CPTS : trois minutes pour comprendre les enjeux de la négo

17/01/2019 Par Aveline Marques
Assurance maladie / Mutuelles

C'est parti ! Le coup d'envoi des négociations interprofessionnelles sur l'exercice coordonné a été donné ce mercredi 16 janvier. Face à la Cnam, pas moins de 48 syndicats représentatifs de 15 professions de santé. Au programme, six séances de négociations pour penser l'exercice collectif, notamment au sein de 1000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et en finir avec l'exercice isolé. Le point sur les enjeux.

"50 personnes dans une salle, c'est l'ONU !" Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, ne cache pas son scepticisme à la sortie de la première séance de négociation interprofessionnelle sur l'exercice coordonnée, qui s'est déroulée hier après-midi à la Cnam en présence des représentants de 15 professions de santé. Enjeu : tourner la page de l'exercice isolé et mailler le territoire avec 1000 CPTS d'ici 2022 dans "une logique de responsabilité territoriale et populationnelle", indique la lettre de cadrage de la ministre de la Santé. Le temps presse puisque la négociation, menée en parallèle de la négo mono-catégorielle sur les assistants médicaux, doit aboutir d'ici avril à la signature d'un accord cadre interprofessionnel (ACI), faute de quoi un règlement arbitral sera mis en place. Avec une séance par semaine jusqu'au 4 avril, entrecoupées de réunions de groupes de travail ad hoc, les représentants syndicaux auront à peine le temps de souffler.

 Si la nécessité de mieux de coordonner fait l'objet d'un large consensus, reste à savoir comment y parvenir. "Nous ne voulons pas d'un cahier des charges imposé, qui soit un carcan, où nous aurions des cases à cocher pour obtenir les moyens de faire notre travail, insiste le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. La question n'est pas qu'est-ce que les professionnels peuvent faire pour les CPTS ? Mais qu'est-ce que les CPTS peuvent faire pour moi ?". Tandis que Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, redoute une "pseudo-concertation où les technocrates décident seuls", Jean-Paul Hamon déplore la menace faite par la ministre de la Santé de recourir à la loi. "On voudrait décrédibiliser les syndicats médicaux qu'on ne s'y prendrait pas autrement."  

  1. Qu'est-ce que l'exercice coordonné ?

Etonnamment, alors que plus de 1200 maisons de santé pluriprofessionnelles sont sorties de terre ces dernières années, il n'existe aucune définition juridique de l'exercice coordonné. Pour la ministre de la Santé, l'exercice coordonné implique "a minima la participation à une CPTS et le travail en équipe". L'ACI devra donc préciser "le contenu des missions susceptibles de définir les conditions d'un exercice coordonné par un professionnel de santé". La question est loin d'être anodine, puisque les pouvoirs publics entendent moduler la rémunération des professionnels de santé en fonction de leur participation, ou non, à un mode d'exercice coordonné. Les médecins seront les premiers concernés, au travers de l'avenant sur les assistants médicaux. La participation à un exercice coordonné est en effet l'une des conditions exigées pour bénéficier de l'aide financière à l'embauche. Pour la Cnam, l'exercice coordonné revêt deux dimensions : une dimension de proximité –"coordination clinique"- autour d'un patient avec notamment les équipes de soins primaires (ESP), et une dimension territoriale au sein d'une CPTS. Quand une CPTS est constituée, "les professionnels adhérents doivent s'investir a minima dans l'exercice des missions socles et pour ceux des professionnels de santé non concernés par une mission socle, au moins une mission complémentaire", propose la Cnam. Mais pour Jean-Paul Ortiz, vouloir distinguer une coordination de proximité et une coordination de territoire n'a pas de sens : "la proximité en neurochirurgie, c'est la région ; le territoire en médecine générale, c'est la patientèle d'un ou deux médecins, argumente-t-il. Gardons-nous de cloisonner en niveaux la médecine de ville." Son confrère des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel, apprécie en revanche le fait que les équipes de soins primaires (ESP), "1ère étape" de ce vaste chantier de la coordination, ne soient pas oubliées. "Il y aura aussi une négociation sur les ESP, soit dans le cadre de cet ACI, soit à part. C'est important pour les professionnels de santé de 1er recours", se réjouit-il.   2) Quelles seront les missions socles des CPTS ? Accès aux soins et organisation des parcours : pour la Cnam, ce sont les deux "missions socles" des CPTS, sur lesquelles elles devront plancher dès leur constitution et qui seront rémunérées en fonction de l'atteinte d'objectifs. Première responsabilité des CPTS : trouver un médecin traitant (MT) aux 11,6% patients de plus de 16 ans qui n'ont pas – en tout cas, à ceux qui en veulent un. Les communautés devront les recenser, identifier la capacité des généralistes du territoire à prendre de nouveaux patients et définir les patients prioritaires. Elles devront notamment anticiper les départs en retraite des médecins. L'atteinte de l'objectif serait mesurée par des indicateurs tels que par l'augmentation de la patientèle MT par médecin ou l'augmentation de la population bénéficiant d'un MT. Autre grande mission : organiser la réponse à la demande de soins non programmés à l'échelle du territoire. La Cnam rappelle à ce titre que 43% des passages aux urgences relèvent d'une prise en charge de ville et que 75% de ces passages ont lieu entre 8 heures et 20 heures en semaine. Pour désengorger les urgences, il faut donc pouvoir répondre à la demande d'un rendez-vous chez le généraliste dans les 24 heures, et chez un spécialiste de 1er ou 2nd recours dans des "délais rapides". Après un état des lieux, la CPTS coordonnera l'ouverture de plages horaires de soins non programmés, réparties sur toute l'amplitude de la journée et de la semaine, la PDSA prenant le relais en soirée et le week-end. A charge pour elle de mettre en place le dispositif d'orientation et les outils numériques nécessaires (agenda partagé, plateforme etc.). La Cnam encourage également à utiliser la télémédecine et à organiser un "accès simple à des examens de radiologie/biologie". La baisse du nombre de recours aux urgences sur le territoire, le nombre de consultations enregistrées dans ces plages de soins non programmés et la satisfaction des patients sont autant d'indicateurs qui pourraient être mis en place. Les attentes de la population étant fortes sur l'accès aux soins, ces deux missions font consensus parmi les syndicats. Mais elles laissent néanmoins perplexes Jean-Paul Hamon : "En plantant des CPTS, fera-t-on pousser des médecins qui n'existent pas?" Quant à l'organisation des parcours entre 1er/2nd recours, entre ville et hôpital et entre les secteurs sanitaire, médico-social et social, tout le monde s'accorde sur sa nécessité : elle améliorera la continuité des soins, permettra d'éviter des hospitalisations/réhospitalisations et favorisera le maintien à domicile. La Cnam suggère aux CPTS de procéder par étape en organisant des parcours ciblés : personnes atteintes de handicap, sorties d'hospitalisation… Plusieurs syndicats ont insisté sur la nécessité de s'y atteler sans délai, alors que la Cnam comptait laisser un an aux CPTS pour mettre en œuvre cette mission socle, qui ne concerne pas les seuls médecins. "C'est un sujet fédérateur pour les différentes professions, souligne Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Quand la sortie d'hospitalisation d'un patient n'est pas préparée, "on met sous pression le pharmacien qui récupère une ordonnance le vendredi à 18 heures avec des choses compliquées à gérer, on met en difficulté l'infirmière qui doit changer sa tournée et ne sait pas si l'héparine a déjà été injectée ou pas, et le médecin qui sera informé 3 jours après." D'autres missions "complémentaires" peuvent également être conduites par les CPTS en fonction des besoins de la population et des dynamiques locales : travail sur la qualité et la pertinence des actes, actions de prévention (promotion de la vaccination, des dépistages organisés…), formation interprofessionnelle continue, attractivité du territoire (par l'accompagnement de stagiaires, le développement de l'exercice mixte)… Certains syndicats ont manifesté leur volonté de faire remonter la prévention dans les missions socles. "Ces missions socles seront obligatoires, si elles ne sont pas remplies il n'y aura pas le financement", met en garde Luc Duquesnel, qui appelle à ne pas "charger la barque".   3) Quelle rémunération pour les CPTS et les professionnels ? La Cnam pose un grand principe, déjà applicable aux MSP : celui d'une "rémunération des CPTS et non des professionnels de santé en tant que participants de la communauté". La structure redistribue ensuite, afin d'indemniser par exemple le temps passé en réunion par les professionnels. La CPTS sera rémunérée dans le cadre d'un contrat "individualisé" avec l'Assurance maladie et l'ARS qui définira les missions (obligatoirement les deux missions socles), les objectifs et les modalités de suivi. Il s'agirait de rémunérer la fonction de coordination en tant que telle (et non le soin) et les outils, en  fonction du nombre d'habitants et de professionnels de santé du territoire. Ce à quoi s'ajouteraient une rémunération spécifique pour la coordination de chaque mission en fonction de l'intensité des moyens mis en œuvre. La rémunération pourra être bonifiée "au regard de l'atteinte d'objectifs", propose la Cnam. Selon les missions (socles ou complémentaires), les fonds viendraient de l'ACI ou du Fonds d'intervention régional (FIR). "La part Cnam dans le financement doit être majoritaire. Le FIR doit rester minoritaire", insiste le Dr Jacques Battistoni, rejoignant le Dr Ortiz, de la CSMF. Mais quid du médecin qui, par exemple, s'engagera à libérer 2 heures chaque semaine pour les soins non programmés ? "Il faut une valorisation du soin non programmé pris en charge par le médecin, c'est ce qu'on va proposer dans la négociation mono-professionnelle, déclare Jean-Paul Hamon. Il faut une sorte de forfait comme il y a pour la PDSA, parce que ce n'est pas certain qu'il y ait des soins non programmés qui arrivent." "A Metz, les actes de soins non programmés sont majorés de 15 euros", cite en exemple le Dr Duquesnel, des Généralistes-CSMF. Pour le Dr Ortiz, en revanche, il est "hors de question de faire varier l'acte médical en fonction de l'appartenance ou non à la CPTS". "Nous avons une ligne rouge : de l'incitatif oui, du désincitatif, non", résume le Dr Battistoni.

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Frederic Limier

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