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Non, "les généralistes ne bloquent pas l'accès aux soins" : réponse au président d'AvenirSpé

"Le médecin généraliste aujourd'hui, c'est l'entonnoir de l'accès aux soins", lançait le Dr Patrick Gasser sur Egora, en amont des Rencontres de la médecine spécialisée à Lille. Plaidant pour un accès simplifié aux spécialistes, AvenirSpé demande à pouvoir coter plus largent l'APC, sur adressage d'un autre spécialiste ou de paramédicaux. Une position qui "témoigne d'une vision réductrice du rôle des généralistes dans le système de santé et méconnaît la réalité de leur contribution", lui répond le Dr Frédéric Villeneuve, président de la FMF-Gé dans un texte que nous publions en intégralité.

07/10/2024 Par Dr Frédéric Villeneuve
Accès direct Spécialistes
Non!

"Patrick Gasser, vous décrivez le médecin généraliste comme un 'entonnoir' de l’accès aux soins. Cette déclaration, au-delà de son mépris évident, témoigne d'une vision réductrice du rôle des généralistes dans le système de santé et méconnaît la réalité de leur contribution. Les faits, eux, sont têtus, et il est donc nécessaire de rétablir certains faits qui montrent l'importance des généralistes, non seulement pour l'organisation des parcours de soins, mais aussi pour la santé publique dans son ensemble.

  1. Le médecin généraliste est le pivot d’un système de santé efficace

Contrairement à votre métaphore d'entonnoir, les généralistes jouent un rôle de coordination essentiel. Ils ne bloquent pas l’accès aux soins, mais assurent une prise en charge globale et continue du patient. Des études internationales, ainsi que Florian Stigler, montrent que les systèmes de santé qui placent les soins primaires, et donc les généralistes, au cœur de leur organisation sont ceux où la population est en meilleure santé, avec des inégalités de santé et des hospitalisations inutiles réduites. En assurant un parcours de soins structuré et raisonné, les généralistes évitent la fragmentation des parcours de soins et la surcharge des consultations spécialisées, qui risqueraient d'entraver l’efficacité globale du système​. Peut-être que si vous comprenez mal cette réalité, c'est qu'on vous l'a mal expliquée.

 

 2. Un rôle déterminant dans la réduction de la mortalité et des hospitalisations


Les généralistes jouent un rôle décisif dans l’amélioration de la survie des patients et la réduction des hospitalisations. Une étude norvégienne a montré que les patients qui sont suivis par leur généraliste depuis plus de 15 ans ont 28% moins d'hospitalisations aiguës et 30% moins de recours aux urgences. De plus, cette relation de longue durée réduit le risque de décès de 25%. Ces chiffres montrent l’importance d’une prise en charge globale et continue, qui ne peut être remplacée par un accès direct aux spécialistes​. Une autre étude publiée dans Cancer en 2024 a également révélé que les patients vivant dans des zones où l'accès aux soins primaires est limité présentent un excès de mortalité significatif. Parmi les femmes atteintes de cancer du sein, celles ayant un accès restreint aux généralistes ont un risque de décès augmenté de 69% un an après le diagnostic et de 126% cinq ans après. Cette étude démontre clairement l’importance du rôle du généraliste dans la détection précoce, l’orientation vers les spécialistes et le suivi continu, particulièrement pour des pathologies graves comme le cancer. Ce n'est pas une simple opinion, mais un fait. Là encore, si ce raisonnement semble vous échapper, c'est peut-être qu'on vous l'a mal expliqué.

 

3. La continuité des soins, un suivi qui fait la différence

Vous passez également sous silence la force de la relation de long terme entre un généraliste et ses patients. Les patients suivis par un même généraliste pendant plusieurs années bénéficient d’une gestion plus efficace de leurs maladies chroniques, d’un recours plus limité aux urgences et même d’un risque de décès plus faible. Ce lien de confiance ne peut être remplacé par un accès direct et fragmenté aux spécialistes, qui n’ont ni le temps ni la vue d’ensemble nécessaires pour assurer cette continuité.

 

4. Le mythe du "quand on fait tout, on fait tout mal"

Votre affirmation selon laquelle "quand tout le monde fait tout, on fait tout mal" est une caricature qui méconnaît la réalité des compétences des généralistes. Les généralistes ne font pas tout, mais ils assurent une coordination intelligente des soins, orientant les patients vers les spécialistes appropriés lorsque cela est nécessaire. Cette approche réduit les coûts et améliore les résultats pour les patients, comme en témoigne une étude menée aux États-Unis sur cinq millions de patients, où les consultations en soins primaires ont permis d'économiser en moyenne 3 976 dollars par patient​. Vous parlez de complexité, mais cette coordination est justement ce qui rend les soins plus simples et efficaces. Peut-être que si cela semble trop simple, c'est qu'on vous l'a mal expliqué.

 

5. Un accès direct aux spécialistes sans coordination : un modèle coûteux et inefficace

Ouvrir un accès direct aux spécialistes sans passer par le filtre des généralistes entraînerait une augmentation des coûts et une désorganisation des parcours de soins. Les systèmes qui ont tenté ce modèle ont vu les coûts de santé exploser et la qualité des soins se dégrader, en raison de l'absence de coordination. Les généralistes, en revanche, orientent les patients de manière appropriée, évitant ainsi les consultations redondantes et les examens inutiles​. Par ailleurs, si nous pouvions adresser plus facilement nos patients aux spécialistes sans être freinés par des délais d’attente toujours plus longs, peut-être que cette fausse opposition entre soins primaires et spécialistes disparaîtrait d’elle-même. Le premier et le second recours doivent travailler ensemble, pas en parallèle.

 

6. La prévention et l’équité, des priorités fondamentales pour les généralistes

Les médecins généralistes ne se contentent pas de traiter les maladies, ils sont les premiers acteurs de la prévention. Les patients suivis par un généraliste sont beaucoup plus susceptibles de bénéficier d'actes de prévention, tels que vaccinations, coloscopies, ou mammographies. Ce rôle préventif est essentiel pour les populations vulnérables, réduisant ainsi les inégalités sociales de santé​.

 

En conclusion, opposer les médecins généralistes et spécialistes ne sert qu’à affaiblir l’efficacité globale du système de santé. Les généralistes sont le cœur battant de ce système, garantissant une prise en charge globale, cohérente et centrée sur les patients. S’il y a un entonnoir, il réside dans les modèles de soins fragmentés et inefficaces que vous proposez, où la comptabilité l’emporte sur la qualité des soins. Si vous percevez le rôle du généraliste comme un "entonnoir", c’est peut-être parce que vous voyez dans l’approche globale du soin une complexité que vous n'êtes pas prêt à embrasser. Renforcer le rôle des généralistes n’est pas seulement souhaitable, c’est indispensable pour un système de santé équitable, efficace et durable. Mais peut-être que cela aussi on vous l'a mal expliqué……"

 
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