Prise en charge de la douleur : ce qu’il faut retenir du dernier congrès de SFETD

20/12/2022 Par A.V.
Neurologie
Le 22ème congrès national de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD) s’est tenu du 16 au 18 novembre à Lille sur un format hybride. L’événement a fait le point sur les connaissances en lien avec la douleur et sa prise en charge, depuis les neurosciences jusqu’aux sciences humaines et sociales, et avec une place importante offerte aux techniques du numérique. Ainsi, les traumatismes, le Covid, la sexualité, l’activité physique, … sont quelques-unes des options actuellement à l’étude pour leur impact sur la douleur, qui ont été présentées au congrès.

  Ce congrès a été riche en nouveautés, que cela concerne la physiopathologie de la douleur ou de nouveaux axes thérapeutiques. Le Dr Christian Dualé, praticien hospitalier au CHU de Clermont-Ferrand, anesthésiste et chercheur clinicien, était président du conseil scientifique du congrès ; il revient sur certains points forts de l’événement. Douleur et émotions, le cerveau en action     La conférence inaugurale tenue par le Dr Roland Peyron, neurologue (CHU de Saint-Étienne) a synthétisé les résultats de ses travaux de recherche au sein de l’équipe Inserm NeuroPain. Ces connaissances sont issues d’études humaines en imagerie et d’enregistrements profonds couplés à des explorations sur la perception de la douleur et des émotions, chez des patients épileptiques porteurs d’électrodes implantées dans divers endroits du cerveau pour motifs thérapeutiques. "Les aires principales d’intégration de la douleur ne sont pas, contrairement à ce qui a été longtemps imaginé, situées dans le néocortex, mais plutôt dans le paléocortex, notamment le cortex cingulaire et l’insula. De plus, les zones d’intégration de la douleur stricto sensu et celles des émotions en lien avec la douleur (notamment l’empathie) sont proches et interactives. Or nous savons que la chronicisation de la douleur est liée au vécu de la personne. Cela renforce l’idée que la douleur chronique ne peut pas être traitée sans intégrer le volet de la psychothérapie pour intervenir sur l’émotion, et souligne par ailleurs l’intérêt des techniques de stimulation magnétique trans-cérébrale en pleine expansion", précise le Dr Dualé. Le psycho-trauma et le terrain de la douleur Un hommage de la communauté a été rendu à Marie-Christine Defontaine-Catteau, psychologue clinicienne (CHU de Lille) et récemment disparue, pour ses travaux sur le pycho-trauma. Présentées par le Pr Antoine Bioy, psychologue (Saint-Denis), ces recherches ont montré que les patients douloureux chroniques ont souvent subi des pycho-traumas au cours de leur vie, et expliqué les mécanismes de la relation trauma/douleur. "Du fait de ce terrain, ils souffrent par exemple d’avantage d’une lésion consécutive à une maladie, ce à quoi il faut ajouter que l’expérience douloureuse est elle-même un trauma. Cette théorie est confirmée en recherche animale et humaine, de même que dans la pratique clinique des Structures Douleur Chronique (SDC). Ce qui revient à dire qu’il faut intervenir sur cet élément et pas uniquement sur la douleur "biologique" : c’est le trépied d’une SDC, composée bien sûr de médecins spécialisés mais aussi d’infirmières ressource-douleur et de psychologues", détaille le Dr Dualé. Le syndrome post-Covid et la dérégulation du système nerveux végétatif Le Pr Thierry Schaeverbeke, rhumatologue au CHU de Bordeaux, a développé l’hypothèse, basée sur des observations de syndromes post-Covid, que certains phénomènes inflammatoires aigus voire chroniques peuvent concourir à des états douloureux par une dérégulation du système nerveux végétatif. Pour le Dr Dualé, "nous ne savons pas exactement ce qui sous-tend à cette dérégulation : hyperactivité orthosympathique ou altération de la réponse parasympathique ? Une voie commune pourrait expliquer des états douloureux persistants en post-Covid comme ceux observés dans la fibromyalgie. Cest une réflexion intéressante et innovante ouvrant des perspectives de recherche pour mieux comprendre le mécanisme de certaines douleurs chroniques." La consultation de sexologie pour améliorer la santé des patients douloureux chroniques À la fois marqueur et élément améliorant la qualité de vie, la sexualité est un élément de la santé. "Très probablement altérée chez les patients douloureux chroniques, la question, non résolue actuellement, est d’améliorer leur sexualité pour améliorer leur santé générale. Présenté par le Dr Mireille Dubois Chevalier, sexologue à Marseille, ce thème est abordé pour la première fois dans un congrès national sur la douleur. Cette problématique ouvre des réflexions et suggère d’être intégrée aux futurs programmes de formation", souligne le Dr Dualé. Les effets antalgiques de l’activité physique Selon Guillaume Léonard, kinésithérapeute québécois et chercheur dans le domaine de la douleur (Sherbrooke, Canada), tous types d’activités physiques peuvent avoir des effets antalgiques. "L’effet provient du cerveau. Il est comparable dans son mode d’action à une stimulation magnétique trans-crânienne, partant des aires motrices et descendant sur les voies de la douleur pour les moduler. En pratique, pour inciter les patients douloureux chroniques à avoir une activité physique régulière, il convient d’une part qu’ils choisissent leur pratique préférée et d’autre part de réduire leur douleur lors des mouvements. Pour cela, l’intervenant conseille d’utiliser des méthodes antalgiques brèves, comme par exemple la neurostimulation électrique transcutanée (TENS), dans les régions douloureuses. Cette technique non invasive permet d’avoir une activité physique moins douloureuse, et qui va elle-même avoir des effets antalgiques", s’enthousiasme le Dr Dualé. Des altérations du microbiote observées chez les patientes souffrant de douleurs pelviennes chroniques Le conseil scientifique a décerné le prix "coup de cœur" aux travaux de recherche de la Dre Claire Cardaillac, gynécologue (CHU de Nantes). "Cette étude cas/témoins avec une valence translationnelle porte sur le rôle des altérations du microbiote dans les troubles digestifs observés chez les patientes douloureuses pelviennes chroniques. Ces travaux innovants montrent que le microbiote est un élément aggravant des douleurs digestives. Cela ouvre des pistes thérapeutiques, car le microbiote peut se moduler par des interventions nutritionnelles", indique le Dr Dualé. La musicothérapie comme antalgique Depuis plusieurs années, des techniques innovantes (réalité virtuelle immersive, musicothérapie…) sont présentées au congrès de la SFETD. "Ces outils s’officialisent dans l’arsenal thérapeutique du traitement de la douleur. Ils prennent leur place avec des niveaux de preuves scientifiques croissants, même s’ils ne sont pas encore ceux du médicament", conclut le Dr Dualé.

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