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"Choisir la médecine générale aujourd'hui, c'est un acte de courage : ne décourageons pas les étudiants"

"Comment assurer la pérennité du système de santé si ceux qui se posent la question de devenir médecins généralistes sont vertement découragés par leurs ainés de suivre cette voie ?", s'interroge, inquiet, le Dr Bruno Sauteron, installé dans le 14e arrondissement de Paris. Alors que les propositions coercitives se multiplient au Parlement, le généraliste invite ses confrères à appeler les jeunes "à rejoindre les rangs d’une médecine générale en résistance", dans un billet qu'Egora publie en exclusivité.

16/05/2025 Par Bruno Sauteron
Médecine générale
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"Ne décourageons pas les étudiants de faire de la médecine générale !

Ces derniers temps, sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient. Des étudiants en médecine s'interrogent sur leur avenir, et trop souvent, des praticiens déjà installés - épuisés, désabusés - leur répondent qu'il ne faut surtout pas choisir la médecine générale. Que ce serait un métier impossible, mal payé, mal reconnu, maltraité par le système. Un choix par défaut pour ceux qui n'ont pas eu les 'bons' classements.

À ces discours résignés, il faut opposer une parole claire, forte, et profondément engagée : la médecine générale est et restera la pierre angulaire de notre système de santé.

Oui, la médecine générale traverse une crise. Une crise d'attractivité, de reconnaissance, de conditions de travail. Mais ce n'est pas une raison pour la déserter. C'est au contraire une raison pour la défendre.

Ne pas décourager les jeunes, cela commence par continuer nous-mêmes à choisir la médecine générale - à la choisir en conscience, pour ce qu'elle est : un métier exigeant, complexe, essentiel. C'est le seul métier qui permet de suivre un patient sur la durée, dans toutes les dimensions de sa vie, dans son parcours, dans sa singularité. C'est aussi l’un des rares métiers qui permet d'être à la fois clinicien, coordinateur, acteur de santé publique, éducateur, et souvent, dernier rempart contre la déshumanisation du soin.

 

Pour que ce métier retrouve sa juste place, il faut en finir avec le mépris structurel qui l'entoure

Mais pour que ce métier retrouve sa juste place, il faut en finir avec le mépris structurel qui l'entoure. Cela passe par une réforme en profondeur des représentations au sein même de l'université : les futurs médecins doivent pouvoir rencontrer des maîtres de stage inspirants, des enseignants généralistes passionnés, visibles, soutenus. Il faut que les facultés cessent de reléguer la médecine générale au rang de seconde zone.

Cela suppose aussi une vraie représentativité dans les lieux de pouvoir : il faut des généralistes dans les cabinets ministériels, dans les agences régionales, dans les commissions nationales. Il faut que les décisions politiques soient prises non seulement pour la médecine générale, mais aussi par elle.

Et il faut poser une question de fond : tant que les rémunérations des généralistes restent nettement inférieures à celles des autres spécialités, quel message envoie-t-on aux jeunes ? Que la complexité du soin global, la relation de confiance, l’accompagnement au long cours, valent moins que l’acte technique ou l’expertise ciblée ? Ce n’est pas seulement une injustice, c’est un contresens dans un système qui cherche à mieux articuler prévention, coordination et soins de proximité.

Il ne s’agit pas d’opposer les disciplines : toutes les spécialités sont indispensables, chacune avec ses exigences, ses savoirs, ses engagements. Mais la médecine générale reste la seule à offrir une vision transversale du soin, ancrée dans les parcours des patients, et dans les territoires. Elle devrait être reconnue à égale dignité, égale légitimité — y compris dans les rémunérations- , dans la recherche et dans les responsabilités institutionnelles.

Et peut-être faut-il aller plus loin. Faire de la médecine générale un passage formateur pour tous les futurs médecins, avant toute spécialisation éventuelle, pourrait être une manière forte de restaurer sa place dans la formation initiale. Non pas pour contraindre, mais pour offrir à chacun l’expérience du soin global, du premier recours, de la continuité. Pour qu’un chirurgien, un psychiatre, un pédiatre aient tous eu ce contact direct avec la complexité de la première ligne, avec ses incertitudes, ses détresses, ses richesses humaines. Ce serait une manière de retisser le lien entre les spécialités, de reconstruire une culture médicale commune - au bénéfice des soignants comme des soignés.

Alors oui, il faut refuser de décourager les étudiants. Mieux : il faut les appeler à rejoindre les rangs d’une médecine générale en résistance. Car choisir ce métier aujourd’hui, c’est un acte de courage, de foi, et peut-être le plus bel engagement qu’on puisse faire pour l’avenir de notre santé collective."

 
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