"J’ai doublé le nombre de patients grâce à mon chien !" : ces médecins généralistes qui bousculent les codes

C’est une thèse loin d’être farfelue à en croire le nombre de médecins généralistes venus au congrès du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), le 3 décembre dernier, pour assister à la présentation de la thèse du Dr Matthieu Lemoine sur le vécu des médecins généralistes consultant au cabinet en présence de leur chien. "A l’heure qu’il est, il doit être en train de consulter… en bonne compagnie", s’amuse le Dr Michel Prade, son directeur de thèse à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ).

Dans la salle de conférence, pas de chiens mais des regards ahuris face au sujet qui doit être abordé. "Aujourd’hui, plein d’initiatives se développent dans le monde professionnel mais aucune étude n’a exploré les aspects d’une consultation de médecine générale en présence d’un chien. Pourtant, certains le font, on voulait donc savoir comment cet animal impactait le travail des médecins généralistes", résume Michel Prade.

Si pour certains médecins généralistes la relation de confiance avec le patient s’établit grâce au lieu, au choix de la peinture sur les murs, de quelques plantes vertes ou d’autres objets décoratifs... pour d’autres, c’est leur chien qui fait la différence. "Ce que l’on retient, c’est que le chien permet d’affirmer la singularité du médecin, avance le directeur de thèse. Il est un membre du cabinet qui bouscule les codes."

Le chien est un outil émotionnel

Une sorte de soutien émotionnel dont le médecin ne pourrait plus se passer. "J’aime plus mon chien que les internes", assume un médecin interrogé, provoquant les rires dans la salle. "Le chien m’empêche de faire un burn out", plaide un autre participant. "Bref, on voit bien que le chien est un outil émotionnel", appuie Michel Prade.

Et la présence de l’animal à quatre pattes va même plus loin, "en humanisant une relation... humaine", constate le directeur de thèse. Certains médecins l’affirment, leur chien a "augmenté [leur] capital sympathie" auprès des patients. "Il peut être déclencheur d’échanges plus authentiques, servir de brise-glace avec le patient, de quoi améliorer la qualité de la consultation", pointe Michel Prade.

Le chien, un partenaire thérapeutique

D’ailleurs, pour les médecins généralistes, la présence du chien a considérablement amélioré leurs relations. Les patients faisant davantage confiance au praticien "parce qu’il aime les chiens". "D’autres études le prouvent : la présence d’un animal améliore la communication, réduit l’anxiété et les résultats font écho à notre analyse." C’est d’ailleurs pour cela que depuis 2024, les résidents d’un EHPAD peuvent être accompagnés de leur animal de compagnie, précise Michel Prade.

"Cette thèse a permis de questionner nos pratiques médicales à travers l’animal. On s’est dit que la présence du chien pouvait aussi se rapprocher d’autres pratiques annexes à la médecine comme l’homéopathie ou l’hypnose." Les médecins généralistes qui ont d’ailleurs opté pour la consultation en présence de leur chien auraient presque du mal à s’en passer. "L’un des médecins interrogés avait un vieux chien qui commençait à avoir des difficultés (fatigue, odeur...). Il a commencé à emmener un chien plus jeune pour l’entraîner à prendre le relai", raconte le directeur de thèse.

Dans la salle, les questions fusent sur le type de race idéale ou sur la présence d’un autre animal comme le chat. "Je pense qu’il a y peu d’animaux qui se prêtent aussi bien à la consultation, répond Michel Prade. Un cheval, ça prend de la place… (rires) Et le soutien émotionnel du poisson rouge chez le dentiste est sans doute moins important, quoi que !" Un congressiste l’assure, depuis que son chien participe aux consultations le samedi matin dans son cabinet, il a "doublé le nombre de patients". "C’est 35 kilos d’amour à disposition", s’exclame-t-il.

Pour autant, la présence d’un animal dans un cabinet médical en laisse certains perplexes. Quid de la propreté, de l’autorisation légale et des patients qui ont peur des chiens ? "Effectivement, c’est la contrepartie. Les médecins interrogés nous ont dit qu’ils devaient prouver, plus que les autres, que tout est nickel."

Le cadre légal, lui, n’interdit pas la présence d’un animal de compagnie au sein d’un cabinet médical, contrairement à l’hôpital. La façon de concilier les soins et le chien appartient donc à chaque praticien. "Beaucoup notifient la présence du chien à leurs patients ou ne viennent avec leur chien qu’un seul jour dans la semaine pour ne pas empêcher les patients de prendre rendez-vous, explique Michel Prade. Ils n’hésitent pas non plus à mettre leur chien à l’extérieur le temps de la consultation."

Dans la salle, les congressistes continuent de partager leurs expériences, preuve que la présence d'un chien en cabinet est peut-être plus courante qu’on ne le pense et permet, le plus souvent, de raconter de belles histoires… humaines.