PDSA obligatoire, rémunération à l’acte, stage libre : on sait (enfin) à quoi va ressembler la 4ème année de médecine générale 

12/06/2023 Par Marion Jort
Internat
Après plus de six mois d’attente, le ministère de la Santé a présenté ce lundi matin la maquette nationale du nouveau DES* de médecine générale, dont l’internat a été rallongé d’un an. Permanence de soins obligatoire en quatrième année, rémunération en partie à l’acte, modification des stages… Egora fait le point sur les principaux changements.  

 

"Il ne faudra pas s’étonner si les postes de médecine générale ne sont pas pourvus cette année", s’insurge Olivia Fraigneau, présidente de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) à la sortie d’une réunion au ministère, à l’occasion de laquelle François Braun a présenté la nouvelle maquette nationale du DES* de médecine générale, ce lundi 12 juin. "Il ne faudra pas non plus s’étonner si les droits au remords sont importants l’an prochain", présage-t-elle.  

Promise pour fin mars, cette maquette s’est largement fait attendre par les étudiants… Inquiètes pour les externes, les organisations représentatives et syndicats ont, à plusieurs reprises, demandé le report de la mise en place de l’allongement de l’internat, prévu pour septembre. Mais rien n’y a fait. "Le ministère ne fait rien pour la santé mentale des étudiants et là c’est pire : nous sommes convoqués à une semaine des ECN pour faire des annonces vides de sens. C'est au mieux un manque de respect", poursuit Olivia Fraigneau, se disant "outrée". "Selon les engagements initiaux, on aurait dû avoir ce rapport fin mars. En choisissant cette date, le ministère prend un risque avec la santé mentale des étudiants et il perturbe leurs révisions et leur concentration alors qu’ils jouent leur avenir sur un concours dans une semaine", abonde Raphaël Presneau, président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes en médecine générale (Isnar-IMG).  

"On se sait pas du tout comment les jeunes vont choisir leur spécialité", s’inquiète encore Olivia Fraigneau. Car le ministère, en dévoilant la maquette, a laissé "plusieurs trous" dans le fonctionnement qui restent à préciser. "On a trois ans pour régler les détails, voilà ce qu’ils ont répété", souffle le président de l’Isnar-IMG.  

"Ce n’est pas ‘juste’ une ‘année de plus’", leur a toutefois promis François Braun ce lundi 12 juin. "Le cursus de médecine générale ne compte pas d’année au cours de laquelle les étudiants exercent en tant que ‘Docteur junior’, en autonomie supervisée. Cette absence de phase de consolidation est une faiblesse, dont nombre d’interlocuteurs nous ont dit qu’elle ne favorisait pas une installation immédiate en sortie de cursus", a-t-il tenté de justifier. "Les internes ne doivent pas l’envisager comme une dernière année d’études mais un premier pas accompagné dans la vie professionnelle !", a aussi insisté le ministre.  

 

Des stages libres… mais fléchés  

Ainsi, concrètement, le ministère ne prévoit pas de modifier la phase socle de la formation des généralistes. En phase d’approfondissement, soit en deuxième année d’internat, les stages en gynécologie et pédiatrie seront fusionnés pour permettre aux internes de réaliser un stage libre sur six mois. Le stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (Saspas) ne sera pas modifié. En quatrième année, les internes de la spécialité auront deux stages de six mois – une sorte de ‘Saspas +’ - à faire "avec une incitation à rester au même endroit" entre les deux. "Il faut voir comment tout cela s'articulera dans les territoires", se méfie Olivia Fraigneau. "Le stage libre, parlons-en. Il est déjà annoncé pour ne pas être libre puisque le ministère souhaite qu’il soit fléché en priorité en gynécologie, pédiatrie ou alors gériatrie ou psychiatrie. C’est simple, en fait vous prenez les deux spécialités concernées par le regroupement dont on sait déjà qu'il ne va pas fonctionner et vous en faites un stage libre. Puis les deux spécialités les moins pourvues à l’ECN et vous en faites un stage libre : bref, on fait de la main d'œuvre pas chère une fois plus avec des internes", dénonce-t-elle. "L’ensemble de la maquette de formation, des désormais huit semestres de médecine générale, a été revu en profondeur, en incluant une véritable formation à l’installation", vantait pourtant François Braun dans son discours.  

La présidente de l’Isni s’inquiète par ailleurs des conséquences sur les femmes d’un tel fonctionnement. "Ils disent que ces stages fonctionneront par semestre mais ils disent aussi que ceux qui auront pris un stage de novembre à mai seront prioritaires pour reprendre le même de mai à novembre. Sauf que ceux qui sont décalés et choisissent en mai, comme les femmes qui ont eu le malheur de faire un bébé par exemple, auront moins de choix et devront aller plus loin", pointe-t-elle.  

Au sujet de la rémunération, objet de débats entre les organisations étudiantes et le ministère, François Braun a tranché en faveur d’une...

partie de rémunération à l’acte. "C’est historique", soulève Raphaël Presneau. Si le calcul reste à préciser, les internes en médecine générale toucheront la base fixe des Docteurs Juniors soit 1900 euros nets mensuels à laquelle s'additionne une rétrocession de 20% des actes réalisés. "Ce type de rémunération, délibérément innovante, fait du ‘Docteur Junior’ en médecine générale un professionnel confronté à la réalité de l’exercice libéral, ainsi qu’aux modalités très concrètes d’encaissement et de gestion des honoraires", s’est félicité François Braun. Enfin, une prime de 400 à 500 sera débloquée pour tous ceux qui choisiront de réaliser leurs stages dans des zones sous-denses. "Mais attention, précise le président de l’Isnar-IMG. Notre salaire sera plafonné à 4500 euros nets mensuels avant impôts quoiqu’il arrive." 

Une somme qui correspond au salaire d’un praticien hospitalier sur le papier… mais sera loin d’être la réalité de tous les internes. "Les 4500 euros, c’est si on fait 30 consultations par jour, plafond maximal qui nous a été imposé. Or si on fait des consultations de 20 minutes, comme ce qui est recommandé pour nous, ça veut dire qu’on fait 3 consultations par heure et donc ça veut dire qu’on travaille 10h/jour, sans compter la pause repas", calcule la présidente de l’Isni. Bien loin des 48 heures hebdomadaires de travail légal des internes... "Il y a aussi les journées de formation à prendre en compte ? Est-ce que le ministère a vraiment pris tout ça en compte ?" 

 

Participation obligatoire à la PDSA

Une incertitude à laquelle s’ajoute une inquiétude : l’obligation faite à tous les 4e année de médecine générale désormais de participer à la permanence des soins ambulatoires (PDSA). "On nous a parlé d’une astreinte téléphonique", précise Raphaël Presneau, soulignant qu’ils n’ont pas eu plus d’informations pour le moment. "Mais on ne sait pas encore si la rémunération liée à la PDSA sera comprise dans le plafond des 4500 euros." 

Enfin, comme c’est le cas pour les autres spécialités, les futurs généralistes devront désormais passer leur thèse dans les trois premières années de leur internat. Une dérogation sera possible pour les étudiants qui passeront les ECN en 2023, 2024 et 2025 mais ils devront tout de même avoir soutenu leur thèse avant la fin de leur année de Docteur Junior. Le nombre de maîtres de stage universitaire devrait par ailleurs être monté à 16.000 (contre 13.000 actuellement) pour le mois de novembre 2026.  

"On vient de commencer à étudier la proposition de loi Valletoux dans laquelle il y a un nombre pas possible d'amendements qui veulent contraindre les jeunes installés dans des territoires choisis. En même temps, on apprend aux étudiants que leur formation va changer mais on ne sait pas encore comment… On leur dit que ce n’est pas grave car on a le temps. On dit ça aux mêmes qui ont entendu parler et assisté au fiasco de la réforme des ECN", regrette Olivia Fraigneau, inquiète pour les graves conséquences que cela pourr avoir sur les choix de spécialité.  

Pour les deux présidents de syndicats, le combat continue donc. "On veut se battre pour demander le report d’au moins un an de la mise en place", assure Raphaël Presneau qui estime que les délais sont trop courts avant la procédure de choix des spécialités, fin août. "Nous n’avons même pas encore les textes officiels", ajoute-t-il. Même son de cloche à l’Isni : "On va continuer notre travail et voir avec les députés. Après tout, ce sont eux qui ont voté cet allongement de l’internat donc ils ont tout pouvoir pour dire que ça commencera un an plus tard", ironise la présidente de l’Isni.  

Rare point positif toutefois à ses yeux : la porte ouverte par François Braun à élargir ce statut de Docteur Junior Ambulatoire aux autres spécialités ayant une dominante ambulatoire. "Ce n’est pas pour tout de suite, mais ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd", conclut-elle.  

*Diplôme d’études spécialisées 

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