gasser

Crédit photo : AvenirSpé

"Si le directeur de la Cnam peut décider seul, on ne fera plus rien" : le président d'Avenir Spé hausse le ton

C'est dans un climat de tension autour du secteur 2 qu'Avenir Spé s'apprête à ouvrir ses Rencontres de la médecine spécialisée, qui auront lieu du jeudi 13 au samedi 15 novembre à La Baule. Alors que les parlementaires se sont emparés du sujet des dépassements d'honoraires et des "rentes" dans certaines spécialités, le président du syndicat hausse le ton. Si le dialogue ne renaît pas, "on gèlera tout", prévient le Dr Patrick Gasser, qui va passer la main ce week-end pour "donner une nouvelle dynamique" à la structure. Et de glisser que la convention médicale pourrait, s'il le faut, être dénoncée.

12/11/2025 Par Louise Claereboudt
Interview Syndicalisme PLFSS 2026 Spécialistes
gasser

Crédit photo : AvenirSpé

Egora : Les députés ont rejeté, dimanche, la surcotisation des dépassements d'honoraires. Mais le Gouvernement entend bien s'attaquer à cette pratique, en hausse. Un rapport parlementaire plaide d'ailleurs pour un plafonnement et suggère de rendre l'Optam obligatoire. Craignez-vous la disparition du secteur 2 ?

Patrick Gasser : On peut la craindre au vu de la méconnaissance de nos parlementaires sur le secteur 2... Mais au fur et à mesure qu'on les acculture, les élus se rendent compte qu'aujourd'hui on ne peut pas faire autrement dans la quasi-totalité des spécialités – on peut même se poser la question en médecine générale. Les idées changent. La preuve en est : dimanche dernier, les députés ont rejeté la surtaxation.

On leur a montré que surtaxer les compléments d'honoraires entraînerait des répercussions sur les usagers, notamment des problèmes d'accessibilité financière aux soins. Quand on surtaxe, on augmente nécessairement les tarifs ; on l'a vu avec les complémentaires santé… Les députés se sont aussi aperçus que l'évolution tarifaire des actes n'était pas au rendez-vous. Certains n'ont pas évolué depuis 2004. Or, les tarifs de 2004 étaient déjà basés sur des tarifs de 1999… Le rapport Rousset-Monnet dit d'ailleurs que les actes sont sous-cotés financièrement. Tout le monde est d'accord. Il faut augmenter ces tarifs. Le problème, c'est que l'on fait face à une vraie crise budgétaire, donc ce n'est pas possible.

Je pense que, grâce à cette acculturation des parlementaires, nous n'aurons pas de disparition prochaine du secteur 2. En revanche, on est en droit de se demander comment juguler l'augmentation des compléments d'honoraires, donc de mener une réflexion sur le tact et la mesure. Cette notion était définie dans la convention médicale de 2016. Elle ne l'est plus aujourd'hui. Il faut la réintégrer. Si on laisse les parlementaires faire, on contourne la convention médicale. À Avenir Spé-Le Bloc, nous sommes prêts à engager une négociation sur cette problématique, à nous remettre autour de la table.

Je tiens à rappeler que la restructuration complète de l'Optam était inscrite dans la dernière convention. Il était prévu que lorsque le Haut Conseil des nomenclatures (HCN) rendrait sa copie, nous puissions renégocier un nouveau contrat pour qu'il soit attractif et que plus de médecins y adhèrent. Compte tenu du retard pris par le HCN, cela n'a pas été fait. Se pose également la question des conditions d'entrée dans le secteur 2.

On n'aura pas de revalorisations des actes techniques avant 2028

Où en sont les travaux du Haut Conseil des nomenclatures ? A quand une revalorisation des actes techniques ?

Très clairement, on n'aura pas les résultats du HCN avant mi-2026, au mieux. Ce sera trop tard… Plus rien ne se passera compte tenu de l'élection présidentielle [prévue au printemps 2027]. Nous devrons ensuite négocier la valeur du point. Cela veut dire qu'on n'aura pas de revalorisations avant 2028, il ne faut pas se voiler la face. Tout cela est dû au retard du HCN sur la refonte de la nomenclature.

Suite au report des revalorisations tarifaires, qui devaient intervenir au 1er juillet, la date butoir de signature des nouveaux contrats Optam a été repoussée au 3 novembre. Quel a été votre mot d'ordre ? Qu'avez-vous conseillé aux médecins ? 

Dès la première phase de négociation, toutes les spécialités se sont insurgées, constatant une baisse des taux de dépassement et une hausse des taux d'opposabilité. La Cnam ne voulait pas renégocier. Puis il est arrivé une seconde problématique, à savoir les baisses tarifaires actées pour un certain nombre de spécialités : la radiologie, la cardiologie, la néphrologie, la biologie, la radiothérapie et la médecine vasculaire… Sans oublier l'impact de la diminution du Z sur les rhumatologues. Cela a rendu les contrats Optam obsolètes, puisqu'ils ne prenaient pas en compte ces baisses tarifaires.

À cela, se sont ajoutés le rapport Rousset-Monnet, et l'article 24 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 [qui habilite le directeur de l'Assurance maladie, en cas d'échec des négociations, à procéder à des baisses de tarifs "lorsqu'est documentée une rentabilité manifestement excessive au sein d'un secteur financé par des rémunérations négociées dans le champ conventionnel", NDLR]. On a donc décidé d'engager des actions, dont la première a été de dire 'partez de l'Optam'. C'est un discours collectif. Après, c'est une réflexion individuelle que doivent mener les médecins. Nous ne rentrons pas dans les maisons. 

Vous avez engagé d'autres actions, comme la grève de la permanence des soins en établissements ou encore le gel de l'alimentation du DMP… Où en est la mobilisation ?

Chez les radiologues, la grève de la permanence des soins en établissement est très bien suivie, autour de 80-85 % de participation. Mais ils ont été réquisitionnés, donc l'impact est moins important. J'avais demandé à l'ensemble des troupes d'Avenir Spé de s'associer au mouvement : certaines spécialités, notamment les pédiatres, ont dit 'oui, on les suit'. Mais, dans les faits, c'est encore faible sur le terrain. Plus récemment, le 10 novembre, bon nombre de cabinets de radiologie ont fait grève.

Ce sera probablement une mobilisation progressive et [qui se fera] en fonction de ce qui va se passer au Parlement, mais aussi de ce que pourraient annoncer la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, et le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, à notre congrès. Reste à voir si cela permettra de diminuer la pression et nous permettra de nous remettre autour d'une table pour discuter.

Notre mobilisation se fait par palier, je ne barre la route à rien

Soutenez-vous par ailleurs le mouvement d'exil des spécialistes de bloc ?

Oui, je le soutiens par définition : leur revendication est la même pour toutes les spécialités.

Notre mobilisation doit se faire par palier. Je ne barre la route à rien. Il y aura prochainement une réunion entre les syndicats pour identifier nos moyens [d'action]. Un moyen important, c'est éventuellement celui de la dénonciation de la convention. En soutenant l'article 24 du PLFSS, les parlementaires sont en train de donner les clés du camion à un homme : le directeur de la Cnam. Cela signifie que si on n'arrive pas à se mettre d'accord, l'un des deux négociateurs va pouvoir dire : 'c'est comme ça et ce n'est pas autrement'. Ce n'est plus une négociation, c'est nier la convention même ! Cet article est très dangereux. Plus rien ne va avancer. Si le directeur de la Cnam peut décider seul, on ne fera plus rien. On gèlera tout : les équipes de soins spécialisés, la mise en place des cabinets secondaires…

Vous jugez, dans l'ensemble, le PLFSS "punitif". Pourquoi ?

La première fois que j'ai lu ce texte – qui ne nous a pas été communiqué en amont –, j'ai dit qu'il était punitif pour tout le monde. Or, on s'aperçoit qu'il va être de moins en moins punitif pour certains, et de plus en plus punitif pour d'autres. Les complémentaires avaient une taxation de près de 1 milliard d'euros, la discussion à l'Assemblée nationale l'a fait sauter. Le budget des hôpitaux publics a augmenté plus de 1 milliard. Il y a une certaine forme d'iniquité, et cela crée de la défiance. C'est l'échec assuré. On se dirige vers une augmentation du reste à charge pour les patients et une diminution des tarifs chaque année pour les médecins libéraux. C'est mal fait, mal bâti. C'est, en outre, un budget insincère. Tout le monde sait qu'un Ondam de ville à 0,9 %, ce n'est pas possible. Il faudra encore une loi de rectification. Soit on vire de bord, soit on continue comme ça et c'est le gouffre assuré.

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

6 débatteurs en ligne6 en ligne
Photo de profil de FRANCOIS CORDIER
2,8 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 mois
Je propose, pour l'acculturation des administrateurs, décideurs et autres parlementeurs confortablement salariés qui persévèrent dans leur déni des impératifs économiques du monde libéral, de les rémunérer eux aussi exclusivement "à l'acte", et seulement pour les actes constructifs à effet durablement stabilisant sur les systèmes sociaux dont celui du de soin, avec décote proportionnelle aux nuisances fonctionnelles sur le système. Le traditionnel salariat leur aura entretenu trop longtemps un trop confortable hamac d'inertie créatrice, de surdité de classe doublée d'une hypocrisie maximale en cache-sexe de leur incompétence économique. Leur trahison, pour s'être rendue chronique, n'en est pas moins haute et passible des plus graves sanctions .
Photo de profil de CLAUDE LAMER
671 points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 mois
La ministre de la Santé, Stéphanie Rist, et le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, ont ils déclaré la guerre à la médecine ? Oui, probablement ! L'offre de soins en France, le moral du corps médical, sont au "plus bas". Ne ratons pas l'unité syndicale, Dr Patrick Gasser ! Nos patients sont complétement "perdus" .....méme, et surtout, en cas de sémiologie préoccupante ! La perte de chance est bien réelle pour beaucoup. Ils nous écoutent, beaucoup plus que ce qu'imaginent les politiques et les technocrates..
Photo de profil de ALAIN PUIG
521 points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 mois
"Et de glisser que la convention médicale pourrait, s'il le faut, être dénoncée" . "Notre mobilisation doit se faire "par palier". Je ne barre la route à rien. Il y aura prochainement une réunion entre les syndicats pour identifier nos moyens [d'action]. Un moyen important, c'est éventuellement celui de la dénonciation de la convention. Avec des termes aussi révolutionnaires, nul doute que le gouvernement tremble déjà !!! Aucune inquiétude pour notre avenir, les syndicats s'occupent de tout !!!
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
13
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2