IAS 2017 : Sida, le commencement de la fin ?

21/07/2017 Par Marielle Ammouche
Infectiologie

Nouvelles molécules, nouvelles stratégies, éradication des réservoirs viraux, prévention par la PReP ou par le vaccin, enjeux financiers…, seront au programme de la 9e conférence IAS 2017 "HIV Science" qui se déroulera à Paris 23 au 26 juillet 2017.

La 9e conférence IAS 2017 "« HIV Science" se déroulera à Paris 23 au 26 juillet 2017. Il s’agit de l'une de plus importantes conférences internationales sur le VIH. Elle est organisée par l'International Aids Society (IAS) en association avec l’Agence nationale de rechercher sur le Sida et les hépatites virales (Anrs), qui en assure la co-présidence. Cette réunion d’experts permettra d’aborder les progrès majeurs qui ont été réalisé dans la compréhension et la prise en charge de l’infection, mais sera aussi l’occasion d’aborder les défis de demain. Le principal étant "A quand la fin du Sida ?" Nous disposons en effet actuellement de traitements antiviraux efficaces qui font que nous sommes passés "du statut de maladie mortelle à celui de maladie chronique" affirme l’Anrs. Une étude publiée récemment dans The Lancet HIV (10 mai 2017), et dans laquelle de nombreuses données françaises ont été prises en compte, relevait ainsi que l'espérance de vie des personnes séropositives vivant en Europe et en Amérique du Nord avait augmenté de 10 ans depuis 1996, date d'introduction des antirétroviraux. Pour une personne ayant commencé son traitement en 2008, et ce, suffisamment tôt après l'infection, l'espérance de vie est désormais de 73 ans chez les hommes et de 76 ans chez les femmes, soit presque autant que celle de la population générale. L’accès au traitement dans le monde s’est aussi largement amélioré. En 2016, environ 18,2 millions de personnes infectées dans le monde avaient accès aux antirétroviraux, contre 7,5 millions en 2010, et pratiquement pas en 2003. Cependant, des progrès sont nécessaires dans certaines zones comme en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, où plus de 75 % des personnes atteintes ne bénéficient encore d'aucuns antirétroviraux.   De nouvelles stratégies thérapeutiques   "Les traitements d'aujourd'hui sont plus efficaces et moins toxiques à long terme, et on peut espérer qu'on puisse encore les simplifier", déclare le Pr Jean-François Delfraissy, qui préside la conférence IAS 2017 avec la Pr Linda-Gail Bekker (Desmond Tutu HIV Center, le Cap, Afrique du Sud et présidente de l'IAS). Plusieurs pistes sont à l'étude. Une consiste à diminuer le nombre de traitement à 2 voire un seul antirétroviral par jour : "on évalue aussi la possibilité de "concentrer" le traitement sur quelques jours ou bien de délivrer des médicaments à action prolongée dont le principe actif serait libéré lentement dans le sang pendant plusieurs semaines" détaille le spécialiste. Par ailleurs, de nouvelles molécules sont à l'étude dont certaines appartiennent. Il s’agit de nouvelles familles d'antirétroviraux, comme des inhibiteurs d'attachement ou des inhibiteurs de "maturation", dans une étape plus tardive du cycle du VIH, ou encore de nouvelles modalités pharmacologiques. "La conférence de Paris verra un foisonnement de contributions originales dans le domaine des antirétroviraux, ajoute le Pr Delfraissy. De nouvelles molécules, de nouvelles formulations (en patchs, à durée d'action longue …) seront présentées. Leur utilisation dans des anneaux vaginaux, à visée préventive donc, sera par exemple décrite". Nombreuses sont les équipes qui travaillent aussi sur les possibilités d’éradiquer les réservoirs viraux, ces cellules où le VIH persiste à l'état latent et est capable de se réactiver si les traitements antirétroviraux sont arrêtés. "C'est la nouvelle frontière que nous nous sommes fixés en lançant, en 2011, l’initiative Towards HIV Cure" explique la Pr Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de Médecine 2008 et à l'origine de cette activité internationale de l’IAS. "Plusieurs observations nous permettent de penser depuis quelque temps déjà que nous pourrions parvenir à la guérison, ou de manière plus raisonnable à la rémission de la maladie sans traitement". Un pas a d’ailleurs été réalisé récemment en France avec la découverte que les cellules quiescentes CD4+ qui expriment le marqueur CD32a sont des réservoirs (Nature, 15 mars 2017). A Paris, diverses stratégies ciblant ces réservoirs seront présentées telles que l’immunothérapie ou la thérapie génique. Oui …mais, "encore faut-il connaître son statut sérologique !" commente le Pr François Dabis, directeur de l'Anrs. Le dépistage constitue le premier objectif du plan "90-90-90" élaboré par l'Onusida afin de mettre fin à l'épidémie à l'horizon 2030 : d'ici 2020, 90 % de personnes infectées devraient être diagnostiquées, 90 % d'entre elles devraient recevoir un traitement antirétroviral, 90 % des patients traités devraient avoir une charge virale indétectable. Selon le Pr Dabis, "l'urgence de parvenir au deux premiers "90" est réelle. Le délai moyen en France entre infection et contrôle de la charge virale est d'environ 65 mois". Et, en Afrique Sub-Saharienne, on estime qu’en moyenne, seules 45 % des personnes infectées connaissent leur statut et cette proportion varie beaucoup d’une région de l’Afrique à une autre.   Prévention : PReP et vaccin   A côté de la prise en charge thérapeutique, la prévention reste fondamentale. De nombreux programme se sont mis en place dans le monde afin d'aboutir à "zéro nouvelle infection". Dans ce domaine, ces dernières années ont été marquées par la mise à disposition de la prophylaxie pré-exposition (PrEP), suite aux études américaine, anglaise et française (Iprex, Proud et Anrs Ipergay respectivement). D'abord autorisée aux États-Unis puis en France, l'usage de la PrEP se répand dans d'autres pays. Les recherches doivent s'intensifier afin d'en élargir l'usage, affirment l’Anrs. Cependant, selon le Pr Barré-Sinoussi, "il n'y aura pas de fin du Sida possible sans un vaccin préventif, qui devra être mis à disposition des populations vivant dans des régions de forte prévalence et incidence, en particulier pour les personnes les plus vulnérables et les plus exposées". A ce jour une seule étude a été positive. Il s’agit de l'essai américano-thai RV144 réalisé avec une combinaison de 2 vaccins (Alvac-HIV et Aidsvax administrées en utilisant le principe du prime-boost, et qui a permis de protéger une petite proportion d'individus (31,2%). Un large essai d'efficacité (HVTN 702) est actuellement en cours en Afrique du Sud auprès de 5400 volontaires (essai randomisé associant un candidat vaccin composé d'ADN codant pour les protéines gag, pol et env du VIH, suivi d'une injection avec la protéine gp 120). Les résultats sont attendus en 2021. "Il est essentiel de renforcer nos approches en recherche fondamentale dans l'objectif de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques pour aboutir à une rémission, tout en avançant en parallèle sur la recherche d'un vaccin, tant préventif que thérapeutique", résume le Pr Barré-Sinoussi. L’Anrs insiste enfin sur l’importance, dans ce contexte d’une volonté politique et financière. "La science a apporté énormément de données au cours des dernières années. Nous savons comment limiter les nouvelles contaminations. Il faut maintenant accélérer la diffusion des moyens, et faire que leur financement ne soit pas un frein à leur diffusion sur le terrain, déclare le Pr Dabis. La volonté politique, l'engagement des Etats et des institutions est un préambule essentiel, et la conférence de Paris sera l'occasion de le rappeler".  

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