période minimale de 30 jours de DAPT est donc pour l’heure incompressible.   Traitement interventionnel Les évolutions du texte concernant les approches invasives restent modestes, même si la compilation des différentes entités du SCA dans le même document a toutefois nécessité de clarifier la stratification des interventions en fonction du niveau de risque du patient et du délai écoulé. C’est du côté des hot sessions que des résultats pourraient plus fortement impacter les pratiques : la première concerne le meilleur mode de revascularisation à envisager chez des patients âgés multitronculaires, par définition fragiles. L’étude FIRE a montré que la revascularisation complète était toutefois possible chez eux, car supérieure à celle se concentrant uniquement sur la coronaire infarcie, avec un meilleur pronostic cardiovasculaire et de mortalité à 1 an. La seconde, en revanche, devrait mettre un coup d’arrêt à l’essor récent de la technique d’assistance par circulation extracorporelle (ECMO) dans le choc cardiogénique -rare mais redoutable : après de petites études randomisées et données observationnelles, la première étude randomisée regroupant un effectif important (ECLS-SHOCK) montre clairement l’absence de bénéfice pronostique de l’ECMO (47,8 % de décès à 30 jours vs 49 %), avec de surcroît un surrisque hémorragique par rapport au groupe contrôle.   Triage des patients La troponine haute sensibilité (TNT-hs) indispensable à l’orientation diagnostique reste un test hospitalier. Les recommandations ne préconisent pas encore les dosages ponctuels (POC) réalisés au chevet du patient par les équipes mobiles, car ils sont moins précis. Mais des études ont été ou sont conduites pour faciliter l’exclusion rapide et fiable du diagnostic de SCA et l’adressage des autres dans la filière de soins, à l’image de l’étude ARTICA combinant dosage de la troponine POC et score de risque HEART pour améliorer le repérage des patients non STEMI à faible risque. Le développement d’algorithme d’intelligence artificielle devrait aussi changer la donne. Il n’est donc pas impossible que les recommandations évoluent prochainement dans ce domaine.   Une prévention secondaire intensive et immédiate « La prévention cardiovasculaire reste un élément majeur du pronostic à long terme », a souligné la Dre Borja Ibanez (Fundacion Jimenez Diaz Hospital, Madrid, Espagne). Elle invite de fait à ce que « la prévention du prochain évènement débute dès les premiers jours de prise en charge de l’épisode en cours ». En ce sens, le texte insiste sur l’importance du traitement hypolipémiant dès l’hospitalisation, avec une optimisation du traitement dans les toutes premières semaines. Le traitement par statines doit être immédiatement intensifié pour ceux qui sont déjà traités, en l’associant si nécessaire à l'ézétimibe voir les anti-PCSK9, selon l’atteinte des taux cibles de LDL-c. Les propriétés anti-inflammatoires de la colchicine sur la réduction des événements cardiovasculaires, que plusieurs études récentes ont décrit, ont également conduit les experts à introduire cette molécule à faible dose (0,5 mg/j) pour améliorer le pronostic des patients insuffisamment contrôlés. Il est important de rester proactif et vigilant. RECORD-MI, menée aux Etats-Unis, a montré que près d’un tiers des patients développent une insuffisance cardiaque dans l’année suivant l’infarctus, un chiffre bien supérieur aux récidives thrombotiques. Elle y apparaît le plus souvent repérable dès l’hospitalisation et associée à un risque de mortalité et de réhospitalisation plus élevé. Les données de registre britannique entre 2000 et 2019 (MI-TRAJECTORY) ont, elles, confirmé que si la mortalité intra-hospitalière pour infarctus a été divisée par 2, la mortalité à long terme n’a pas suivi la même pente : à 10 ans, la moitié des décès post-IDM sont liés à un AVC ou à une maladie cardiovasculaire - principalement une insuffisance cardiaque.    

NOAH AFNET 6 : pas d’anticoagulation systémique des épisodes de haute fréquence atriale
Les dispositifs cardiaques implantables peuvent détecter des arythmies atriales infracliniques. La question de la prévention du risque d’AVC associé par une anticoagulation n’était pas tranchée jusqu’à la communication des résultats de l’étude européenne NOAH-AFNET-6. Elle a été menée chez 2 536 patients de plus de 65 ans chez lesquels des arythmies d’au moins 6 minutes avaient été détectés, qui ont été randomisés entre endoxaban et placebo. In fine, l'essai a été interrompu prématurément après un suivi médian de 21 mois pour futilité et problèmes de sécurité : d’une part, le critère principal d'efficacité composite (décès cardiovasculaire, accident vasculaire cérébral, embolie systémique) était équivalent dans les deux groupes, avec un taux d’évènement comparable et faible (environ 1% par année-patient pour les AVC). D’autre part, les saignements ont été plus nombreux dans le groupe endoxaban (149 vs 114 patients, soit 5,9% vs 4,5% par année-patient). L'anticoagulation ne doit donc pas être systématique chez ces patients, qui relèvent d’un électrocardiogramme pour documenter ces épisodes et d’une surveillance régulière afin de prendre en charge les épisodes d’arythmies symptomatiques.
D’après la communication de Paulus Kirchhof (University Heart and Vascular Center, Hambourg, Allemagne)

      Les autres articles du dossier : 1. Actualisation des recommandations dans l’insuffisance cardiaque : place aux gliflozines
2. Diabète : des recommandations spécifiques préconisent un nouveau score de risque
3. Endocardites infectieuses : insister sur la prévention primaire et secondaire      

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