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Couleur des murs, dessins d'enfants, musique... Médecins, votre cabinet en dit long sur vous

Un bureau, deux chaises, une table d’examen, des murs blancs, une salle d’attente spacieuse et le tour est joué. Créer un cabinet médical à son image est sans doute un peu plus complexe que ça en à l’air. Dans sa thèse sur l’usage du cabinet de médecine générale, Magalie Rivière, médecin généraliste à Tours, aborde les différents critères auscultés en détail par les médecins.

23/12/2025 Par Pauline Bluteau
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Avec plus de 200 millions de consultations par an, le cabinet de médecine générale est un lieu incontournable, voire même familier pour certains patients. Et si aucun cabinet ne se ressemble vraiment, c’est sans doute parce que chaque cabinet ressemble au médecin qui y exerce. C’est ce qu’a voulu étudier Magalie Rivière dans sa thèse "Regards et usages du cabinet de médecine générale par son praticien", présentée en octobre 2024. "L’objectif de ce travail était d’explorer cette question du cabinet de médecine générale selon une vision élargie en adoptant le point de vue du médecin : comment celui-ci voit-il, conçoit-il et utilise-t-il ce lieu de travail ?", expose-t-elle, devant une salle comble, lors du Congrès du CNGE le 3 décembre dernier. Mais créer un cabinet à son image, "reflet plus ou moins conscient de sa pratique et de sa personnalité" amène beaucoup d’interrogations. Car au-delà des envies du praticien, c’est toute la pratique qu’il faut imaginer tout en préservant l’intérêt du patient.

Un cabinet pratique avant tout

"La notion la plus fréquemment mise en avant par les interviewés était la recherche de praticité et de fonctionnalité au quotidien. Cela se traduisait par la mise en place de rangements, si possible en quantité. Cette recherche de fonctionnalité sous-tendait un désir d’efficacité, à travers la notion de gain de temps et d’anticipation", résume Magalie Rivière. Or, ce qui convient à un médecin ne conviendra peut-être pas à un autre. "En med gé, on a de la chance de faire beaucoup de stages et du rempla, donc après, on sait ce que l’on aime et ce que l’on aime pas", estime l’une des personnes interrogées pour l’enquête. "Par exemple, certains font le choix d’avoir une seule pièce pour gagner du temps, d’autres préfèrent deux pièces distinctes (une avec le bureau, l’autre pour l’examen clinique) pour mieux structurer la consultation", explique Magalie Rivière.

Si le cabinet doit aussi répondre à des normes de sécurité et d’hygiène vis-à-vis des patients, il doit rester esthétique, selon les médecins interrogés. Se pose la question des couleurs adoptées : le blanc pour l’effet propre, les couleurs plus criardes pour la joie, le beige pour un environnement "plus cocooning". "J’ai un bureau de fille. Des murs roses, ça fait rigoler, c’est fait pour désaseptiser un petit peu ce côté très clinique, très médical du tout blanc. Rétrospectivement, peut-être que les quatre murs roses ça faisait beaucoup… (rires)", témoigne une médecin généraliste.

La présence de plantes vertes, de luminaires, des jouets pour les enfants ou des chaises Ikea fait aussi débat. L’objet qui concentre aussi l’attention reste la présence du bureau : pratique et indispensable pour certains, trop froid pour d’autres. "Il fait barrière et c’est parfois l’effet recherché, la distance est parfois attendue entre le médecin et le patient, affirme Magalie Rivière. Mais même si l’espace bureau était identifié comme le lieu privilégié de l’interrogatoire, il s’avérait que le lieu de confidence adopté par le patient n’était pas toujours localisé au bureau. Il arrivait dans certaines situations que le patient se confie au moment de l’examen clinique, du fait de la proximité physique induite par l’examen." C’est en partant de ce constat qu’une des médecins généralistes présente dans la salle a supprimé son bureau. "Depuis, mes temps de consultation ont particulièrement rallongé", remarque-t-elle. Une fausse bonne idée donc.

Préserver l’intimité et le secret professionnel

Reste que pour la grande majorité des médecins généralistes, qu’il soit blanc ou rose, le cabinet doit avant tout préserver le secret professionnel. La structure du cabinet est donc souvent pensée en ce sens. A commencer par l’isolation phonique. L’objectif est toujours le même : "Ce qui était dit dans le cabinet ne devait pas être audible par des personnes extérieures." Pour ce faire, plusieurs aménagements sont possibles comme "les murs avec placot phonique ou épaisseur importante, les portes phoniques ou système de doubles portes, les plaques anti-résonance au plafond, la musique dans la salle d’attente, la porte de la salle d’attente fermée", liste Magalie Rivière.

Cela va aussi de paire avec le respect de l’intimité du patient. Le positionnement de la table d’examen joue un rôle primordial, tout comme le fait d’avoir un porte-manteaux, un paravent, etc. "Les médecins interrogés mentionnaient l’importance de l’ambiance pour que le patient se sente en confiance et puisse se confier au sein du cabinet."

Un lieu où "se préserver émotionnellement"

Et puisque le médecin passe des journées entières dans son cabinet, ce doit aussi être un lieu agréable à vivre. Là encore, certains praticiens n’hésitent pas à afficher des cadres, des peintures, des photos pour se sentir bien. "On constate qu’une fois que le médecin est bien dans son cabinet, les patients le ressentent", appuie la cheffe de clinique. Seule la question des décorations offertes par les patients ou des dessins des enfants devenus adultes fait sourire la salle : "Il faut bien réfléchir parce qu’en général, on les laisse très longtemps !", s’amuse Magalie Rivière. Mais c’est aussi une façon de créer du lien avec ses patients et d’instaurer la confiance. "Le médecin compose un environnement de travail, reflet de certaines composantes de sa personnalité et plus ou moins enrichi d’éléments personnels soigneusement sélectionnés. Ce cadre de travail offre un lieu propice à l’épanouissement du médecin, pouvant être associé à une forme de chez-soi professionnel."

Cet épanouissement passe aussi par la préservation du bien-être du médecin grâce à une salle de pause, un accès à l’extérieur ou un circuit-patient adapté. "Ils souhaitent avoir un sas pour se préserver émotionnellement, indique Magalie Rivière. La présence d’un sas ou d’un couloir permet de bénéficier d’un effet tampon, avec souvent l’élaboration d’un circuit patient, où ce dernier ne repasse pas par la salle d’attente pour repartir. De cette façon, le médecin n’est pas confronté directement au patient suivant et peut donc disposer de son temps sans pression extérieure. Le rôle du secrétariat physique était également souligné par ceux qui en possèdent un, à travers sa fonction de filtre et de gestion des rendez-vous et des demandes."

Résultat, le cabinet de médecin général "n’est pas juste un lieu de travail". Si le métier change peu, le cabinet sera voué à évoluer en répondant aux normes écologiques ou en s’adaptant à une pratique pluriprofessionnelle par exemple. "Comment vit-on dans un cabinet qui n’est pas le nôtre pour les médecins salariés ?", interroge un participant. De quoi susciter de nouveaux débats donc.

Quid de la musique en salle d’attente

De son côté, Clément Petitprez, médecin généraliste près de Lille, a quant à lui analysé l’impact de la musique en salle d’attente sur l’anxiété des patients avant une consultation. Si "la musique a déjà montré son intérêt dans de nombreuses études hors contexte médical", qu’en est-il chez le médecin généraliste, questionne-t-il. Après avoir diffusé de la musique "lo-fi", connue pour ses vertus anxiolytiques, à des patients qui attendaient au moins 10 minutes avant leur consultation, les résultats ont été moins probants que prévu. "L’anxiété est relativement faible pour les patients qui viennent consulter un médecin généraliste, contrairement aux urgences par exemple", l’effet est donc moindre. "Mais c’est la seule étude qui s’intéresse à l’anxiété dans la salle d’attente, en lien avec la musique", souligne tout de même Clément Petitprez. Dans la salle, les médecins commentent aussi l’utilité de la musique pendant les consultations. "Ça m’apaisait moi mais vis-à-vis de mes patients, c’était catastrophique, la musique ne correspondait jamais au bon moment." Face à des situations incongrues, la médecin généraliste a préféré arrêter. "Mais cette musique lo-fi est peut-être plus adaptée..." Certains devraient peut-être se laisser tenter.

 

 

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