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"Stress", "contradictions", "harcèlement": les médecins libéraux dépassés par le flot des DGS-Urgent

Depuis bientôt deux ans, les alertes DGS-Urgent font quasiment partie du quotidien des professionnels de santé engagés dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Mais ces directives, recommandations et bonnes conduites, envoyées à près d’un million de destinataires au total, lassent chaque jour un peu plus les médecins, dont certains se disent submergés par ce flot d’informations. Entre contradictions, manque de reconnaissance et flou perpétuel, ils crient aujourd’hui leur ras-le-bol sur Egora.
 

Chaque vendredi soir, c’est la même question : recevra, recevra pas ? Sur les réseaux sociaux, c’en est presque devenu un jeu entre les soignants, lessivés par presque deux années de lutte contre un virus inconnu, arrivé tout droit de Chine. Le 7 janvier dernier, il est tombé, sans faute : le "fameux DGS-Urgent du vendredi soir", qui suscite tant d’ironie et d’agacement chez les médecins libéraux. Cette fois, il concernant l’adaptation de la doctrine de test.

"Qui peut penser qu’un groupe de professionnels de santé va s’organiser et réfléchir la nuit du vendredi au samedi à la nouvelle organisation qui va coller au dernier DGS-Urgent ? s’interroge le Dr Dominique Thiers-Bautrant, gynécologue à Aix-en-Provence. On n’y arrive pas. On ajoute de la panique au chaos, c’est contre-productif !" Un timing qui exaspère également le Dr Stéphane Fraize : "Ce n’est pas franchement en phase avec nos horaires de travail. On peut les lire n’importe quand, certes, mais ça renvoie une image extrêmement désagréable", fustige le généraliste qui exerce près de Bordeaux. 

Depuis février 2020, la liste de diffusion DGS-Urgent, jusqu’alors utilisée très occasionnellement pour transmettre des informations de haute importance en matière de santé publique aux libéraux, est devenue le canal de référence pour informer ces derniers sur l’évolution de l’épidémie de Covid-19, mais aussi leur transmettre les dernières recommandations et conduites à tenir. "C’est à ce jour le seul moyen direct dont dispose la DGS pour informer de façon instantanée les professionnels de santé", indique la Direction générale de la Santé, contactée par Egora, qui note que ce canal était effectivement à l’origine "adapté aux crises à cinétique courte". Son utilisation a dû être élargie au regard du caractère "sans précédent" de la situation, explique-t-on.

"Son importance s’est reflétée par le nombre de destinataires couverts, qui s’élève à près d’un million à ce jour", fait par ailleurs valoir l’organe ministériel.

Seulement, voilà, si un million de soignants reçoivent aujourd’hui ces alertes, nombre d’entre eux ne les lisent plus, ou peu, car ils se disent submergés par un flot d’informations continu. C’est le cas de certains médecins. "Je n’en lis même pas la moitié", reconnaît le Dr Pierre Francès, installé à Banyuls-sur-Mer, qui travaille près de 80 heures par semaine. "Tout le monde en rigole des DGS. Je n’en lis plus que 1 sur 6", admet le Dr Thiers-Bautrant. La gynécologue, qui tente de rattraper les retards de prise en charge et participe à la campagne de vaccination sur son temps libre, est fatiguée. À chaque DGS-Urgent qui tombe, la lassitude est un peu plus grande. Et ce "ras-le-bol est généralisé", assure-t-elle.

 

 

"On en a fait du harcèlement"

"On reçoit ces messages sur toutes les adresses électroniques que nous avons fournies aux autorités de santé (celle du cabinet, la messagerie sécurisée, voire aussi celle de l’hôpital), ce qui fait qu’on peut recevoir trois voire quatre fois par jour un même DGS-Urgent. On n’est pas tout le temps sûr que ce soit le même donc on ouvre tout, et c’est fatiguant. Surtout qu’ils sont presque quotidiens avec le fameux DGS du vendredi soir qui nous met tous en stress parce qu’on ne sait jamais ce qu’il nous réserve", explique le Dr Dominique Thiers-Bautrant.

"Depuis deux ans, on en a fait une espèce de harcèlement", estime-t-elle. "Harcèlement", le mot est lâché. Sur Twitter, la gynécologue, également élue de la Fédération des médecins de France (FMF), parle même de "maltraitance numérique". Un sentiment qui semble partagé par nombre de ses confrères et consœurs, en témoignent les réactions à son message : "Et le droit à la déconnexion ?… on en parle…" déplore par exemple une internaute, généraliste. "Même avec une bonne volonté c’est impossible à suivre … et à appliquer", répond un autre praticien, soulevant là une autre problématique : celle de la compréhension de l’information. Le nerf de la guerre.

"Les messages distillés par la DGS sont très difficiles à lire. C’est très compact, avec souvent 3 ou 4 pages", abonde le Dr Pierre Francès, qui ne cache pas sa colère : "Nous, médecins, avons une activité assez importante. On voit bien que les gens qui sont à l’origine de ces DGS-Urgent sont des personnes qui passent la journée à se 'masturber l’esprit'. Elles ne se rendent pas compte des réalités de terrain : le généraliste n’a pas le temps pour lire !" Dans ce flot d’informations, le généraliste – qui vaccine en centre - déplore que le message principal soit difficilement lisible... au risque de passer à côté. Ce qu’il voudrait : une synthèse de quelques lignes qui serait envoyée une fois par semaine.

Le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, le constate également : "La communication est parfois extrêmement abondante, souvent longue, trop longue, à lire pour des professionnels de santé qui sont eux-mêmes parfois surinformés, même s’ils ne le sont pas toujours de la bonne façon."

 

"On n’arrive plus à savoir ce qui est urgent"

Difficile également pour les praticiens, entre deux consultations, de trier l’information qui leur parvient, remarque de son côté le Dr Stéphane Fraize, selon qui, "il n’y a aucune hiérarchisation de l’urgence". "Le terme DGS-Urgent n’est pas du tout adapté. Pour les commandes de vaccin, on ne voit pas bien le côté urgent. Et lorsqu’il y a de nouvelles directives, c’est le même intitulé. Cela devient ridicule. Quand tout est urgent, on n’arrive plus à savoir ce qui l’est vraiment, explique-t-il. Il serait utile de "changer l’intitulé" des courriels concernant les commandes de vaccins pour rendre la tâche plus facile aux médecins, avance-t-il, regrettant par ailleurs le mélange du politique et scientifique, qui brouille le message.

L’information devrait par ailleurs être ciblée...

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