Recherches sur l'embryon : une avancée scientifique majeure, des questions éthiques
Des chercheurs britanniques sont parvenus à guérir des bébés d’une maladie mitochondriale grâce à une manipulation générique sur l’embryon. Cette avancée majeure interpelle cependant par le fait que cette expérience n’aurait pas pu être réalisée France – ou même aux Etats-Unis - en raison d'une stricte régulation en la matière.
Publiée le 17 juillet dans le New England Journal of Medicine, une étude, très attendue par la communauté scientifique, dresse le bilan d'une expérience sans précédent : une vingtaine de femmes ont reçu un "don de mitochondrie" afin d'éviter de transmettre à leur enfant une maladie mitochondriale. Cette pathologie génétique rare, qui concerne une personne sur 5 000, peut se traduire de diverses manières, souvent lourdes et handicapantes : troubles de la vision, diabète, dégénérescence musculaire...
Les mitochondries fonctionnant à partir d'un ADN spécial, distinct du reste de la cellule, les scientifiques ont eu l'idée du don de mitochondrie. Il s’agissait de remplacer, juste après la conception d'un embryon, l'ADN mitochondrial de la mère par celui d'une autre femme. Tout le reste du matériel génétique demeurait celui des deux parents.
Le Royaume-Uni est un pays pionnier en la matière : le don de mitochondrie y est autorisé depuis 2015, ce qui a permis l'expérience dont les résultats viennent d'être publiés.
Ils sont, de l'avis de plusieurs scientifiques, très encourageants. Sur une vingtaine de patientes, huit ont donné naissance à des enfants, aujourd'hui âgés entre six mois et trois ans. Cela montre déjà que le don de mitochondrie permet une grossesse viable. Mais, surtout, ces enfants sont nés avec un très faible taux d'ADN mitochondrial compromis. Une illustration que le traitement "fonctionne pour réduire la transmission" des maladies mitochondriales, conclut l'étude.
Cependant, la vigilance concernant cette nouveauté reste de mise. En effet, deux enfants ont présenté des complications médicales. Les auteurs estiment que ce n'est pas lié à la procédure, mais certains commentateurs jugent qu'ils l'excluent un peu vite. Surtout, depuis leur naissance, trois des enfants ont déjà vu augmenter leur taux de mitochondries défectueuses, ce qui pose la question de la pérennité des effets. Pour autant, il s'agit de résultats "très importants et d'une percée dans la médecine mitochondriale", pour le professeur suédois Nils-Göran Larsson, l'un des spécialistes mondiaux du domaine, dans une réaction au Science Media Center britannique.
Des interrogations éthiques
Reste que l'avancée scientifique n'est pas la seule à faire l'objet de commentaires positifs. C'est aussi le cas de la régulation choisie par le Royaume-Uni, saluée par nombre de chercheurs pour avoir permis ces recherches tout en les supervisant étroitement d'un point de vue éthique.
Ce choix contraste avec nombre d'autres pays. Aux Etats-Unis, les autorités sanitaires ont régulièrement manifesté leur opposition ces dernières années. En France, l'Agence de la biomédecine a cherché à lancer des recherches, mais s'est plusieurs fois heurtée à la justice alors que les lois bioéthiques n'autorisent des expériences que sur des embryons de moins de deux semaines, issus d'une PMA et voués à la destruction.
Le don de mitochondrie pose, de fait, des interrogations éthiques. Certains observateurs craignent que la procédure, introduisant une dose certes réduite d'ADN d'une tierce personne, trouble l'enfant dans le développement de sa personnalité. Surtout, les critiques soulignent qu'il s'agit d'une forme de manipulation génétique de l'embryon, fermement prohibée par certaines conventions internationales.
Certains commentateurs - des opposants à cette procédure - ont employé, de manière caricaturale, l’expression de "bébés à trois parents" pour décrire cette étude.
De plus, hors de l'expérience britannique, des enfants sont nés ces dernières années de dons de mitochondrie dans un cadre réglementaire moins restrictif, en Grèce ou en Ukraine, avec une justification parfois plus floue comme de traiter l'infertilité. "C'est le problème du rapport bénéfice/risque : pour une maladie mitochondriale, le bénéfice est évident", estime auprès de l'AFP la chercheuse française Julie Steffann, spécialiste des maladies mitochondriales. "Dans le cadre de l'infertilité, ce n'est pas prouvé." Mais l'interdiction des recherches en France "est regrettable pour les patientes", dit-elle, jugeant inadéquat d'apparenter le don de mitochondrie à la création d'un embryon "transgénique".
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