Expertise judiciaire : le secret médical s'oppose-t-il à la présence d'un avocat durant l'examen clinique ?
D'après un arrêt de la Cour de Cassation du 30 avril 2025, l’avocat d’une victime ne peut pas assister à l’examen clinique réalisé par un médecin dans le cadre d’une expertise médicale judiciaire, même avec le consentement de la victime.
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, la victime reprochait aux juges d’exclure les avocats des parties de l’examen médical réalisé dans le cadre d’une expertise judiciaire, alors que la présence ou l’absence des avocats, au cours de cet examen relèverait, selon elle, uniquement du libre choix de la personne concernée. Dans sa réponse, la Cour de cassation a tenu à préciser que le bénéficiaire d’une mesure d’expertise judiciaire ne peut "exiger la présence de son avocat au moment de l’examen clinique par le médecin expert, aucune disposition législative n’autorisant la levée du secret médical dans cette phase, au bénéfice d’une personne qui n’est pas un professionnel de santé". Le droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant est un principe intangible, rappelé par l’article L.1110-4 du code de la santé publique. Et la Cour de cassation d’ajouter "qu’en matière d’expertise médicale, une partie ne peut renoncer par avance au secret médical, et en relever le médecin expert, dès lors que ce secret porte nécessairement sur des éléments et constatations à venir dont elle ne connaît pas la teneur".
L’équilibre entre les droits de la défense et le secret médical est toutefois respecté dans la mesure où les avocats peuvent assister à d’autres phases de l’expertise, notamment à l’accueil, l’exposé de l’anamnèse, au recueil de doléances et à la discussion médico-légale et peuvent être présents lors de la restitution contradictoire, faite par l’expert, de ses constatations cliniques : une phase au cours de laquelle des observations peuvent être formulées et des requêtes présentées. Dans sa décision, la Cour de cassation a ainsi tenté de trouver un équilibre entre contradictoire et vie privée, dès l’instant où l’avocat peut intervenir aux autres étapes de l’expertise.
Une décision critiquée par certains
Le secret médical prévaut car il porte aussi sur des éléments futurs dont la victime ne connaît pas la teneur au moment de l’examen. Toutefois, certains auteurs ont pu critiquer cette décision. Ainsi, Maître F. Petit, avocat spécialiste en droit du dommage corporel(1), tient à rappeler "qu’il faut bien avoir conscience que la victime est par nature fragilisée par ce statut et que son expertise est traumatisante ou à tout le moins inconfortable. Lors d’une expertise médicale, cette victime peut donc se sentir 'seule', vulnérable et avoir besoin de s’appuyer sur quelqu’un qu’elle connaît et en qui elle a confiance. Justement, l’avocat est son défenseur…"
Une autre auteure, E. Caillon(2), rappelle que cet arrêt est critiqué, notamment en matière psychiatrique, où l’expertise ne se réduit pas à une simple constatation médicale, mais implique une évaluation subjective et émotionnelle. Et cette auteure de souligner l’importance d’un accompagnement juridique, essentiel pour garantir les droits de la victime et la protéger dans un moment potentiellement traumatisant. Elle plaide ainsi pour une reconnaissance de la spécificité de l’expertise psychiatrique, distincte du modèle somatique traditionnel.
- F.PETIT : La victime ne peut pas exiger la présence de son avocat lors de son examen clinique au cours d’une expertise médicale judiciaire / Revue Droit et Santé n°126 – Juillet 2025
- E.CAILLON : De la présence de l’avocat de victimes à l’expertise psychiatrique / Gazette du Palais, 24 juin 2025
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