Les virus du Covid ont, depuis plus de 2 ans, modifié les infections respiratoires saisonnières, et la grippe en particulier, qui prévalait jusqu’ici… Entretien avec le Pr Bruno Lina*, virologue au CHU de Lyon, membre du Centre International de Recherche en Infectiologie. 
 

 

Pr Bruno Lina* : Quelles sont les leçons de l’épidémie de grippe de la saison 2021-22 ? Si la circulation du virus grippal a débuté tôt, l’épidémie de grippe a été plutôt tardive, à son plus haut en mars, avril et mai. La saison grippale s’est finalement étirée de janvier à mai, essentiellement avec du virus de type A. Il faut noter que le calendrier habituel, qui voyait se succéder les rhinovirus, le virus respiratoire syncytial puis celui de la grippe, est à l’évidence perturbé par ce nouvel intervenant, le coronavirus Sars-CoV-2. Outre des décalages de temps de circulation, la co-circulation des virus classiques avec le Sars-CoV-2 est aussi possible. Dès lors, les mêmes phénomènes pourraient se produire cette année encore, ce qui doit nous inciter à être vigilants : l’épidémie de grippe est susceptible de démarrer n’importe quand ! à l’image de ce que nous avons vécu l’an passé.
Autre leçon de cette histoire récente, les virus grippaux continuent à évoluer. De nouveaux groupes génétiques de virus de type A ont été détectés, essentiellement de sous-type H3N2, mais aussi H1N1pdm09. Ils ont tous deux changé, au profit de lignages majoritaires qui depuis se sont stabilisés, ce qui valide le choix de la composition vaccinale. En ce qui concerne les virus de type B, nous avons observé qu'un lignage de type B aurait disparu… Deux lignages B coexistaient jusqu’ici, Victoria et Yamagata ; or le second s’est pratiquement évanoui, ce qui pourrait être une conséquence du Covid. Enfin, une certitude, la grippe reste la grippe, transmissible par les enfants, les aînés développant des formes graves. Au cours de cette dernière saison grippale, 1 000 patients sont entrés en réanimation du fait de la grippe.   Les Français étaient-ils correctement vaccinés ? Ils s’y sont résolus moyennement en 2019 il y a 3 ans. Faute sans doute de vaccination anti-Covid, la vaccination antigrippale a atteint des niveaux inédits il y a 2 ans ; les taux de couverture ont reflué en 2021, mais sont restés au-dessus du niveau de 2019. Si la tendance est positive, nous sommes autour de 50 % de couverture chez les populations à risque, loin des 75 % cible. Deux groupes sont insuffisamment vaccinés : les femmes enceintes quel que soit l’âge de la grossesse et les patients asthmatiques difficiles à équilibrer, ce qui n’est pas raisonnable. Le Covid a mis en lumière l’intérêt de la vaccination pour réduire l'impact d'une maladie à virus respiratoire : faisons infuser ce mouvement jusqu’à la vaccination antigrippale. S’agissant de la vaccination antigrippale 2022, dans un contexte où subsistent de très nombreuses incertitudes sur la circulation des virus grippaux, l’intensité de l’épidémie et l’impact de la co-circulation des virus du Covid, la vaccination est hautement recommandée pour les plus fragiles, à risque de forme grave et de décès. Le nombre de cas lié au Covid ayant été stratosphérique, il n’y pas eu de place pour les virus grippaux, ce qui explique que le pic de l’épidémie grippale se produise de façon décalée depuis plusieurs années, soit 6-7 mois après l’administration du vaccin (en octobre/novembre comme recommandé). La protection est sans doute alors moins bonne. On ne sait avec certitude le moment du démarrage de l’épidémie seulement lorsqu’elle est là ; le vaccin étant efficace en 15 jours, il est inenvisageable d’attendre ses prémisses puisque le pic survient alors dans les 5 à 6 semaines et que le temps de déploiement de la campagne est aussi de 5-6 semaines où 6 à 7 millions de personnes au moins doivent être vaccinées… Il est impossible de prédire ce que sera cet hiver, le moment du démarrage de l’épidémie, les souches en présence, etc. : tout reste incertain, le choix d’une vaccination antigrippale plutôt précoce étant fait par conservatisme.   Quels sont les nouveaux vaccins ? Les vaccins proposés sont des vaccins quadrivalents conçus avec des souches inactivées, dont certains sont à haute dose, soit 4 fois plus dosés pour améliorer la protection vaccinale des plus âgés. En cours de développement, des vaccins à ARN messager sur le modèle des vaccins anti-Covid, dont certains pourraient combiner les deux familles de virus grippe et Covid. Il faut noter qu'il n’existe pas de vaccin antigrippal adjuvanté en France, ni de vaccin protéique purifié. A l’essai encore (de phase 2 ou 3), des vaccins “élargis“ qui combinent deux immunogènes (hémagglutinine et protéine de la nucléocapside virale) pour activer à la fois les réponses humorale et cellulaire et obtenir ainsi une meilleure protection. Enfin, toujours au stade de la recherche, depuis 10 ans maintenant, un vaccin universel contre les virus grippaux circulants…

Vignette
Vignette

Médecins, faut-il signer l'accord conventionnel proposé par la Cnam?

Stephane Henri

Stephane Henri

Non

Aucun contrat de travail ne contient autant de contrainte concernant un métier libéral. Cette convention ne contient aucun paragra... Lire plus

0 commentaire
18 débatteurs en ligne18 en ligne





La sélection de la rédaction

Podcast Vie de famille
Jumelles et médecins généralistes : "L'idée, c'était d'avancer ensemble"
15/04/2024
0
Rémunération
"Les pouvoirs publics n'ont plus le choix" : les centres de santé inquiets de l'avenir de leur modèle...
07/05/2024
1
Infirmières
Les infirmières Asalée sauvées?
16/04/2024
1
Pneumologie
Asthme de l’enfant avant 3 ans : une entité particulière
19/04/2024
0
Neurologie
Syndrome de Guillain-Barré : une urgence diagnostique et thérapeutique
04/04/2024
0
Santé publique
Ce qui se cache derrière la hausse inquiétante de l'infertilité
13/03/2024
17