Actualisation des recommandations dans l’insuffisance cardiaque : place aux gliflozines

26/09/2023 Par C.G.
Cardio-vasculaire HTA
ESC 2023 - La nouvelle vague de recherche clinique dans l’insuffisance cardiaque conduit les pratiques et le niveau de preuve à évoluer rapidement. Au point que les recommandations qui lui ont été dédiées en 2021 ont été rapidement caduques. Focus sur les trois éléments clés de cette mouture et sur les études présentées en hot sessions, qui pourraient rendre les dernières guidelines bientôt obsolètes.

  Depuis le texte de 2021, plus de dix essais contrôlés randomisés ont été publiés et ont motivé l’European Society of cardiology (ESC) à conduire une mise à jour ciblée de son texte sur trois points majeurs concernant la prise en charge de l'insuffisance cardiaque (IC) chronique, celle de l'insuffisance cardiaque aiguë et la gestion des comorbidités.   IC Chronique : les inhibiteurs de SGLT2 s’imposent « On sort d’une période de désert concernant l’IC à fraction d’éjection préservée (FEp) : on peut utiliser les antiminéralocorticoïdes et le sacubitril/valsartan, mais on avait sinon peu de progrès » a reconnu le Pr Francois Roubille (CHU Montpellier). Puis, les études Emperor-Preserved (conduite avec l’empaglifozine) et Deliver (avec la dapaglifozine) ont rapporté en 2021 une baisse respective de 21% et 18% de survenue du critère composite (hospitalisations pour IC et décès cardiovasculaires), principalement portée par le premier des deux paramètres. Aussi, les inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose 2 (SGLT2), ou gliflozines, trouvent désormais leur place chez les patients souffrant d’IC à FEp ou à fraction d’éjection modérément altérée (FEVG 41-49%), avec un niveau de recommandation élevé (classe I). Un niveau identique à celui des diurétiques pour la réduction de la rétention hydrique, et des traitements spécifiques de l'étiologie et des comorbidités cardiovasculaires (CV) et non CV qui restent spécifiquement préconisés dans l’IC à FEp. Chez les patients IC diabétiques et ayant une insuffisance rénale chronique, ces gliflozines ont aussi un niveau de recommandation plus élevé qu’auparavant. Chez ces derniers, la finérénone est aussi désormais recommandée (classe I) afin de réduire le risque d'hospitalisation pour IC.   « Vite, fort et pour tous les patients » En 2021, les experts préconisaient déjà que l’intensification thérapeutique soit planifiée dès les jours précédant la sortie d’hospitalisation pour IC aigue, puis au cours des 6 semaines suivantes. L’étude randomisée Strong-HF parue l’an dernier a décrit une réduction de 33% du critère de mortalité CV et de la réhospitalisation pour IC grâce à cette approche (versus soins conventionnels), conduisant à renforcer son niveau de recommandation (classe I). « Cette étude avait été menée avant l’arrivée des gliflozines, a souligné Francois Roubille. Mais, depuis, plusieurs études suggèrent que ces molécules trouvent leur place dans cette démarche d’optimisation précoce » : c’est le cas de l’étude Empulse (empagliflozine), déjà publiée, et de Dictate-AHF, communiquée à Amsterdam : dans cet essai randomisé, le recours à la dapagliflozine dans le cadre de l’intensification a apporté une amélioration pronostique à la limite de la significativité (non atteinte du fait de la taille insuffisante de l’effectif). « Si l’on veut coller à ces recommandations, il faudra sans doute changer les pratiques et mieux travailler avec les médecins généralistes pour mieux optimiser cette titration » a remarqué le cardiologue. « Le développement de la télésurveillance et de consultations de titration assurées par des paramédicaux dans le cadre de la délégation de tâches aidera à atteindre ces objectifs » a prédit le Pr Christophe Leclercq (CHU Rennes).   Comment utiliser les diurétiques ? Dans ce contexte, la mise en place, la surveillance et l’adaptation des doses de diurétique est mal codifiée. Au cours d’un débat dédié, plusieurs experts ont partagé leur point de vue sur leur manipulation : élément clé pour réduire la congestion, leur arrêt constitue un facteur pronostique péjoratif. Cependant, ils exposent à différents évènements indésirables, comme l’hyperactivité vésicale, fréquemment sous-estimée, et « facteur d’inobservance souvent tu par les femmes » a rapporté le Pr Faiez Zannad (Université Lorraine - Vandoeuvre-Les-Nancy). Aussi, leur optimisation peut passer par une individualisation de leur prescription - un diurétique qui ne fonctionne pas est mal utilisé, suggère en substance la Dre Maria Rosa Costanzo (Midwest Cardiovascular Institute, - Naperville, Etats-Unis). Le recours à des équations d’aide à la décision (comme cardiorenalresearch.net) et le développement de nouvelles voies d’administration, notamment sous cutanées, peuvent faciliter la manipulation et donc l’efficacité des diurétiques. L’étude monocentrique Push-AHF présentée cette année confirme qu’adapter le traitement sur la natriurèse est pertinent. Cette démarche conduit en effet à une augmentation de la natriurèse sur 48 heures, de la diurèse sur 24 et sur 48 heures, en comparaison de l’attitude conventionnelle. Néanmoins, elle n’est pas associée à une amélioration des critères durs (nombre de ré-hospitalisations pour IC ou de décès CV). « La meilleure solution pour décongestionner n’est donc probablement pas de donner simplement davantage de diurétiques, mais d’adopter une approche plus personnalisée et précoce » a résumé Adriaan Voors (Université de Groningen, Pays-Bas). D’ailleurs, « l’étude Strong-HF a montré que le succès de l’intensification thérapeutique ne nécessitait pas forcément une intensification de l’usage des diurétiques » a tenu à préciser Faiez Zannad. Dans ce contexte, la place des inhibiteurs de SGLT2 semble incontournable. Celle des antagonistes du récepteur GLP-1 devrait aussi se dessiner prochainement : Step-HfpEF, présentée ici, s’est intéressée à la place du sémaglutide chez les sujets ayant une IC à FEp et obèses. La molécule a, en effet, permis l’amélioration à 1 an versus placebo du score KCCQ-CSS, qui compile des notions de symptômes, limitations physiques et fonction (16,6 % vs 8,7% sous placebo), ainsi qu’une perte de poids significative (-13,3 vs -2,6%). La traduction sur le pronostic cardiovasculaire est néanmoins attendue. L’évaluation des agonistes doubles ou triples des GIP1/GLP/GPP devrait aussi apporter de nouveaux éléments dans le domaine.    

Carence martiale : un patient sur 2 est concerné
Un patient en IC sur deux est concerné par une carence en fer, facteur de mauvais pronostic. Inefficace per os, l’apport de fer est alors nécessaire par voie intraveineuse. Selon plusieurs études, dont l’importante étude Ironman (derisomaltose ferrique), il améliore la qualité de vie rapidement, ainsi que la capacité d’exercice, avec une diminution des risques d’hospitalisation pour IC et de décès CV à la limite de la significativité statistique chez les patients souffrant d’IC à FEp ou d’IC modérément altérée. Quelques méta-analyses, qui ont intégré cette étude suggèrent, depuis, l’amélioration de ces critères durs. Aussi, la supplémentation IV en fer est maintenant recommandée chez les patients atteints d’IC à FE réduite ou modérément altérée afin d'améliorer les symptômes et la qualité de vie et elle « devrait être envisagée pour réduire le risque d'hospitalisation pour IC ».
Cette année, Heart FID, une très large étude menée avec le carboxymaltose ferrique administré tous les 6 mois en fonction du bilan martial à des patients IC à FE réduite, a également décrit un bénéfice modeste sur le critère principal hiérarchique (décès toutes causes à 12 mois, puis hospitalisations pour IC à 12 mois, puis amélioration de la distance de marche de 6 minutes à 6 mois), et une tendance non significative sur ces deux premières composantes prises isolément.

    Au sommaire de ce dossier 1. Diabète : des recommandations spécifiques préconisent un nouveau score de risque
2. Endocardites infectieuses : insister sur la prévention primaire et secondaire
3. SCA : de l’angor à l’infarctus ST+, un continuum      

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Les négociations conventionnelles entre les médecins et l'Assurance maladie doivent-elles reprendre?

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Médecins (CNOM)
il y a 7 mois
La moitié ne prends que 60% des traitements de façon quotidienne. Piur les femmes , en effet le forxig1 ou apparenté ,est une épreuve. Cystite infectieuse, cystalgie ,en plus couplé a un autre duiret...Lire plus

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