Appel à la grève des médecins le 3 décembre : "Nous sommes tous attaqués, nous ne pouvons pas rester les bras croisés"
Face au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, plusieurs centaines de médecins libéraux des Alpes-Maritimes organisent une journée de grève le mercredi 3 décembre. Dénonçant "une attaque sans précédent contre le système de santé [qui] met en danger l’accès aux soins", ils appellent tous leurs collègues soignants à les rejoindre. Ce Collectif Médical du Sud-Est se revendique asyndical et apolitique.
"Face à une menace inédite sur notre exercice et au saccage de notre profession, il relève de notre dignité de ne pas rester muets. Nous organisons une journée coup de semonce le 3 décembre prochain. Nous devons nous lever pour dire non", martèle le Dr Jérôme Barrière, oncologue médical à la Polyclinique Saint-Jean de Cagnes-sur-Mer, joint par Egora.
Réunis au sein du Collectif Médical du Sud-Est, plusieurs médecins des Alpes-Maritimes ont lancé un mouvement apolitique, asyndical et transpartisan face à "une attaque sans précédent contre le système de santé". "Ce mouvement est né fin octobre, sur l'impulsion du chirurgien viscéral Benjamin Salucki. Petit à petit, nous avons créé un groupe de plus de 1000 personnes sur WhatsApp, toutes spécialités confondues. Nous sommes devenus tellement nombreux que nous devons désormais créer d'autres groupes. Il y a une vraie dynamique", retrace le Dr Barrière.
"Je suis parti en croisade"
"J'ai voulu monter des boucles d'information massives, car le PLFSS touche tout le monde mais très peu de médecins sont informés", explique à Egora Benjamin Salucki. "Ça a pris, comme si j'avais lancé une allumette sur de la paille sèche", ajoute le chirurgien. "Pour l'instant la seule action organisée est l'exil des médecins à Bruxelles début janvier. Je me suis dit qu'il fallait tenter quelque chose avant, et qu'on ne pouvait pas rester les bras croisés en attendant, donc je suis parti en croisade. Si ça échoue, en revanche, on se retrouvera à Bruxelles", prévient-il.
"C'est un vrai drame de devoir en arriver là", soupire Jérôme Barrière, qui n'a pas encore pris sa décision de s'exiler ou non. "La colère est telle que nous sommes obligés d'avancer étape par étape, mais nous ne pouvons pas dire que nous ne le ferons pas. Je suis cancérologue, j'ai des patients en chimio, je ne peux pas non plus faire n'importe quoi", confie-t-il.
"Nous nous battons pour notre liberté d'exercice"
Rejoint par les infirmiers libéraux de Convergence infirmière, le collectif "aimerait donner envie à d'autres de les rejoindre". "Nous sommes dans une révolte de la base, un peu à la Gilets jaunes. Nous avons des pédiatres, des généralistes, des radiologues, des anesthésistes... Nous avons tous reçu des attaques en règle sur notre exercice", résume Jérôme Barrière, invitant médecins, sages-femmes, dentistes, infirmiers libéraux, ou encore kinésithérapeutes "à se joindre" à eux. "Nous nous battons pour notre indépendance professionnelle et notre liberté d'exercice. Pour moi, c'est inconcevable de rester les bras croisés face à ce désordre politique", abonde la Dre Céline Jouret-Boidin, médecin généraliste installée à La Gaude et membre du Collectif.
Déjà soutenu par l'UFML-S, le collectif appelle également l'ensemble des syndicats à rejoindre le mouvement. "Pour l'instant, les syndicats ne bougent pas. Ils sont comme dans un état de sidération face à tout ce qui a été annoncé", constate Jérôme Barrière. "Nous devrions être rejoints bientôt par Jeunes Médecins et nous appelons les internes, l'Isnar, l'Isni... à nous suivre. C'est de leur exercice dans les mois et années à venir que l'on parle", s'inquiète l'oncologue.
"En oubliant que la santé est un pilier de notre République, le PLFSS 2026 met en danger non seulement la qualité et la sécurité des soins, mais aussi le pacte de confiance sociétal", dénonce Céline Jouret-Boidin. "Oui, la santé coûte cher et ça va coûter de plus en plus cher car les gens vivent plus longtemps", pointe Jérôme Barrière, qui fustige une logique purement comptable de l'Etat plutôt qu’une réelle politique de santé publique.
Dans les faits, le Collectif demande le "retrait" de l'article 24 du PLFSS qui instaure un mécanisme annuel permettant à l’État (Ministère de la Santé / Assurance maladie) de réviser à la baisse les tarifs opposables dans des segments d’activité réputés à "rentabilité manifestement excessive". "En l’état, l’article 24 désincite l’investissement, affaiblit l’attractivité de la médecine libérale et met en danger l’accès aux soins", s'alarment les médecins, qui dénoncent "un droit dictatorial". "Cet article 24 agrège toutes les craintes", confie Jérôme Barrière.
Le collectif réclame des excuses de la Cnam
Mais avant toute chose, le collectif "demande des excuses" de la part de la Cnam et de son directeur Thomas Fatôme. "Il nous a désigné comme étant des rentiers, du moins certains d'entre nous. Ce mot, ça a fait déborder le vase. Un rentier c'est une personne qui gagne de l'argent en ne faisant rien, ça n'est pas quelqu'un qui vit de son travail. On ne peut pas parler de rente pour un médecin", s'agace Jérôme Barrière. "C'est une insulte. Pour une poignée de dérives, il met tout le monde dans le même sac", accuse Benjamin Salucki.*
Le Collectif appelle également à une rehaussement de l'Ondam, "à la hauteur des besoins réels". "L’Ondam doit être indexé sur l’inflation et l’augmentation naturelle des coûts de la santé. Et comme plus de 80% des patients sont pris en charge par la médecine de ville, l’Ondam de ville doit être au même niveau que l’Ondam hospitalier", martèle Céline Jouret-Boidin.
"Discours mortifères"
"Le 3 décembre prochain, j'ai bloqué mes rendez-vous et je ferai entendre ma voix", annonce la généraliste. "Nous sommes tous attaqués, et nous sommes interdépendants les uns des autres. Nous devons nous soutenir", explique la praticienne, installée seule, en zone sous-dense, en secteur 1.
"Nous savons qu'une seule journée ça ne sera pas suffisant vu l'endoctrinement que nous constatons au Gouvernement et parmi les députés et les discours mortifères que nous entendons. Toutes ces mesures étatistes veulent nous désigner comme boucs-émissaires et nous tenir en laisse. Cette journée d'action que nous aimerions nationale et pluridisciplinaire nous paraît légitime", résume Jérôme Barrière. "Cette journée doit montrer la forte unité des médecins qu'ils soient libéraux ou hospitaliers", conclut Benjamin Salucki.
*Lors des Rencontres de la médecine spécialisée, vendredi 14 novembre à la Baule, le DG de la Cnam s'est défendu d'assimiler les médecins à des "rentiers". "Un professionnel de santé qui […] exerce une activité, il travaille, il n'attend pas que ça se passe. […] Je n'utiliserai jamais le terme de rentier", a-t-il martelé, appelant à "sortir de cette discussion absurde" sur ce sujet.
La sélection de la rédaction
Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?
Claire FAUCHERY
Oui
Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus