Face à la crise sanitaire actuelle, les médecins libéraux et hospitaliers sont en première ligne pour prendre en charge les patients touchés par le Covid-19. Le suivi de ces patients pouvant être éprouvant, un soutien psychologique peut être sollicité, pour ne pas rester seul face aux difficultés. "La prise en charge requise pour les médecins qui gèrent cette crise est quasi-similaire à celle d’une situation de burn out", souligne le Dr Jean-Yves Bureau, président de la Commission nationale d’entraide du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). Si certains sont bien entourés ou peuvent facilement poser des mots sur ce qu’ils vivent et ressentent, d’autres se renferment, "ce qui peut exacerber un comportement anxieux et évoluer vers des situations à risque, voire être déclencheur de pathologies sous jacentes", ajoute-t-il. Face à une telle situation, il est essentiel de ne pas affronter seul sa souffrance. Sentiment d’être dépassé par les événements ou perdu dans l’organisation de son cabinet, difficulté à trouver une réponse à apporter aux patients ou à sa propre capacité d’accueil des cas suspects de coronavirus, mise en œuvre complexe de la téléconsultation provoquant des tensions, crainte d’être contaminé ou de contaminer un membre de sa famille… Plusieurs numéros verts permettent de demander de l’aide, quelle que soit la situation que rencontre le médecin.
"Stress post-traumatique" Si certains établissements hospitaliers mettent à disposition un soutien psychologique pour leurs soignants, deux autres plateformes professionnelles sont également joignables 24 heures sur 24 et sept jours sur sept : celle du Conseil national de l’Ordre des médecins (0800 288 038), et celle de l’association Soins aux professionnels de santé (SPS) (0 805 23 23 36). "Certains médecins ont peur... d’aller au travail par crainte d’être contaminés ou de contaminer leur entourage, constate Catherine Cornibert, docteure en pharmacie, qui dirige les actions et la communication de l’association SPS. Des soignants ne dorment plus correctement, certains sont en colère en raison du manque de suivi et du respect du confinement de la part de la population..."
"De telles situations peuvent détruire le moral des médecins, d’autant plus s’ils exercent seuls, poursuit Jean-Yves Bureau. Si, pour le moment, un certain nombre d’entre eux, au front, parviennent à gérer cette crise sanitaire, lorsqu’elle sera passée, la situation risque d’être difficile. Les groupes de soutien et d’échanges seront plus que jamais nécessaires car les risques de décompensation vont se manifester avec des problèmes du même ordre que du stress post-traumatique." Situation qu’il ne faut pas minimiser et, au contraire, anticiper. D’autant plus que l’impact psychosocial lié au confinement va se faire ressentir tant chez le médecin qu’au sein de la population en général. "Les médecins généralistes vont très certainement être amenés, par la suite, à prendre en charge des patients avec des problèmes psychologiques et/ou de santé mentale en lien avec le confinement, ce qui peut être générateur de stress supplémentaire", ajoute l’élu ordinal. 200 appels quotidiens L’association SPS, qui existe depuis quatre ans, a initié un dispositif d’accompagnement et de soutien aux professionnels de santé en souffrance, avec un numéro vert et une application, qui trouvent toute leur ampleur aujourd’hui. "La plateforme a renforcé son dispositif pour faire face à la crise", fait savoir Catherine Cornibert. La structure qui dispose habituellement d’une soixantaine de psychologues répondants, en a aujourd’hui une centaine disponible. "Demain, nous pourrions en avoir 200, précise-t-elle. Nous disposons d’une réserve que nous pouvons déployer pour prendre en charge environ 2.000 appels par jour." Un renfort qui s’avère, au regard des chiffres, plus que nécessaire. Car si plateforme reçoit généralement entre cinq et dix appels par jour, depuis cinq jours, environ 200 appels quotidiens sont recensés, d’une durée moyenne de 15 à 20 minutes. En cinq jours, la plateforme a comptabilisé environ 75.0000 visites sur son site Internet et sur ses réseaux sociaux, alors qu’habituellement,...
le nombre de visites avoisine quotidiennement les 500. Des appels qui proviennent à 70% de salariés médecins, infirmiers et aides-soignants.
"Les soignants sont très reconnaissants du soutien psychologique que nous leur offrons. Nous avons également des appels de managers d’établissement qui veulent s’assurer que notre plateforme fonctionne bien avant de communiquer les coordonnées à l’équipe", rapporte Catherine Cornibert, précisant que 100% des appels reçus sont décrochés par des psychologues. Une réorientation est possible par la suite, notamment vers une téléconsultation auprès de médecins généralistes, de psychologues et de psychiatres du réseau national, ou si besoin, au sein de structures d’accueil dédiées en région. Un métier d’écoute À l’association SPS, l’ensemble des répondants sont formés à l’écoute téléphonique. « Aujourd’hui, nous constatons beaucoup de volontés solidaires via des plateformes qui se créent dans l’urgence face à la crise, rapporte Catherine Cornibert. Cependant, une plateforme téléphonique d’écoute ne se lance pas du jour au lendemain. Les professionnels, même en tant que psychologues, doivent être formés. C’est un métier d’écouter, cela ne s’improvise pas. Il faut savoir réagir face à un appelant en crise suicidaire. » Bien entendu, l’organisation interne des établissements hospitaliers qui proposent un soutien psychologique à leurs équipes « est une bonne initiative permettant un effet de proximité intéressant, soutient-elle. Mais pour des questions de confidentialité, certains soignants ne souhaitent pas être en contact avec leur propre structure et souvent, un relais la nuit n’est pas proposé. Nous venons donc en complémentarité." Du côté du Cnom, l’aide apportée aux soignants via son numéro vert est, elle aussi,...
multiple. "Lorsqu’un médecin appelle notre numéro, une assistante sociale assure l’orientation de l’appelant", explique le Dr Bureau. Pour une situation d’urgence, l’appel est transmis à la société Stimulus, cabinet de conseil en bien-être et santé au travail, qui dispose d’environ 25 psychologues cliniciens répondant immédiatement aux appels. Dans le cadre de cette crise, un renfort a été prévu. Pour les appels moins urgents, l’assistante sociale bascule l’appel vers une cellule d’écoute composée de confrères médecins au sein d’associations d’entraide de proximité, qui peuvent eux-aussi orienter l’appelant vers des personnes ressources – des psychologues et des psychiatres – pour un suivi sur le long terme. Enfin, la Commission nationale d’entraide du Cnom peut également apporter son aide concernant des questions d’organisation du cabinet, de remplacements, etc.
L’une des craintes des médecins libéraux face à la crise du Covid-19 : la perte de chiffre d’affaires. "Cette situation concerne pour le moment, principalement les spécialistes libéraux notamment les dermatologues, les rhumatologues, les allergologues ou encore les pédiatres", fait savoir Jean-Yves Bureau. Les prérogatives de la Commission d’entraide du Cnom ont été élargies afin d’apporter une réponse confraternelle aux praticiens. Le Conseil national dispose déjà d’un dispositif d’aide financière pour les médecins en difficulté. Cette aide va pouvoir, dans certains cas, être étendue à la crise actuelle même si, pour le moment, le Cnom ne connaît pas encore précisément les modalités qui pourront être mises en place. Numéro d’entraide du Cnom : 0800 288 038 Numéro d’appel de l’association SPS : 0 805 23 23 36
La sélection de la rédaction
Faut-il octroyer plus d'autonomie aux infirmières ?
Angélique Zecchi-Cabanes
Oui
Pourquoi pas? À partir du moment où elles ont la responsabilité totale de ce qu’elles font et que les médecins généralistes n’ont ... Lire plus