Frédéric Valletoux lors de l'événement Impacts santé, à Paris, jeudi 25 avril 2024

Frédéric Valletoux lors de l'événement Impacts santé, organisé par La Tribune le jeudi 25 avril à Paris

Frédéric Valletoux : "Beaucoup de médecins se sont détournés de ce pourquoi ils ont été formés"

Invité de l'événement Impacts Santé, organisé ce jeudi 25 avril par La Tribune et dont Egora était partenaire, le ministre délégué à la Santé a confié avoir été "frappé" par la "perte de sens" de "beaucoup d'acteurs du secteur". A l'heure où "beaucoup de médecins se sont détournés de ce pourquoi ils ont été formés", il faut repenser le système et permettre à d'autres professionnels de santé de "prendre leur part" dans la prise en charge des patients, a soutenu Frédéric Valletoux. 

26/04/2024 Par Louise Claereboudt
Frédéric Valletoux
Frédéric Valletoux lors de l'événement Impacts santé, à Paris, jeudi 25 avril 2024

Frédéric Valletoux lors de l'événement Impacts santé, organisé par La Tribune le jeudi 25 avril à Paris

"On est dans une crise peut-être plus morale et profonde que juste financière", a estimé Frédéric Valletoux, ce jeudi, en conclusion de l'événement Impacts Santé, organisé par La Tribune et dont Egora était partenaire. Nommé avenue de Ségur le 8 février dernier, l'ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF) a reconnu que les fonctions qui lui ont été confiées par le Premier ministre sont des "fonctions compliquées". Car si "l'hôpital ne va pas bien, la médecine libérale ne va pas mieux". Et Frédéric Valletoux doute que la réponse à cette crise soit uniquement financière. "Je suis frappé par la perte de sens [de] beaucoup des intervenants de ce secteur, quel que soit leur niveau dans la chaîne de prise en charge", a-t-il déclaré, assurant "consacrer beaucoup d'énergie et de temps" à cette problématique.

Pour le ministre délégué, la France, comme de nombreux autres pays européens, fait face à une forme de "désertion, de désaffection" des professionnels de santé. "Des gens changent de carrière en plein milieu, quittent le secteur. Les plus jeunes ne s'engagent plus dans les études de soins ou n'envisagent pas de faire carrière toute leur vie dans ces métiers-là." "Aujourd'hui on ne manque pas de médecins en France d'après les statistiques, a poursuivi Frédéric Valletoux, au risque de s'attirer les foudres du corps médical. On manque de médecins qui prennent en charge des patients. Beaucoup se sont détournés de ce pourquoi ils ont été formés. C'est un fait."

"L'aspiration des jeunes générations, dans la santé comme dans d'autres secteurs, a évolué. C'est comme ça. Ça ne fait plus rêver aucun jeune de 30-35 ans de visser sa plaque tout seul, de s'installer dans je ne sais quelle petite ou moyenne ville […] C'était le rêve sans doute des médecins des années 1970-1980, ce n'est plus le cas. On peut se lamenter, mais on peut aussi voir comment on peut organiser les choses différemment", a-t-il ajouté. Alors que les tensions démographiques, qui touchent "toutes les professions de santé", pas seulement les médecins, rendent les métiers plus "pénibles", "il faut qu'on arrive à réorganiser le système de santé", a-t-il martelé avec conviction.  

Passer d'un système "organisé autour du seul médecin" à "l'équipe soignante"

Face à l'augmentation des besoins de santé liée au vieillissement de la population, le ministre délégué à la Santé entend passer "d'un système pensé uniquement par et pour les médecins", "organisé autour du seul médecin", à "un système où on met en place une équipe soignante". Le médecin restera "le chef d'équipe", "celui qui diagnostique et organise la prise en charge", a-t-il tenté de rassurer, mais son rôle "sera différent". Frédéric Valletoux a répété vouloir "faire monter en reconnaissance" d'autres professionnels de santé dont la formation, l'expérience et les compétences leur permettent de "prendre leur part" dans la prise en charge des patients.  

20 actes transférés au cours des derniers 18 mois

"On est sans doute à l'amorce d'un mouvement de réorganisation du rôle et de la place" de chacun, a-t-il lancé, soulignant que ces "18 derniers mois", "20 actes ont été transférés" des médecins à d'autres soignants, citant par exemple la possibilité pour les infirmières de rédiger des certificats de décès, pour les pharmaciens de délivrer des antibiotiques sans ordonnance pour les angines et les cystites (en cas de Trod* positifs), ou encore, pour les sages-femmes, de réaliser des IVG instrumentales dans les mêmes conditions que les médecins.

"Mon souhait de ministre n'est surtout pas d'accoler mon nom à une loi"

Reconnaissant "un problème bureaucratique" et "une conception beaucoup trop administrée" de la santé, l'ancien maire de Fontainebleau a aussi promis d'avancer à "marche forcée" sur "la territorialisation et la confiance faite aux acteurs de terrain", qu'il s'agisse des élus locaux – chez qui "il y a beaucoup d'envie de faire", des patients, des institutions locales et, bien sûr, des professionnels de santé. "Mon souhait de ministre n'est surtout pas d'accoler mon nom à une loi […] La vraie révolution dont on a besoin est une révolution de la confiance. Il faut faire confiance aux acteurs de terrain pour prendre en charge et organiser la prise en charge des patients au plus près de leurs besoins", a-t-il déclaré, estimant que le système "a été trop longtemps pensé à taille unique, vu de manière très jacobine".

Le Président de la République s'y est "attaqué" mais "le système de santé est un paquebot lent : les temps de formation sont longs, les modes de financement sont figés et compliqués à faire bouger", a reconnu le ministre délégué. Et d'ajouter : "C'est sur le terrain qu'il faut inventer des modes de prise en charge où tout d'un coup le kiné libéral travaillera dans le service hospitalier de l'hôpital de proximité et le médecin aura le droit de faire un mi-temps en libéral et un à l'hôpital".

L'ancien président de la FHF a appelé à "décloisonner" le système. "Il faut sortir du système où le spécialiste ne parle pas beaucoup au généraliste, où le médecin de ville ne parle pas beaucoup à l'hôpital, où l'hôpital ne regarde pas au-delà de ses quatre murs ce qu'il se passe autour de lui." "Tous ces cloisonnements que l'on connaît sont liés à des modes de financement différents, des statuts juridiques différents, à des modes d'intervention qui ne sont pas les mêmes. Il faut baisser les ponts-levis et faire en sorte que les gens travaillent ensemble", a considéré le ministre, se disant "optimiste"

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1 débatteur en ligne1 en ligne
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 2 ans
 "il faut qu'on arrive à réorganiser le système de santé", a-t-il martelé avec conviction.   et c'est à nous qu'il martèle l'intitulé de son boulot qu'il n'a pas encore commencé ? Nous, professionnels de terrain nous sommes organisés depuis longtemps, mais c'est la clique des administrateurs qui a tout désorganisé depuis 50 ans; Le vide de ce discours nous indique au moins clairement que ce petit supplétif trop bien payé ne veut, ne sait, ne peut rien faire pour "sauver" ou réorganiser quoi que ce soit ; Client suivant, enchaînons ! Non, je rectifie: pas de ministre suivant puisque, ne sachant ni ne voulant rien faire à ce poste, les successeurs (et leurs prédécesseurs depuis 50 ans) n'auront grenouillé pour grapiller ce poste que pour la retraite dorée qui leur sera servie dès leur sortie, même après seulement 15 jours d'imposture ! Donc c'est du terrain, de nous-mêmes professionnels chevronnés, que viendront les solutions pertinentes et durables . Au travail !
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 2 ans
"Beaucoup de médecins se sont détournés de ce pourquoi ils ont été formés" est une déclaration totalement inexacte en intention. C'est la politique de santé qui s'est fourvoyée pendant des décennies et qui a entrainé la médecine et les médecins dans des impasses. La formation, la rémunération, la sectorisation, le détournement de la qualité vers la certification/sanction, le suivisme dans l'américanisation des pratiques sans les moyens sont de la responsabilité des gouvernements successifs. La pression des lobbies pour maintenir le numerus clausus et l'absence d'anticipation de la diminution des effectifs issus du baby --> papy boom sont des paramètres majeurs à responsabilité partagée. Et si l'individualisme et la réserve (!) à se syndiquer est très répandu dans le monde médical, il ne faut pas inverser les responsabilités. Le politique n'a jamais assimilé la dualité de la médecine française (publique hospitalière, libérale en ville) ce qui a fait un temps sa richesse. Le bidouillage sur cette mixité n'a rien arrangé. Le temps partiel pour maintenir les "grands pontes" à l"hôpital a créé les "mandarins" puis par contre coup des attachés qui au lieu de valoriser des spécialités ont produit des spécialistes sous payés. Dans la même veine, l'autorisation d'un secteur libéral à l'hôpital a permis une revalorisation de certain praticiens au dépend de l'amélioration du statut général. La suggestion de notre ministre de favoriser le temps partiel pour "permettre" aux généralistes d'avoir une activité hospitalière (et inversement) est une fausse bonne idée sachant que le manque de temps et d'articulation entre les activités se feraient (feront) au détriment de l'activité de suivi... Donc du médecin traitant. Si le principe d'une équipe soignante est tout sauf détestable, il ne s'agit pas de recréer des pseudo dispensaires. Ce qu'il faut encourager c'est possiblement des cabinets de groupes et du temps suffisant pour retrouver du lien perdu avec les secrétariats délocalisés voire dématérialisés et le principe de la continuité et pourquoi pas de la permanence des soins. Je ne vois rien de tel dans le discours de M. Valletoux, donc rien de nouveau, même pas le constat.
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1,7 k points
Débatteur Passionné
Oto-rhino-laryngologie
il y a 2 ans
Le probleme de ces politicards, c'est qu'une fois qu'on leur tend le micro dès qu'ils sont ministres, ils ne peuvent pas s'empêcher d'exprimer leur ressenti personnel, en s'imaginant que leur fonction leur confère des capacités d'analyse, qui, en l'occurrence, sont d'une confondante stupidité. Et le pire, c'est que certains y croient. Le système de santé va tres mal, c'est une évidence, mais on a besoin de gens sérieux pour le diagnostic et le traitement. En médecine, nous savons reconnaître les charlatans. Et nous les méprisons, car ils jouent sur la crédulité des patients, pour en tirer un bénéfice personnel. La médecine, c'est compliqué.
 
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