Olivier Veran

De ministre à animateur télé : Olivier Véran nous raconte sa reconversion dans la "tech" santé

En 2024, l’ancien neurologue et ministre de la Santé Olivier Véran a lancé Innov, une société de conseils et de lobbying pour les startups sur la santé. Depuis septembre, il est également à la tête de l’émission Tech Care, consacrée à la recherche et aux avancées technologiques en médecine, sur la nouvelle chaîne de santé Mieux, lancée par Michel Cymes. Devenu expert sur le sujet de la santé numérique, Egora l’a interviewé.

16/12/2025 Par Mathilde Gendron
Interview
Olivier Veran

Egora : Vous présentez depuis septembre l’émission "Tech Care" sur la chaîne Mieux. Pourquoi avoir accepté cette mission ?

Dr Olivier Véran : Pour plusieurs raisons. D’abord, Michel Cymes me l’avait proposé. J’ai trouvé l’aventure de la chaîne Mieux intéressante parce que c’est une chaîne destinée aux patients et ça manquait sur la paf. Ensuite, c’est une équipe en qui j’ai confiance, car elle fonde tout sur la science et la rigueur. Et quand ils m’ont proposé d’animer une émission, je leur ai tout de suite dit que ce qui m’intéressait, c’était de faire quelque chose sur la technologie, pas sur la politique de santé.

 

Pourquoi ?

J’avais la volonté de me diversifier un peu, et parce que je suis passionné de technologie depuis toujours. Je suis fils d’ingénieur. J’ai toujours été fasciné par ce que l’innovation peut apporter au système de santé. Donc j’ai eu envie de mettre à l’honneur ceux qui innovent, pour qu’ils puissent pitcher leur projet et montrer au public ce que ces innovations permettent d’espérer pour aujourd’hui et demain.

Comment se déroule une émission Tech Care ?

Avec Lilie Zalking, la productrice de l’émission, on définit un thème, comme le sommeil, le cancer du sein, la douleur chronique... Avec la volonté que l’information délivrée soit compréhensible et accessible pour le grand public - c’est lui notre cœur de cible.

Au début, Lilie Zalking fait un état des lieux des informations qu’elle a recueillies sur le thème du jour. Après, j’ai deux invités : généralement des formateurs, des patrons d’entreprises ou de startup en lien avec le thème. Ils viennent présenter de manière vulgarisée leur innovation, pourquoi ils l’ont développée… On échange ensuite sur les perspectives que ça permet d’ouvrir.

"Je pense que j’ai un peu de crédit au niveau scientifique et médical"

Comment un neurologue et ancien ministre de la Santé en arrive à présenter une émission sur la santé numérique ?

La neurologie est sûrement la discipline qui fait le plus rêver, fantasmer ou peur quand on parle de technologie. Il y a d’un côté les promesses des neurotechnologies de réparation, et puis il y a celles qui font peur, les neurotechnologies d’augmentation, qui ne sont pas dans le domaine de la santé et qui se développent à marche forcée, notamment aux États-Unis.

Ensuite, j’imagine que la notoriété aide quand on veut promouvoir et porter un certain nombre de messages. Je pense que j’ai un peu de crédit au niveau scientifique et médical et puis des réseaux qui m’ont fait confiance et qui m’ont demandé si ça m’intéresserait.

Depuis un an et demi, j’ai monté mon activité [Innov, NDLR] en lien avec la technologie en santé où j’accompagne des startups et des plus gros groupes, avec des conseils de stratégies et un peu d’investissements. Donc j’ai acquis une forme d’expertise dans ce secteur. J’ai vu plus d’une centaine de startups françaises en un an. Ça me passionne, et quand on veut faire les choses bien, il faut être passionné.

 

"Dans ce pays, il y a des gens qui considèrent que quand la technologie et l’innovation viennent du secteur privé, ce n’est pas bien"

 

Un article de Télérama indique qu’avec Tech Care, vous "soignez surtout les startups", que répondez-vous ?

Dans ce pays, il y a des gens qui considèrent que quand la technologie et l’innovation viennent du secteur privé, ce n’est pas bien. Je ne suis absolument pas d’accord. On a besoin de soigner à l’hôpital et d’aider les entreprises qui innovent et qui nous permettent de mieux diagnostiquer, soigner et guérir. On est très fiers d’avoir des innovations françaises. Il faut pouvoir les soutenir et les aider.

Quel est votre regard sur le numérique en santé en France ?

Si on prend le début, c’est-à-dire l’innovation et la recherche, on est excellent. On a de très bonnes écoles de formation, de très bons médecins et un esprit créatif. Il y a aussi un écosystème très favorable à la recherche et à l’innovation avec les pôles de compétitivité, les incubateurs, les accélérateurs, des leviers fiscaux que le monde entier nous envie, avec les crédits impôts recherche (CIR), l’intervention de la banque publique d’investissement (BPI) qui permet de soutenir le développement des entreprises.

On a aussi des gens déterminés. Les Français ont du caractère, dans le domaine de l’entreprise ça leur permet de tenir et de porter leur projet avec détermination. On a aussi un marché important parce que le marché européen de la santé, c’est des millions d’habitants.

"C’est beaucoup plus dur aujourd’hui d’acquérir et de commercialiser des données en France que n’importe où ailleurs"

Quels sont nos points faibles ?

Je dirais qu’on a des difficultés d’ordre réglementaire européen et français. Si je prends les datas et les données, c’est beaucoup plus dur aujourd’hui d’acquérir et de commercialiser des données en France que n’importe où ailleurs, pour des raisons réglementaires et pas pour des raisons d’argent. Or les données et la data, c’est le nerf de la guerre.

Et puis il y a l’accès au marché, en France on a coutume de dire que quand une entreprise a réussi à montrer que son projet est efficace, ça lui ouvre les portes de tous les pays du monde. Donc ça veut dire que c’est compliqué de faire du chiffre d’affaires quand on démarre, en France.

Je ne peux pas me résoudre à voir des entreprises françaises lever de l’argent pour acheter des données aux États-Unis dans des perspectives de développer leurs produits là-bas parce que c’est plus facile qu’en France.

 

La France est en retard par rapport aux autres pays ?

Il y a plusieurs sujets. L’un des sujets essentiels, c’est l’usage et l’appropriation par les professionnels et les patients. Il y a une différence qui s’est créée entre la France, qui a peut-être eu une lenteur au démarrage, et les États-Unis, où ça galope. Mais ça peut se rattraper.

Les enquêtes montrent qu’on sous-estime probablement le niveau d’utilisation et d’attente des soignants français vis-à-vis de l’IA parce qu’ils sont déjà très majoritaires à utiliser des outils embarquant de l’IA. On voit que c’est là, il faut qu’on en ait un bon usage. J’invite plutôt les soignants à s’approprier ces outils, à en faire des aides, ne pas avoir peur d’être remplacés par des outils numériques et en faire plutôt des assistants pour les aider et être plus performants. Là, on pourra avoir des gains de santé publique.

Ensuite, il y a un sujet de modèle économique. Si on utilise des outils technologiques pour améliorer les soins, les soins sont plus chers. Mais en France, le prix sera le même, car le système est fondé comme ça. En plus, il n’y a pas toujours d’accompagnement économique des soignants pour qu’ils s’équipent donc c’est parfois compliqué.

Et, sur l’accès aux données, on est extrêmement protecteur en France. On voit beaucoup d’algorithmes se développer à l’étranger, à partir de données recueillies dans des conditions éthiques qui sont peut-être douteuses et c’est un problème. Je préfère qu’on ait [en France] une vision plus libérale sur l’usage des données de santé, mais dans un cadre éthique plus encadré. Ce serait plutôt un "oui sous conditions" [pour utiliser les données] qu’un "non sûr".

 

Que faudrait-il améliorer en France ?

La ministre de la Santé, Stéphanie Rist, a annoncé la création d’une direction de l’innovation et du numérique en santé. Je pense que c’est mieux que tous les dispositifs qu’on avait, qui sont trop morcelés, avec d’un côté tout ce qui est dérogatoire type Pécan, Article 51, et de l’autre côté la Direction du numérique en santé.

Il faut qu’on fasse comme nos voisins allemands, qui ont un guichet unique. Ils accueillent les innovations prometteuses, en choisissent quelques-unes qu’ils vont porter de bout en bout, en leur simplifiant les conditions d’exercice, en leur permettant d’être testées plus facilement, d’accéder à un marché, d’avoir du financement...

Ils choisissent des projets qui leur paraissent prometteurs pour pouvoir les accélérer.

Etes-vous prêt à stocker des vaccins au cabinet?

LANGARD FRANCOIS

LANGARD FRANCOIS

Oui

Nous l'avons fait en 2009 pour le H1N1 nous avons toujours au cabinet ,un roulement de vaccins antitétanique qui permet de dépanne... Lire plus

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