Douleurs neuropathiques : les traitements non pharmacologiques comptent

11/05/2023 Par C.G.
Neurologie
[JNLF 2023] Face aux limites des traitements oraux, les approches topiques, psychothérapiques et de neuromodulation ne doivent pas être négligées. 
 

Peu de patients sont bons répondeurs aux antalgiques oraux et les facteurs prédictifs de réponse sont rares, hormis la sévérité de la douleur et le handicap fonctionnel initiaux. Aussi, les recommandations françaises de prise en charge des douleurs neuropathiques (DN) ont élargi le spectre pharmacologique, mais ont aussi positionné en bonne place les approches non pharmacologiques, qu’il convient de ne pas négliger. Ainsi, la stimulation électrique transcutanée (TENS), dont l’action repose sur les paresthésies induites dans l'aire douloureuse, fait partie de la première ligne des traitements des DN périphériques peu étendues. La thérapie cognitivo-comportementale et la thérapie de pleine conscience sont efficaces, en associations aux autres traitements et font partie des recommandations de deuxième ligne. 

Enfin, deux approches de neuromodulation au niveau du SNC ont leur place en troisième ligne de traitement : la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) du cortex moteur dans les douleurs centrales ou, de façon moins éprouvée, la stimulation électrique trans-crânienne par courant continu à domicile (tDCS). Enfin, la stimulation médullaire après implantation d’électrodes au niveau périmédullaire lombaire est efficace dans les DN diabétiques et les radiculalgies chroniques postchirurgicales. L’accès de ces approches se heurte toutefois aux questions d’offres et de prise en charge. 

 

Maniabilité des traitements topiques 

Les traitements topiques, qui ont l’avantage d’éviter les effets indésirables centraux, les risques de dépendance et la titration, sont de plus en plus sollicités par les patients. Ils sont indiqués dans le traitement des DN périphériques focales lorsque la zone douloureuse est peu étendue et conserve une sensibilité résiduelle à la stimulation : les emplâtres de lidocaïne 5% ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) limitée aux douleurs post zostériennes, avec un maximum de 3 applications par jour. Ils ont l’avantage d’agir très rapidement, dès la première application, sans effet rémanent au retrait. Ils seraient aussi efficaces dans l’allodynie mécanique et les douleurs post-chirurgicales. 

En deuxième intention, deux options existent, limitées à un usage hospitalier : la capsaïcine et la toxine botulique. Les patchs de haute concentration de capsaïcine (8%) sont efficaces dans la douleur post-zostérienne, les DN du VIH et les DN non diabétiques. L'application initiale souvent très douloureuse expose à de rares cas d’HTA, imposant une surveillance minimale d’une heure. Son efficacité est rémanente jusqu’à 3 mois. Elle favoriserait la régénération localisée de nouvelles fibres. La toxine botulinique de type A, quant à elle, est efficace sur les DN diabétiques et post zostériennes. Son administration sous-cutanée est trimestrielle et bien tolérée outre la douleur au point d’injection. 

 

Attention aux molécules à risque de mésusage 

Par ailleurs, toutes les DN sont éligibles à un traitement par voie générale, dont le Pr Xavier Moisset (CHU Clermont Ferrand) a rappelé les grands principes : « En l’absence de contre-indication, on choisit un traitement de première ligne instauré à doses minimales puis augmenté progressivement. La ligne suivante est envisagée en cas d’évènements indésirables ou si la réponse est insuffisante, c’est-à-dire si la diminution de la douleur et/ou l’amélioration fonctionnelle sont inférieures à 30%. » Après 6 à 12 mois de contrôle des douleurs, la réduction progressive des posologies voire l’arrêt du traitement, doit être envisagée. 

Le traitement oral de première intention repose sur la duloxétine (60–120 mg/j en 1 ou 2 prises) ou, à défaut, la venlafaxine (150–225 mg/j en 2 ou 3 prises) : des évènements (nausées, anorexie, baisse de libido, constipations…), peuvent survenir à l’initiation du traitement. Deux autres molécules peuvent être envisagées en première ligne : les antidépresseurs tricycliques à doses faibles (<75 mg/j) et la gabapentine (1 200–3 600 mg/j en 3 prises), qui exposent à certains effets indésirables (vertiges, œdèmes, prise de poids…). 

Les antidépresseurs tricycliques et les IRSNA exposent au risque suicidaire temporaire par levée d’inhibition chez les patients dépressifs. Attention également au risque récemment décrit de mésusage et d’abus associé à la gabapentine. Il en est de même pour les médicaments de seconde intention : prégabaline (150-600 mg/j en 2 à 3 prises, ordonnance sécurisée) ou Tramadol LP (100-400 mg/j en 1 ou 2 prises). Des associations d’antidépresseurs et de gabapentinoïdes peuvent aussi être envisagées en deuxième ligne. 

Enfin, « les autres opioïdes ne sont indiqués qu’en 3e ligne, uniquement en l’absence d’alternative, pour la durée la plus courte possible et toujours sous formes à libération prolongée sauf dans certaines douleurs cancéreuses », la posologie maximale étant de 150 mg/j équivalent morphine. Pour l’heure, les données disponibles ne sont pas en faveur des cannabinoïdes ou de la kétamine orale. 

Pour toutes les molécules à risque de mésusage, le repérage du risque doit être conduit à chaque consultation, en utilisant par exemple l’échelle ORT (Opioid Risk Tool) disponible en ligne. Si une personne est à risque, elle reste éligible au traitement, sous couvert d’un encadrement rigoureux et d’un suivi strict.   

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