L’algorithme médecin : fascination, fantasme et réalité
Dans cette chronique, notre expert Rémy Teston appelle à se poser "la bonne question" sur l'algorithme médecin : non pas “qui sera le meilleur ?”, mais “comment travailler ensemble ?"
Il est devenu un personnage à part entière du récit technologique. On lui prête des capacités quasi surnaturelles : diagnostiquer mieux qu’un humain, lire des scanners en un instant, prédire une maladie avant qu’elle n’apparaisse. L’algorithme médecin fascine. Il inquiète. Il nourrit les fantasmes de ceux qui rêvent d’une médecine automatisée, mais aussi les craintes de ceux qui y voient la fin du jugement clinique. Entre les deux, la réalité est plus complexe, moins spectaculaire… mais tout aussi révolutionnaire.
D’abord, il faut dire la vérité : oui, certains algorithmes font mieux que l’humain sur des tâches très spécifiques. Dans l’analyse d’images médicales, dans la détection de micro-calcifications ou de mélanomes, dans la reconnaissance de signaux physiologiques faibles, l’intelligence artificielle bat déjà la moyenne des praticiens. Pas parce qu’elle est plus intelligente, mais parce qu’elle ne fatigue jamais, ne cligne pas des yeux et ne connaît pas l’oubli. C’est un outil de précision, de répétition, d’exhaustivité.
Mais croire qu’un algorithme remplacera le médecin est un contresens. La médecine n’est pas une somme de pixels et de probabilités. C’est un doute raisonné, une intuition nourrie de milliers de cas, une capacité à voir l’exception quand la machine ne voit que le plus probable. L’algorithme, lui, n’a pas d’empathie, pas de contexte, pas d’histoire clinique globale. Il n’entend ni la voix du patient, ni ses silences, ni ses hésitations. Or ces signaux faibles là, l’humain les capte mieux que n’importe quel réseau neuronal.
Le vrai enjeu n’est donc pas de savoir si l’algorithme sera médecin. Il est de comprendre comment il peut devenir un copilote clinique fiable, supervisé et explicable. Un outil qui alerte, trie, priorise, recommande, mais qui laisse la décision à l’humain. Le pilotage médical est un acte de responsabilité juridique, scientifique et émotionnelle. Une machine ne porte pas la responsabilité d’une vie.
Il faut aussi regarder la réalité moins glamour : l’IA médicale n’est pas magique. Elle peut se tromper. Elle peut discriminer si elle a été entraînée sur des données biaisées. Elle peut halluciner des résultats plausibles mais faux. Elle peut être excellente pour reconnaître une pneumopathie sur une radio, et catastrophique dès que l’image provient d’un hôpital qui utilise un autre protocole ou un autre matériel. L’algorithme a besoin d’encadrement, de validation clinique, de transparence. Sinon, il devient un risque latent.
Et pourtant, malgré ces limites, quelque chose est en train de changer. L’algorithme devient un collègue invisible : il lit les examens avant le radiologue, détecte les signaux faibles avant le cardiologue, prépare les courriers médicaux, identifie des interactions médicamenteuses, aide à structurer les dossiers, anticipe les complications. Il peut réduire les erreurs, soulager la fatigue cognitive, sécuriser les prescriptions, améliorer le suivi. Non pas en remplaçant, mais en augmentant.
La fascination pour l’algorithme médecin raconte notre époque : un monde saturé de données, de pression, d’urgence où l’on espère que la machine viendra réparer ce que l’organisation n’arrive plus à gérer. Mais la réalité dit autre chose : l’avenir n’est pas automatisé. Il est hybride. Humain + algorithme. Science + clinique. Intuition + calcul.
Alors posons la bonne question : non pas “qui sera le meilleur ?” mais “comment travailler ensemble ?” Car l’erreur serait de croire que la médecine n’a besoin que d’intelligence artificielle. Elle a surtout besoin d’intelligence… humaine.
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