Kilian Thomas

Le Dr Kilian Thomas a été élu président de Reagjir ce dimanche 15 juin 2025. Crédit photo : Reagjir

"C'est à nous d'affirmer qui on est et quel rôle on veut jouer" : les priorités du nouveau chef de file des généralistes remplaçants

Après deux années à la tête de Reagjir*, le Dr Raphaël Dachicourt vient de laisser sa place au Dr Kilian Thomas. Remplaçant en Loire-Atlantique, ce jeune médecin a été élu président, dimanche 15 juin, par le conseil d'administration du syndicat. Parmi les priorités du nouveau représentant des généralistes installés et remplaçants : l'accès aux soins et la nécessité de définir précisément l'exercice futur des médecins généralistes. Interview.  

16/06/2025 Par Chloé Subileau
Interview jeunes médecins Remplacement
Kilian Thomas

Le Dr Kilian Thomas a été élu président de Reagjir ce dimanche 15 juin 2025. Crédit photo : Reagjir

Egora : Vous étiez jusqu'alors premier vice-président du syndicat aux côtés du Dr Raphaël Dachicourt. Depuis quand êtes-vous engagé auprès de Reagjir ?  

Dr Kilian Thomas : Je suis arrivé dans le bureau national en mars 2023 en tant que vice-président des remplaçants. J'ai fait un peu plus d'un an [à ce poste], et je suis passé premier vice-président en 2024. Ça faisait un an.  

Où exercez-vous ? Etes-vous déjà installé ?  

J'ai fini mon internat en 2021, puis j'ai passé ma thèse en 2024. Je suis médecin remplaçant. Pour l'instant, je ne suis pas installé et je n'ai pas encore de projet [précis] d'installation, même si c'est quelque chose qui va arriver parce que j'ai décidé de changer de zone géographique au niveau de mon exercice. J'emménage [très prochainement] dans une nouvelle zone au nord de Nantes, et donc il va falloir faire quelques remplacements, mais ça va être surtout pour un projet de création de cabinet dans une commune où il n'y a pas de médecin.  

Quelles seront les grandes priorités de votre mandat ? 

Il y a trois axes principaux. Les deux premiers ne changent pas énormément [de ceux de l'ancienne mandature], on reste dans une certaine continuité. Vue l'actualité politique, l'accès aux soins restera quelque chose de très important pendant ce mandat. On a déjà des propositions, elles sont sur la table depuis maintenant plusieurs années. Malgré tout, les députés n'ont visiblement pas tous entendus nos propositions, donc nous allons continuer à les mettre en avant. 

Ensuite, ce sera toujours de contribuer à la visibilité des remplaçants vu que récemment le Collège de la médecine générale et le Conseil national de l'Ordre des médecins ont publié une étude** portant notamment sur l'exercice des remplaçants. [Elle montre qu']un remplaçant occasionnel correspond quand même à 60% d'un équivalent temps plein, et un remplaçant dit régulier à 80% d'un équivalent temps plein. Ce qui surprend un peu. On s'attendait à moins, et donc on voit que les remplaçants ont une grosse activité finalement au sein de l'écosystème de santé. 

Pourtant, comme Raphaël Dachicourt en avait parlé durant son mandat lors de la signature de la [nouvelle] convention médicale, les médecins remplaçants ne sont toujours pas conventionnés. Là-dessus, on est toujours en attente de la réponse du Conseil d'État. 

Malgré vos demandes, les remplaçants n'ont en effet pas été inclus dans la dernière convention médicale, signée il y a plus d'un an. Reagjir avait annoncé fin 2024 saisir le Conseil d'Etat, après qu'un recours gracieux auprès du ministère du Travail et de la Santé est resté sans réponse. Cette procédure n'a donc pas encore abouti ? 

Tout à fait, mais de toute façon il faut 18 mois à peu près [pour que la procédure aboutisse]. Donc on a encore du temps. 

Sur ce sujet, de nouvelles discussions ont-elles été engagées avec l'Assurance maladie ? Y a-t-il eu des évolutions ? 

Non, toujours pas. 

Pour construire le système de santé, on a besoin aussi d'affirmer un peu notre position

Vous parliez d'une troisième priorité pour ce mandat. Quelle est-elle ? 

Ce troisième axe, sur lequel on va beaucoup plus se pencher, c'est de s'interroger sur quelle est la vision du médecin généraliste de Reagjir ? C'est-à-dire que le Collège de la médecine générale a publié un référentiel métier auquel nous avons participé, mais qui est un référentiel très large. Et donc la question c'est : qu'est-ce que nous, jeunes médecins généralistes, donc jeunes installés et remplaçants, on fait de ce référentiel ? Qu'est-ce qu'on définit comme étant un médecin généraliste ? Quelle est notre vision là-dessus ? Quel est notre rôle et notre place dans le système de santé de manière à réellement affirmer notre place auprès des autres professionnels et auprès des différentes instances, notamment ministérielles.

Concrètement, quelle(s) forme(s) cela va-t-il prendre ? 

A partir du référentiel métier, nous avons comme idée de créer un groupe de travail pour dire : quelle est notre vision ? Quel est le rôle du médecin traitant à l'avenir ? Est-ce que c'est un médecin qui est uniquement en ville ? Est-ce que c'est un médecin qui est uniquement à l'hôpital ? Est-ce que c'est quelqu'un qui fera trois jours ou cinq jours par semaine au cabinet ? L'idée est vraiment de définir ce que, nous, on voit comme exercice. Quand un jeune choisit la médecine générale à l'examen classant [du concours de l'internat], pourquoi il fait ce choix ? 

Je pense que, de toute façon, pour construire le système de santé, on a besoin aussi d'affirmer un peu notre position. On ne peut pas tout vouloir ou tout faire. Donc il faut qu'on affirme aussi qui on est pour qu'on évite d'avoir des lois ou des ministères qui vont dicter : "On vous dépouille de ça, et ça on va le donner à d'autres, vous ne ferez plus que ça…" C'est à nous d'affirmer qui on est, quel rôle on veut avoir dans le système pour que derrière le système se crée autour de nous, et pas contre nous. 

Ces derniers mois, les propositions de loi Garot et Mouiller ont suscité de vives réactions au sein de la profession. Reagjir a notamment participé à la mobilisation organisée fin avril. Allez-vous encore vous mobiliser contre ces textes ?

Alors pour la proposition de loi Garot, on est évidemment toujours bien contre l'article 1 qui concerne la régulation à l'installation, pour la simple et bonne raison qu'on est en pénurie [de médecins] et qu'envoyer un message de contrainte supplémentaire ne résoudra pas les problèmes. Mais, par exemple, l'article qui concerne l'absence de pénalité financière pour les patients [sans médecin traitant], il n'y a aucun problème là-dessus. 

Ensuite, pour la proposition de loi Mouiller, on n'était sur le principe pas contre cette idée de volontariat, de solidarité, notamment basée sur le même modèle que Médecins solidaires par exemple. Le problème, c'est que le Gouvernement en a fait une sorte de "volontariat obligatoire" avec des pénalités financières si on ne fait pas preuve de solidarité. Donc c'est un nouveau message de contrainte qui va générer frustration et agacement. 

Le modèle de Médecins solidaires fonctionne. Donc sur la base de la solidarité, il peut y avoir des choses. 

Dans la proposition de loi Mouiller notamment, on ne parle que des médecins installés qui feraient [jusqu'à] 2 jours par semaine ailleurs. Mais on ne parle pas des remplaçants qui pourraient justement, vu qu'ils ne sont pas en 100% temps plein, être volontaires – si la logistique suit – d'aller faire une semaine dans ces endroits plus démunis. 

Moi, dans ma région, les 10% du territoire les plus désertés sont le Nord Mayenne et le Sud Vendée. J'ai fait mes études à Angers, et j'ai fait un an de stage dans le Nord Mayenne. Si la logistique suit, moi effectivement aller faire une semaine dans le Nord mayennais – qu'importe le mode de rémunération – et potentiellement revoir mes collègues de la cardiologie de Mayenne chez qui j'ai été en stage, ça pourrait être sympa.  

L'une des pistes, selon vous, serait donc de mettre à contribution les remplaçants qui pourraient accepter d'aller dans des déserts, notamment car ils sont plus mobiles ? 

Exactement. Ils ont plus de mobilité et plus de possibilités dans leurs emplois du temps que nos médecins installés qui sont déjà à temps plein avec leur patientèle. 

On a besoin de forces vives dans nos territoires, on a besoin de nos structures locales 

Récemment, on entend de plus en plus parler du "docteur bashing", en lien notamment avec les débats qui ont eu lieu au Parlement et dans la presse sur l'avenir de la profession. Que pensez-vous de ce phénomène ? Trouvez-vous que la relation entre les médecins et la population s'est détériorée ? 

Je pense que dans la presse et sur les réseaux sociaux, il y a une exacerbation de ces sentiments, mais que ça ne représente pas la réalité. Moi en tout cas, j'exerce comme remplaçant, et je n'ai pas ce sentiment d'animosité de la part des patients. Comme je suis remplaçant, ils pourraient très bien me dire : "Mais il faut que vous installiez, qu'est-ce que vous foutez ?" Je n'ai jamais ce genre de paroles. On me pose la question : "Est-ce que vous allez vous installer chez nous ?" Mais il n'y a pas d'animosité. Une fois que les gens sont en face des médecins, personne n'ose monter la voix, et les médecins n'ont plus à l'encontre de leurs patients. Il n'y a pas ce sentiment-là. 

Je dirais effectivement que la presse, qui va aller chercher la petite phrase qui va faire parler, et les réseaux sociaux où on se permet beaucoup de choses, exacerbent vraiment ce sentiment. 

Y a-t-il un dernier message que vous souhaitez porter pour ce début de mandat ? 

Ce que l'on a envie, c'est vraiment que tous les jeunes médecins généralistes qui sont jeunes installés ou remplaçants soient avec nous. Reagjir, il ne faut pas ça soit un peu une locomotive qui tire des wagons. Nous, on a besoin de forces vives dans nos territoires, on a besoin de nos structures locales… C'est du bénévolat, pour autant, c'est ensemble qu'on ira loin, et tous seuls, on n'avancera pas. Donc si j'ai vraiment un message, c'est plus pour nos jeunes confrères pour dire que c'est vraiment ensemble qu'on pourra faire des choses. 

 

Le nouveau bureau de Reagjir :

Kilian Thomas : président 

Olivier Cadiou : secrétaire général 

Marina Dusein : trésorière

Charline Risse-Giuliani : secrétaire générale adjointe 

Maxime Rigault : vice-président des remplaçants 

Marie Bonneau : vice-présidente des installés 

Clément Porcher : vice-président des jeunes universitaires 

Mathilde Chouquet : chargée de mission réseau et newsletter 

Mathilde Renker et Barbara Bégault : chargées de mission Rencontres nationales

 

*Regroupement autonome des généralises jeunes installés et remplaçants. 

**Cette étude, dont les premiers résultats ont été présentés lors du dernier Congrès de la médecine générale France (CMGF) en mars, porte sur l'activité réelle des médecins généralistes. 

Faut-il ouvrir plus largement l'accès direct à certaines spécialités médicales ?

A Rem

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