Cancer du sein : vers une personnalisation des traitements

30/09/2022 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Cancérologie
Les femmes en dehors de la tranche d’âge du dépistage organisé du cancer du sein doivent être mieux informées et mieux suivies. Et ce, d’autant que les signatures génomiques et les anticorps conjugués permettent aujourd’hui d’améliorer encore la prise en charge de cette pathologie en affinant l’indication des traitements.
 

  Avec 33% des cancers féminins, le cancer du sein CS est le cancer le plus fréquemment observé chez les femmes en France comme dans l’UE et aux Etats-Unis. 60% des CS sont détectés à un stade précoce, ce qui permet de le soigner plus facilement mais aussi de limiter les séquelles liées à certains traitements. Il reste un cancer de bon pronostic dont le taux de survie reste stable (87% de taux de survie nette standardisée à 5 ans pour les femmes diagnostiquées entre 2010 et 2015). Mais il constitue néanmoins la première cause de décès par cancer chez les femmes (12 100 décès en 2018).   Adapter le dépistage organisé aux évolutions technologiques et sociétales En France, le dépistage organisé du cancer du sein (DOCS) couvre la tranche d'âge de 50 à 74 ans avec invitation par les Centres Régionaux de Coordination des Dépistages des Cancers à réaliser une mammographie et un examen clinique biennal associé en fonction de la densité mammaire à une échographie mammaire. Les résultats de ce programme de santé publique montrent une diminution régulière de la participation qui ne peut être imputée à la crise sanitaire. Un récent rapport de l’IGAS publié au mois de juin 2022 a mis en exergue les limites actuelles de l’organisation en formulant des critiques sévères sur le déficit de gouvernance lié aux multiples autorités de tutelles et au manque d’interaction avec les professionnels de terrain mais aussi une absence d’adaptation aux évolutions technologiques. Aussi la deuxième lecture de mammographies, pilier du système du DOCS, qui permet de découvrir chaque année près de 1000 cancers non vus par le premier radiologue est actuellement limitée par l’absence de dématérialisation des examens radiologiques. Une seconde lecture « archaïque » des clichés imprimés et empêchant ainsi le déploiement de toute innovation (IA par ex), selon la Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire (SFSPM)*. « L’arrivée prochaine de nouvelles techniques impose de rendre le système plus agile et efficient » ajoutent les experts. La Société rappelle aussi que la question du dépistage ne se pose pas pour les femmes de moins de 40 ans, en dehors des femmes à haut risque (prédisposition génétique, histoire familiale de CS) pour lesquelles les recommandations établies par la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2014 sont toujours d’actualité (consultations onco-génétique, surveillance clinique bi-annuelle et IRM mammaire annuelle). En revanche la question est plus complexe pour les femmes de 40 à 50 ans puisque 15% des cancers surviennent dans cette tranche d’âge. Pour le moment, le choix revient aux femmes qui doivent donc être correctement informées sur les avantages mais aussi sur les inconvénients de réaliser une imagerie des seins (exposition en rayons X, faux positifs, biopsie a posteriori inutile). En revanche, un effort de communication important doit être fait pour les patientes qui sortent du DOCS (après 74 ans) puisqu'un grand nombre d'entre elles pensent que le suivi n’est plus nécessaire, ce qui induit une prise en charge des cancers à des stades tardifs. Pour cette population, un suivi clinique annuel est indispensable et la mammographie doit continuer à être réalisée tous les 2 ans sur prescription médicale en absence de comorbidités importantes.   Les signatures génomiques pour éviter des chimiothérapies inutiles et toxiques Sous-traitement (crainte de la rechute métastatique), sur-traitement (toxicité morbide)… les cancérologues en charge du CS font face quotidiennement à ce dilemme concernant la chimiothérapie adjuvante. Mais les signatures génomiques sont apparues comme le moyen de combiner plusieurs variables permettant de mieux analyser le risque de rechute. Elles distinguent les patients en deux groupes : un groupe dit « de bon pronostic » qui ne nécessite pas de chimiothérapie adjuvante et auquel les médecins proposent le plus souvent une hormonothérapie, et un groupe dit « à haut risque de rechute » pour lequel il est préférable d’envisager une chimiothérapie. Jusqu’à présent, les signatures génomiques avaient montré un intérêt dans les tumeurs du sein sans envahissement ganglionnaire. Récemment, la signature « OncotypeDX » a montré qu’elle pouvait isoler un groupe de patientes à bon pronostic parmi celles qui avaient 1 à 3 ganglions envahis et qui étaient ménopausées. Ces patientes – qui recevaient jusque-là une chimiothérapie adjuvante- peuvent désormais bénéficier d’un test génomique et ainsi éviter ce traitement lorsque le risque métastatique est inférieur à 10% à 10 ans.   Les anticorps conjugués pourraient concerner près d’1 femme sur 2 Il s’agit de la combinaison d’un anticorps, dirigé contre une cible thérapeutique présente sur la cellule tumorale, sur lequel est accrochée une molécule de chimiothérapie. L’anticorps va ainsi servir de moyens de transport pour amener cette molécule de chimiothérapie cytotoxique directement au niveau de la cellule tumorale. Beaucoup de désagréments liés à la diffusion de la chimiothérapie au niveau de tout l’organisme sont ainsi évités. L’anticorps trastuzumab-déruxtécan a montré une efficacité très significative dans le CS métastatique, non seulement HER2 surexprimé mais aussi dans les tumeurs « HER2 low ». Des résultats d’autant plus importants qu’ils concernent près de 45% des femmes atteintes de CS ! L’anticorps sacituzumab-govitécan a également montré son efficacité dans le CS métastatique dit « triple négatif ». Ce type de tumeur particulièrement agressif ne bénéficiait jusqu’à présent, que d’une approche par chimiothérapie seule. Le domaine des anticorps conjugués ouvre aujourd'hui des perspectives immenses et des espoirs thérapeutiques majeurs dans la prise en charge du CS mais également pour l'ensemble des tumeurs cancéreuses.  

Faut-il mettre fin à la possibilité pour un médecin retraité de prescrire pour lui-même ou pour ses proches ?

Didier Thiranos

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