
Moins invasive, plus efficace : comment la chirurgie régénérative va "bouleverser" la médecine
La chirurgie régénérative changera-t-elle la face de la médecine ? Lors d’un point presse organisé fin mai, l’Académie nationale de chirurgie a dressé un panorama des innovations en cours dans ce domaine en ébullition.

Pour le Pr Albert-Claude Benhamou, ancien président de l’Académie nationale de chirurgie, la chirurgie régénérative constitue "la révolution de la chirurgie du 21ème siècle, et elle est en train d’arriver". "En tant que chirurgiens, notre objectif est de réparer les tissus de nos patients, de les reconstituer quand ils ont disparu, de mieux cicatriser. Pour cela, le génie biologique va nous aider de manière considérable, du moment que nous comprenons bien les mécanismes sous-jacents aux processus naturels", ajoute-t-il.
Parmi les innovations à l’étude, la culture de cartilage pour traiter l’arthrose du genou, la régénération des disques intervertébraux à l’aide de cellules cultivées in vitro, ou encore de nouvelles méthodes de reconstruction osseuse. Selon l’Académie nationale de chirurgie, "la chirurgie régénérative est en passe de bouleverser les pratiques chirurgicales et médicales. En s’appuyant sur les ressources naturelles de l’organisme, elle permet de restaurer les tissus, d’accélérer leur cicatrisation et d’envisager de nouvelles solutions thérapeutiques, moins invasives, plus efficaces et plus rapides avec des bénéfices cliniques et économiques significatifs".
Fin mai, l’Académie nationale de chirurgie a annoncé le lancement de l’Arsia (Actual Regenerative Surgery International Academy), un think tank international visant à rassembler les preuves d’efficacité des méthodes de chirurgie régénérative, et à en faciliter le déploiement. Cet organisme est fondé à l’initiative de la Biobridge Foundation, organisme suisse lui-même chargé de promouvoir cette nouvelle chirurgie -et émanation du laboratoire RegenLab, spécialisé dans ces nouvelles approches.
L’arrivée de ces nouvelles technologies permettr[a] au corps de se régénérer de façon plus autonome
Selon le Pr Franck Duteille, du service de chirurgie plastique-brûlés du CHU de Nantes, la chirurgie se trouve à "un tournant". "L’arrivée de ces nouvelles technologies permettr[a] au corps de se régénérer de façon plus autonome, éventuellement afin de pouvoir recréer un tissu ad integrum, ce qui est le Graal de tout chirurgien réparateur", ajoute-t-il.
Parmi les applications potentielles, le traitement des grands brûlés, face auxquels "nous sommes souvent dans l’impasse thérapeutique", explique Franck Duteille. "On peut prélever un peu de peau au patient, mais il en manque toujours pour fabriquer une nouvelle peau, et celle-ci n’a ni la qualité, ni l’élasticité, d’une peau normale. Grace à la chirurgie régénérative, nous espérons pouvoir recréer des tissus qui seront identiques, permettront de sauver des gens, et leur laisser moins de séquelles", poursuit-il.
Pour la Pre Barbara Hersant, du service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique et maxillo-faciale de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil, Val-de-Marne), "cela fait plus de de dix ans que nous pratiquons ces traitements autologues au bloc opératoire, soit comme traitement adjuvant à notre chirurgie, soit dans la reconstitution des tissus, en utilisant des cellules adipeuses, plus des plaquettes autologues associées à l’acide hyaluronique". Parmi les applications évoquées par la chirurgienne, le traitement de l’atrophie bulbovaginale, qu’elle soit consécutive à des traitements anticancéreux ou à la ménopause.
PRP + acide hyaluronique contre l’arthrose
En injection intra-articulaire, le plasma riche en plaquettes (PRP), issu du patient lui-même, est aussi l’une des stratégies à l’étude contre l’arthrose du genou. Dans ses recommandations sur la gonarthrose publiées en 2021, la Société française de rhumatologie (SFR) indiquait ne pas pouvoir trancher quant à l’intérêt de ce traitement, faute "de données suffisamment robustes tant sur l’efficacité que sur la tolérance". Selon plusieurs experts de l’Académie nationale de chirurgie, l’usage de PRP + acide hyaluronique -traitement combiné dont RegenLab, cofondateur de l’Arsia, produit un kit de préparation- semble toutefois efficace chez les patients gonarthrosiques.
Parmi les divers travaux menés à ce sujet, une méta-analyse publiée en 2021, portant sur quatre études randomisées et un total de 377 patients, a suggéré la supériorité de ce traitement autologue par rapport aux injections d’acide hyaluronique seul (déremboursées en 2017), en termes de douleur, de fonction physique et de raideur articulaire (1). En raison des limites méthodologiques des diverses études menées sur la stratégie PRP-acide hyaluronique, la Haute Autorité de santé (HAS) a conclu, dans un avis rendu le 24 octobre 2024, à un service attendu (SA) "insuffisant" sur la base des données actuelles.
(1) Karasavvidis T et al., Arthroscopy, 3 décembre 2020.
Références
D’après un point presse organisé par l’Académie nationale de chirurgie (23 mai).
La sélection de la rédaction
Faut-il ouvrir plus largement l'accès direct à certaines spécialités médicales ?
A Rem
Non
On n’arrive déjà pas à avoir un rendez-vous en urgence en tant que médecin traitant pour un de nos patients parce qu’il y a trop d... Lire plus