Douleur chronique : quelles pistes d’amélioration ?
La Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD) alerte sur l’insuffisance de prise en charge de la douleur en France. De nouveaux moyens, une réorganisation du parcours de soins, et le développement des thérapies innovantes apparaissent nécessaires.
La douleur est actuellement encore un véritable problème de santé publique. "Premier motif de consultation, dans les services d’urgences et chez le médecin généraliste, la douleur chronique concerne, en effet, près de 12 millions de Français soit plus de 20 % de la population, qui déclarent des douleurs chroniques d’intensité modérée à sévère. Et 32% des Français expriment une douleur quotidienne depuis plus de 3 mois", a ainsi rappelé le Pr Eric Serra (CHU d’Amiens), vice-Président de la Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD), lors d’un point presse organisé en juin dernier par cette société savante et la Fondation Apicil.
Pourtant, malgré cette fréquence, la douleur chronique est insuffisamment prise en charge. Ainsi, "2 patients sur 3 ne sont pas soulagés par leur traitement", constatait la SFETD dans son Livre Blanc de la douleur de 2017. Et, "moins de 3 % des patients douloureux bénéficient d’une prise en charge dans une structure douleur spécialisée" et "plus de 2/3 des patients (70 %) souffrant de douleur chronique, présentent des répercussions psycho-sociales à type de troubles du sommeil, anxiété́, dépression, etc."
La SFETD, société savante pluriprofessionnelle comprenant entre 1800 et 2000 membres, milite sur ces problématiques en collaboration avec Apicil, Fondation reconnue d’utilité publique permettant, par des financements dirigés, l’émergence de programmes innovants et humains pour améliorer la prise en charge de la douleur en France. Cela s’étend des projets de recherche au financement de postes innovants comme l’art-thérapie ou le socio-esthétisme, en passant par la formation des soignants à l’hypno-analgésie.
Et ce combat s’avère fructueux ! Deux points fondamentaux des alertes émises par la SFETD ont en effet été ingérée dans le plan gouvernemental décennal 2024-2034 "soins palliatifs, prise en charge de la douleur et accompagnement de la fin de vie en France".
Renforcer les structures douleur
Le premier concerne la pérennisation des structures de douleur chronique (SDC), qui sont des lieux essentiels à l’évaluation des problématiques du patient et à l’organisation de son parcours de soin. A ce jour, 274 unités de ce type sont ouvertes, de façon inégale sur le territoire. Les pouvoirs publics ont donc émis des incitations à développer leur mise en place, à travers l’ouverture de 27 nouvelles structures, dont 15 en cancérologie et 12 pour les mineurs.
En effet, l’inclusion des populations vulnérables touchées par la douleur, dont la population pédiatrique fait partie, est également une alerte forte de la SFETD à l’intention des instances décisionnelles. Une seconde volonté à terme : que la prise en charge de ces patients se fasse grâce à des Infirmiers Experts Douleur en coopération avec le médecin dans ces structures labelisées, afin d’optimiser le parcours du patient en permettant une diminution du délai de prise en charge et un suivi plus régulier. A ce jour, ce projet est en cours de validation auprès de la Hautre Autorité de Santé (HAS) et des Conseils Nationaux Professionnels (CNP).
Douleurs réfractaires : intérêt des injections intrathécales
Le second point concerne la mise en place de plateformes interventionnelles dans chaque région. Ces plateformes concerneront les patients présentant des douleurs réfractaires, définies par des douleurs résistantes aux traitements classiques, notamment aux doses élevées d’opioïdes. La technique interventionnelle reine appliquée dans ces centres est l’analgésie intra-thécale.
Pour le Pr Denis Dupoiron, anesthésiste-réanimateur et chef du Département Douleur de l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO) d’Angers : "Cette technique est validée par la HAS et apparaît dans les recommandations de la prise en charge des douleurs réfractaires, qui touche 10 à 15% des patients atteints de cancer à un stade avancé de la maladie. L’injection localisée permet, en étant au plus près du site, d’administrer des doses 300 fois moins importantes que par voie orale. Cependant, elle nécessite un suivi et une formation très spécifiques, nécessitant la création de centres experts régionaux. A ce jour, seulement 1 patient sur 10 présentant des douleurs réfractaires bénéficie de cette technique, avec une terrible inégalité́ sur le territoire. Seuls deux centres fonctionnent à ce titre aujourd’hui : un dans les Pays de la Loire et un en Auvergne Rhône Alpes." D’où la volonté d’étendre ces plateformes d’expertise, où d’autres options thérapeutiques interventionnelles existantes pourraient également être mises en place, telles que les blocs régionaux et les cimentoplasties.
Enfin, il ne faut pas oublier, que la douleur est actuellement la première préoccupation des patients avec une maladie chronique, et elle est décrite comme l’élément prépondérant amenant au souhait d’interrompre la vie [NDLR : Première cause de demande de fin de vie en France, avec comme cause rapportée une douleur intolérable]. Dans cette période où l’aide active à mourir revient dans le débat politique, il semblerait judicieux de mettre également au premier plan les discussions visant à un meilleur soulagement de ces douleurs, de façon harmonisée sur tout le territoire français.
Références :
D’après une conférence de presse de la SFETD (6 juin)
https://fondation-apicil.org
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