"Nous ne sommes pas des machines à cash" : deux généralistes de SOS médecins répondent à la présidente de MG France

Une petite phrase prononcée par la Dre Agnès Giannotti dans les colonnes de Libération a provoqué la colère de deux praticiens de SOS médecins. La présidente de MG France a en effet estimé que “plus de 40% ne sont pas médecins traitants”. “Ils font autre chose, travaillent pour des plateformes de soins non programmés, type SOS Médecins. C’est terrible. Car ce sont de vraies machines à cash, mais cela ne sert à rien pour les patients”. Travaillant pour l’association à Dijon, les Drs Ambroise et Rochelet ont rédigé une longue lettre ouverte, envoyée à Egora, pour répondre à ces accusations. Nous la publions en intégralité.
 

"Lettre ouverte à quatre mains en réponse à Agnès Giannotti, Présidente de MG France Madame la Présidente et Chère Consœur, Je suis un de ces médecins spécialistes en médecine générale qui a choisi de s’installer au sein d’une structure SOS il y a quelques années  Les raisons qui m’ont amené à choisir le SOS sont simples: cet exercice me plait et me passionne.  Il me permet de travailler au plus près des malades, chez eux, et de ne pas omettre, au moment de prendre mes décisions, le facteur de leur environnement et de leurs difficultés parfois immenses à se soigner selon ce que devrait être la normalité sociale. Quand je vais voir un toxicomane en rupture sociale dans un foyer d’hébergement qui le laisse dehors, qu’il pleuve qu’il vente, de 9 heures à 19 heures, vous pensez que je le fais par appât d’un gain facile? Quand je vais visiter un demandeur d’asile qui vient d’obtenir son sauf conduit préfectoral et n’a pas encore eu de lien avec la PASS, vous pensez que je lui extorque des honoraires pour faire gonfler mon chiffre d’affaire?  Quand je vais constater, en journée, le décès d’un cadavre en pleine décomposition auprès de policiers pressés et implorant que je ne pose pas d’obstacle médico-légal, dans un secteur où l’assurance maladie refuse de me payer, parce que le médecin traitant, légitimement bloqué auprès de ses malades du jour, refuse de de se déplacer et dit « appelez SOS », vous pensez que je fais les poches du défunt? Vous pensez réellement que quand je prescris un bilan ou met en place toute une prise en charge à domicile ou en EHPAD pour éviter à un senior le supplice d’attendre des heures sur un brancard aux urgences avec retour nocturne, je me lave les mains du suivi en renvoyant la suite au médecin traitant?  Pique et s’en va, médecin one shot, pizzaiolo et dans Libé samedi « machine à cash »? La coupe est pleine, elle déborde, trop c’est trop. Madame Giannotti, pensez-vous vraiment que les jeunes médecins spécialistes en médecine générale ne plébiscitent l’activité qui est la mienne  que sur le seul aspect financier? Alors que la visite à domicile est honteusement rémunérée? Alors que la ROSP si chère à vos yeux ne nous concerne pas? Alors que le SOS, c’est faire des soirées et des week-ends?  Les jeunes choisissent le SOS car c’est une activité humainement enrichissante, un état d’esprit, un travail collectif, une conscience de l’importance sociale des médecins pour les quelques malades pour lesquels socialement nous sommes les derniers liens ténus qui les raccrochent à une société dont ils sont en marge ou exclus.  C’est une variété d'activités en lien avec les hôpitaux, le 15, les forces de l’ordre, les services de psychiatrie et les services sociaux.  C’est la possibilité d’avoir une vie sociale et privée épanouie en sortant du travail. Nos stages sont plébiscités, peut être avons nous cette qualité à savoir convaincre et donner envie, peut être que nous les formons bien aussi. Et enfin c’est aussi un dernier oasis où le paiement à l’acte prédomine, loin de l’arbitraire des paiements aux forfaits et des ROSP, loin de votre croyance en l’argent public magique pour embaucher des azalées, des assistants médicaux contre plus d’abattage que vous avez acceptés en accordant une confiance inouïe en l’assurance maladie, en envoyant les confrères dans une authentique souricière dont ils découvrent aujourd’hui toute la réalité face aux propositions iniques de la CNAM pour les années à venir, face à cette convention que vous mêmes refusez de signer, du moins pour le moment… Car de mes années d’installation, précédées de 2 ans de remplacement et 3 d’internat, autant d’années d’engagement syndical, j’ai compris la manœuvre de claquer la porte médiatiquement pour revenir tout signer par la chatière… Vous avez cru les sirènes. Sachez que je n’ai rien contre les personnes et je sais qu’il y a des consœurs et des confrères formidables encartés à MG France, qui m’ont témoigné de leur indignation face à votre attaque abjecte, et savent l’utilité de mon travail quand eux ont la tête sous l’eau. J’y ai même des amis très proches et les discussions que nous avons sur notre métier sont passionnantes et enrichissantes. Qu’il y ait eu ou qu’il y ait des abus dans le soin non programmé, je le sais, mais il y en a autant chez les médecins traitants. Je n’ai jamais autant appris comment « jouer » avec la NGAP ou la CCAM que lors de mon stage praticien chez un médecin traitant plein de « convictions de gauche » et encarté chez vous. C’est un enseignant aujourd’hui retraité de mon DMG qui malgré les ROSP continuait de voir 40 patients par jour et disait que sa ROSP était son 13eme mois. C’en est un autre qui disait de ses internes en SASPAS lui avaient payé sa résidence secondaire. Ils n’étaient pas encartés chez moi et avaient le même mépris que vous avez exprimé pour les « machines à cash » SOS… Et dans tous ces  cas les abus sont minoritaires  Au moment d’une unité syndicale, fût-elle de façade, à quelques jours d’une manifestation unitaire, cette sortie est une sortie de route.  Je vous laisse, car le tiroir caisse de la machine à cash est fatigué et va profiter d’une semaine de repos méritée qui se terminera par un week-end de garde… Bien confraternellement Dr Martin AMBROISE SOS21 Dr Rémi ROCHELET SOS MÉDECINS DIJON"    

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