Secret médical : un devoir absolu, même pour les médecins des assurances

18/04/2022
Le médecin-conseil d’une compagnie d’assurances qui, sans l’accord de la victime, communique à l’expert judiciaire le rapport d’expertise amiable intervenu dans la même procédure d’indemnisation, viole le secret professionnel.

  Un homme est victime d’un accident de la circulation causé par un poids-lourd. Blessé, il fait l’objet d’une expertise médicale amiable réalisée par le médecin conseil désigné par sa compagnie d’assurances, dont le rapport lui est communiqué ainsi qu’à l’assureur du chauffeur poids-lourd. La victime, ne souhaitant pas poursuivre la procédure amiable, décide d’assigner l’assureur du chauffeur devant le juge des référés, qui ordonne une expertise. Au cours de l’expertise judiciaire, le médecin-conseil de l’assureur responsable remet à l’expert désigné par le tribunal le rapport amiable. La victime fait alors part de son opposition à la production de cette pièce alors même que l’ordonnance de référé mentionnait que devaient être écartées des débats toutes pièces médicales détenues par un tiers et notamment par l’assurance du chauffeur, sans l’accord exprès de la victime. Celle-ci, à la suite de cette expertise, fera citer le médecin conseil devant le tribunal correctionnel, pour violation du secret professionnel. Après avoir été condamné en première instance, ce médecin conseil est relaxé en appel avant d’être à nouveau condamné par un arrêt de la Cour de cassation du 16 mars 2021. Relaxe puis condamnation Pour relaxer ce médecin, la Cour d’appel de Grenoble avait tenu à rappeler que l’expert judiciaire devait « se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal ou par un tiers avec l’accord de l’intéressé ou de ses ayants droit, tous documents utiles à sa mission ». Et la Cour de Grenoble d’ajouter que c’est sur sollicitation de l’expert judiciaire que ce médecin conseil lui a communiqué ce rapport d’expertise amiable. Une transmission restée sans effet car dès l’instant où la victime a manifesté son désaccord, l’expert judiciaire s’est dessaisi de ce rapport amiable sans même en avoir pris connaissance, tout en s’engageant à ne pas en tenir compte dans l’établissement de ses conclusions. La Cour d’appel en a conclu qu’il n’était pas critiquable d’avoir remis à l’expert le rapport litigieux et que la preuve d’une violation du secret professionnel n’était donc pas rapportée. Saisie en dernier recours par la victime, la Cour de Cassation en a décidé autrement, en tenant à rappeler que le secret médical était général et absolu, qu’il ne pouvait être levé qu’avec l’accord du patient. Un secret qui s’impose à tout professionnel de santé, quel que soit le contexte dans lequel ce dernier intervient. L’article 226-13 du Code pénal incrimine la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire. La communication d’une pièce médicale à un tiers, couverte par le secret médical, étant par principe interdite, sauf accord exprès et préalable de la personne concernée, à savoir la victime de cet accident, le médecin conseil de l’assureur adverse s’est donc rendu coupable de violation du secret professionnel. Pour la Cour de Cassation, une pièce médicale ne pouvait donc être communiquée qu’à la condition que la victime ait donné son accord. A défaut, il y a violation du secret médical, peu important par ailleurs que la pièce ait été déterminante, ni même seulement utilisée par celui à qui elle a été transmise.     

Nicolas Loubry, juriste
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