Santé mentale : intégrer la question de la détresse liée au diabète dans les pratiques
L’EASD a révélé les premières recommandations dédiées à cette réalité clinique, souvent négligée des praticiens, et a mis en avant quelques pistes pour ouvrir la discussion avec des patients dont le contrôle glycémique peut être problématique.
« Nous savons intuitivement que quoi qu’on essaie, le résultat clinique peut ne pas être satisfaisant, a reconnu la Dre Karin Kanc (Ljubljana, Slovénie). Si l’on ne se pose pas la question du fardeau émotionnel de la maladie, on rate sans doute quelque chose. » L’ensemble de ce fardeau, qui rassemble toutes les émotions négatives quotidiennes (frustration, culpabilité, stress, peur…) liées à la maladie, sa prise en charge, l’alimentation, les complications, est dénommé « détresse liée au diabète ». Cette réalité clinique – distincte d’une dépression – a émergé dans les préoccupations de la communauté scientifique il y a une quinzaine d’années, mais toucherait depuis toujours les patients : un tiers des diabétiques en souffriraient à un moment de leur existence.
Michelle Law, diabétique de type 1 depuis près de vingt ans, l’a mise en mots : « Les aspects émotionnels de la maladie n’étaient jamais évoqués avec les médecins, et je ne voulais ni peser ni inquiéter mon entourage. Mais la gestion de la maladie est une préoccupation quotidienne, avec notamment un sentiment de culpabilité lorsque le taux d’HbA1c n’est pas bon. Lorsque je suis tombée enceinte, ma préoccupation est devenue une obsession, car j’avais peur pour mes enfants. Et après la naissance, rassurée par leur bonne santé, j’ai fait un véritable burn-out du diabète. Je suis devenue inobservante. La gestion de la maladie impliquait une “to-do list” interminable qui minait mon quotidien. Et puis la menace de mon médecin de me retirer ma pompe si je ne faisais pas plus d’efforts n’a fait qu’aggraver mon angoisse et ma culpabilité. » Un ressenti confirmé par les études : dans une cohorte de 274 diabétiques, le sentiment de culpabilité pour avoir négligé le diabète était le sentiment qui avait le plus grand pouvoir prédictif de voir le déclenchement d’autres stress dans les dix-sept jours suivants(1).
Parce qu’elle impacte la qualité de vie, l’observance, et donc le pronostic associé à la maladie, n’est pas uniquement psychologique. D’où l’importance pour la Société européenne pour l’étude du diabète (EASD) de rédiger de premières recommandations en la matière. Elle espère ainsi inciter les praticiens à ouvrir le dialogue avec leurs patients. Et si ce texte est limité par le nombre encore réduit d’études sur le sujet, il statue néanmoins sur plusieurs points : les interventions psychologiques associées aux soins conventionnels permettent de réduire efficacement la détresse liée au diabète de type 1 ou de type 2. Le niveau de preuve concernant les interventions éducationnelles et psycho-éducationnelles n’est suffisant que dans le diabète de type 2. « Quant aux diabétiques de type 1, si le passage du contrôle glycémique capillaire à la surveillance continue du glucose est efficace pour réduire la détresse, la littérature ne montre pas d’avantage apporté par l’administration automatisée d’insuline sur ce point, malgré ses avantages cliniques », a commenté la Dre Karin Kanc.
Et en pratique ?
« Certains d’entre nous évitent la discussion, par manque de temps mais aussi parce que nous ne sommes pas formés à ces aspects, nous craignons d’être intrusifs ou nous savons que l’orientation ne sera pas possible ou facile, a reconnu le Pr Richard Holt (Royaume-Uni). Pourtant, ne pas s’intéresser à la détresse, c’est risquer de voir et revoir en consultation toujours les mêmes difficultés chez un même patient : s’il n’arrive pas à gérer son diabète malgré les traitements et l’éducation, c’est peut-être parce que le problème est ailleurs. »
Le repérage de la détresse peut être rapide : le questionnaire DDS2 repose sur deux simples questions (« Vous sentez-vous dépassé par les exigences de la vie avec un diabète ? » et « Avez-vous souvent l’impression d’échouer dans cette gestion ? ») : le degré d’adhésion à chacune d’entre elles est coté de 1 à 6 et une moyenne de 3 ou plus suggère un haut niveau de détresse.
Dès lors, suggère Andreia Mocan, psychologue, « il suffit de demander “Pouvez-vous m’en dire plus là-dessus ?” pour ouvrir le sujet. J’espère que ces recommandations aideront les médecins à se sentir plus aptes à parler de la détresse et à normaliser le sujet, afin d’identifier les problèmes et orienter ceux qui en ont besoin vers une aide appropriée ». Le texte finalisé est soumis à commentaires auprès de la communauté scientifique(2).
1. Ehrmann D, et al. Oral presentation 116. EASD 2025.
2. https://www.easd.org/guidelines/statements-guidelines/diabetes-distress/
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Références :
61e Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (Vienne, 15-19 septembre). D’après les sessions « Assessment and management of diabetes distress: the EASD’s first clinical practice guideline » et « Methods, impacts and implementation of the EASD Clinical Guidelines for assessing and managing Diabetes Distress ».
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