Obligation vaccinale : l’accompagnement plutôt que les sanctions

06/07/2017 Par Marielle Ammouche
Santé publique

Au lendemain de l’annonce du premier ministre, Agnès Buzyn a précisé différents points concernant la mise en route de l’extension de l’obligation vaccinale aux 8 vaccins qui sont actuellement recommandés dans la petite enfance. Mais plusieurs questions restent en suspens.

  Dans la foulée de l’annonce faite mardi 4 juillet par le Premier ministre Edouard Philippe, la ministre des solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a souhaité apporter quelques précisions, lors d’une conférence de presse le mercredi 6 juillet, sur la décision d’étendre l’obligation vaccinale à l’ensemble des vaccins de la petite enfance. "Après le temps de la réflexion vient celui de l’action", a ainsi estimé la ministre qui a précisé qu’un texte législatif serait porté au parlement "probablement à la fin de l’année 2017" pour que la mesure soit effective dans le courant de l’année 2018. Mardi dernier, Edouard Philippe avait souligné que "des maladies que l'on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire, des enfants meurent de la rougeole aujourd'hui en France... Dans la patrie de Pasteur, ce n'est pas admissible". Il avait donc annoncé mardi dans son discours de politique générale que "l'an prochain, les vaccins pour la petite enfance qui sont unanimement recommandés par les autorités de santé deviendront obligatoires". Les 8 vaccins concernés sont ceux qui étaient jusqu’à présent recommandés : coqueluche, haemophilus, hépatite B, méningocoque C, pneumocoque, rougeole, oreillons, et rubéole. Ils s’ajoutent ainsi aux 3 qui étaient déjà obligatoires : la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. En pratique, l’extension à 11 vaccins obligatoires représente 10 injections pour les enfants, étalées sur 2 ans. Cependant "au moins 70 % des enfants connaissent déjà ces 10 injections sur 2 ans et 80 % plus de 8 injections" ajoute le Ministère ; donc l’extension n’entrainera des injections supplémentaires que pour une minorité d’enfants. Tous les vaccins obligatoires seront pris en charge à 100 % : 65 % par l’Assurance maladie, et 35 % par les assurances complémentaires. Et des différents circuits offrant la gratuité des vaccins existent (centres de vaccination). Et d’autres possibilités sont en cours d’étude. L’objectif est d’arriver à un reste à charge égal à 0 euros dans tous les cas, a assuré Agnès Buzyn, qui a ajouté que des négociations sont en cours avec l’industrie pharmaceutique concernant les prix des vaccins. Selon la Ministre, le surcoût de la mesure pour l’assurance maladie est estimé à 10-20 millions d’euros.   Quid de la clause d’exemption ?   Plusieurs questions restent cependant en suspens. C’est le cas en particulier de la clause d’exemption, qui avait été proposée par le Comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, et qui permettait aux parents farouchement opposés à la vaccination de leur enfant de pas se soumettre à l’obligation. Le Pr Alain Fischer (immuno-hématologie, Hôpital Necker, Paris), qui co-présidait ce comité avait Mme Claude Rambaud (collectif inter-associatif pour la santé), a rappelé lors de la conférence de presse, que dans ses propositions, cette clause d’exemption était associée à la signature d’un document évoquant les risques de la non-vaccination, et à la possibilité d’être révoquée si les circonstances l’imposaient. Agnès Buzyn a précisé que cette clause était actuellement à l’étude au niveau juridique. En effet, sur le plan constitutionnel, une mesure peut être rendue obligatoire pour des raisons de santé publique. Et donc permettre une exemption, pour des raisons autres que médicales, s’oppose à la santé publique et donc à la loi. La question est donc celle l’inconstitutionnalité de cette clause, affirme Benoît Vallet, directeur général de la santé. Autre inconnue : la possibilité de sanctions. La ministre a reconnu y réfléchir citant l’exemple de l’Allemagne où il existe des amendes allant jusqu’à 7 500 euros. En France des sanctions sont prévues, mais elles ne sont quasiment jamais appliquées. Pour Agnès Buzyn, "ce n'est pas, à mon avis, la meilleure façon d'avancer", et "l'objectif n'est pas d'avoir des amendes mais de faire de la pédagogie". Elle rappelle ainsi qu’en Allemagne, l’amende est accompagnée d’une rendez-vous pédagogique obligatoire chez un médecin. Dans le contexte récent de pénurie de certains vaccins, les autorités de santé travaillent aussi avec les industriels pour éviter toute tension d’approvisionnement quand sera mise en route l’obligation pour les 11 vaccins. Enfin, reprenant les propositions du comité d’orientation, les autorités de santé ont rappelé le caractère temporaire de cette obligation vaccinale, mais sans donner plus de précisions, souhaitant que les choses soient adaptés au fur et à mesure de l’évolution des chiffres de couverture vaccinale. C’est pourquoi la ministre souhaite effectuer un point annuel pour "faire l’état des lieux de la vaccination en France : progression de la couverture vaccinale, épidémiologie des maladies concernées, pharmacovigilance, nécessité de faire évoluer la liste des vaccins obligatoires"… Ce point pouvant donner lieu à une évolution de la liste des vaccins obligatoires.   La pédagogie avant tout   Agnès Buzyn a souhaité, lors de cette conférence de presse insister sur les raisons de santé publique qui sous-tendent cette mesure. Pour elle, l’accompagnement de l’extension de l’obligation vaccinale passe prioritairement par la pédagogie et en particulier le rappel des chiffres de la vaccination, et des risques de la non-vaccination. "Je n’aime pas imposer des obligations", mais "il y a un impératif de santé publique à améliorer la couverture vaccinale en France". Force est de constater que les 3 vaccins obligatoires présentent une bonne couverture vaccinale, de l’ordre de 90% ; alors que cette dernière est souvent insuffisante pour les vaccins qui sont seulement recommandés. Un exemple marquant est celui de la rougeole. Cette maladie infectieuse est en effet responsable de la mort de 10 enfants en France depuis 2008. Entre 2008 et 2016, plus de 24 000 cas ont été déclarés en France. Près de 1 500 cas ont présenté une pneumopathie grave, et 34 une complication. En Italie, cette maladie a fait récemment la Une de l’actualité avec le la rougeole est en forte croissance depuis le début de l’année 2017 en France mais aussi dans de nombreux pays européens, faisant craindre une nouvelle épidémie de vaste ampleur. Or la couverture vaccinale à 2 ans est de 78% alors que, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il faudrait qu’elle atteigne le niveau de 95 %, pour éviter le risque de vagues épidémiques. Les couvertures vaccinales sont aussi insuffisantes contre l’hépatite B : 40% chez l’adolescent, 60% chez l’adulte. On estime que plus de 2 000 cas d’hépatite B sont survenus en France entre 2006 et 2013 chez des sujets non vaccinés. Enfin, concernant le méningocoque C, "entre 2011 et 2015, 255 cas ont été déclarés chez des sujets âgés de 1 à 24 ans. Parmi eux, 25 sont décédés. Ces cas et ces décès auraient pu être évités par la vaccination" ajoute le ministère. Agnès Buzyn a souligné l’efficacité de la vaccination qui "est un des progrès majeurs, si ce n’est le plus grand de la médecine". Outre l’éradication de maladies telles que la poliomyélite ou la diphtérie, la vaccination a prouvé son efficacité dans les infections invasives à haemophilus influenzae de type B, qui ont baissé de plus de 95% depuis l’introduction du vaccin, alors que l’on observait près de 600 cas par an auparavant. Et grâce à la vaccination contre les infections invasives à pneumocoque chez l’enfant depuis 2003, le nombre de ces infections, a été réduit de moitié. La ministre a rappelé que "la vaccination n’est pas seulement un acte individuel, elle est également destinée à protéger son entourage. Se faire vacciner permet de se protéger et de protéger les autres". Enfin, elle a insisté sur le profil de sécurité de l’ensemble des vaccins dans la petite enfance. "Les données scientifiques disponibles à ce jour ne remettent pas en cause la sécurité des vaccins concernés. Ainsi, parmi les spécialités vaccinales indiquées chez le nourrisson de moins de 24 mois, aucunes d’entre elles, n’ont, à l’heure actuelle, fait l’objet d’une préoccupation particulière confirmée en termes de sécurité d’emploi, tant à l’échelon national qu’international", précise le ministère.    

L’appel des professionnels de santé

L’extension de l’obligation vaccinale répond à la demande de nombreux professionnels de santé, qui se sont mobilisés depuis plusieurs mois en sa faveur. En juin, 200 professionnels de santé, issus d’horizons variés avaient lancé dans le journal le Parisien un appel pour l’élargissement de la couverture vaccinale, qui passe par l’extension de l’obligation vaccinale. "La vaccination n'est pas seulement un choix personnel n'ayant de bénéfices que pour la personne vaccinée" mais "elle vise la protection de la population, en particulier enfants, personnes âgées ou fragiles", écrivaient les signataires de ce texte parmi lesquels se trouvent François Chast (chef de la pharmacie clinique Hôtel-Dieu, Paris), ou encore François Bricaire (chef du service de maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) ou Jean-François Mattei (généticien et ancien ministre de la santé).

Selon eux, "la communication officielle insuffisante de ces dernières années et les hésitations de certains médecins se sont conjuguées pour égratigner l’image de la vaccination dans le public et laisser libre cours aux spéculations sur son efficacité ou sa toxicité". Leur appel est en ligne sur Egora, ici.
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