Forte hausse des cotisations, faible hausse des prestations : les "efforts" des médecins retraités bien mal récompensés, fustige le président de la Carmf

06/10/2021 Par A.M.
+0,4%. C'est la hausse de la valeur du point ASV consentie cette année par l'Etat. Trop peu au regard des efforts fournis par les médecins depuis dix ans, selon le Dr Thierry Lardenois. Dans une interview à Egora, le président de la Carmf, réélu pour un troisième mandat le 25 septembre dernier, dresse un bilan de la gestion des trois régimes qui composent la retraite des médecins libéraux. Et plaide pour le maintien d'une caisse de retraite autonome, qui a montré "tout son intérêt" en intervenant rapidement auprès des confrères éprouvés par le Covid.
 

  Egora.fr : La réforme des retraites a été suspendue le 16 mars 2020. Le danger est-il écarté pour les médecins libéraux ? Dr Thierry Lardenois : Je ne considère la réforme des retraites ni comme un danger, ni comme écartée. Nous avons de longue date donné notre point de vue sur cette réforme, à laquelle nous ne sommes pas fondamentalement hostiles car elle peut avoir un intérêt pour la population française et éviter la paupérisation de nos anciens. Mais nous avons toujours dit que nous aurions préféré qu'elle se limite à un Pass* pour des raisons techniques, financières et administratives. C'est du bon sens. On verra ce qu'il en sera pour la prochaine mandature et en fonction de qui décidera, quelles seront les bornes de cette réforme, s'il y en a une. On aimerait en tout cas être concertés. Car nous avons montré à quel point durant la crise du Covid nous avions été capables de réagir. Ce serait dommage de créer un énorme mammouth plutôt que plusieurs petites souris efficaces, plusieurs structures capables d'agir et d'être proches des cotisants et allocataires. Rien ne dit qu'une telle crise sanitaire ne se reproduira pas à l'avenir. Il faut envisager la réforme des retraites dans toutes ses dimensions, pas seulement technico-financière mais aussi humaine. Une caisse de retraite c'est aussi une structure humaine et humanitaire.

  Sur le plan financier, les médecins libéraux ne seraient-ils pas lourdement perdants avec la retraite universelle ? Nous avions fait l'étude avec nos actuaires : nous arrivions à une baisse de cotisations d'une douzaine de pourcents, mais avec une baisse de près de 30% des prestations. Le ministère avait nié dans un premier temps. Nous avions donc demandé à toutes les caisses de professions libérales qu'elles commandent une étude équivalente à la nôtre à des actuaires indépendants. Cela a confirmé nos résultats, et ce dans toutes les caisses. Est-il raisonnable d'envisager une baisse de retraite de 30% pour nos jeunes médecins? Je ne pense pas que la retraite des médecins soit mirobolante… D'autant qu'on peut considérer que les futures générations vont voir leur rémunération se tasser un peu. Alors avec des revenus qui baissent, des cotisations qui baissent et des retraites qui baissent, on va se retrouver avec des futurs médecins retraités qui seront dans un état de paupérisation majeure. Evidemment ceux qui décident ces réformes ne seront plus là… Mais pourquoi casser un système qui fonctionne pour le remplacer par un système qui n'est pas meilleur ? Nous, nous proposons un socle commun à hauteur d'un Pass pour chaque Français qui leur permette de bénéficier d'une couverture minimale et au-delà, si des gens travaillent plus et cotisent plus il est légitime qu'ils puissent bénéficier d'une retraite supplémentaire.   Vous avez dénoncé récemment la forte hausse des cotisations retraite du régime de base et de l'ASV ces dix dernières années. Comment l'expliquez-vous ? C'est très simple. Pas de langue de bois de ma part...

 c'est la Carmf qui gère le régime complémentaire, et l'Etat et les syndicats qui gèrent le régime de base et l'ASV. Nous avons une qualité de gestion qui est supérieure. Ils ne font que combler les déficits. Quand il y a un déficit, ils augmentent. Nous, on gère et on anticipe. Nous savions parfaitement qu'il y aurait un déséquilibre démographique du fait du papy boom. Alors il y a vingt ans, on a créé des réserves. Pendant ce temps, le régime de base et l'ASV ont continué à jouer les cigales et ont fait ceux qui n'avaient rien vu et ne savaient rien. Quand il a fallu se remettre à zéro il y a dix ans, il y a eu le choc de l'ASV : +350% d'augmentation de la cotisation, -60% de baisse de valeur du point. L'ASV, on l'a sauvé certes, mais au prix d'un choc financier pour les médecins. Ça a été d'une violence inouïe pour les médecins même si ça s'est fait de façon progressive et que c'était sur des petites sommes… Mais enfin, s'ils avaient géré comme nous, il y aurait des réserves et des excédents !   Quelles sont les perspectives d'évolution pour les cotisations et les prestations ? En ce qui concerne le régime complémentaire, le seul qu'on gère, on continue de s'indexer sur l'inflation. On essaie toujours de la compenser peu ou prou, de sorte que le pouvoir d'achat net des confrères reste à zéro ou légèrement positif en ce qui concerne le régime complémentaire. Mais compte tenu de l'effort qui a été fait dans le régime de base et l'ASV, j'avais obtenu de la CNAVPL** qu'elle demande au Gouvernement d'augmenter les prestations du régime de base de 1%. Ce n'était pas colossal et tout à fait possible compte tenu des réserves car le régime de base a seulement vocation à être équilibré. On m'a dit non, on fait des réserves… A quoi servent-elles? Je ne sais pas. Mais elles nous sont inutiles. Les confrères qui sont en retraite aujourd'hui ont cotisé pour ça et on ne veut pas leur redonner.

En ce qui concerne l'ASV, compte tenu du fait que nous sommes enfin revenus en territoire positif et que les projections de nos actuaires ont montré que l'on va y rester, il était pour nous logique de demander un coup de pouce, étant donné qu'on ne pouvait pas le faire avec le régime complémentaire cette année comme nous l'avions fait l'année dernière. Nous avons fourni les projections aux syndicats, qui l'ont demandé à l'Etat. Dans un premier temps, ça a été refusé. Puis dans un deuxième temps...

 l'Etat a donné +0,4% sur la valeur du point. C'est mieux que rien mais on aurait pu faire 1%, compte tenu de l'effort colossal fourni par les anciens il y a dix ans. Ils s'en plaignent d'ailleurs régulièrement dans les courriers qu'ils m'adressent…   Les médecins libéraux retraités ont-ils perdu ou gagné du pouvoir d'achat durant le quinquennat Macron? Je n'ai pas tous les paramètres pour vous répondre, mais intuitivement je dirais qu'il y a une baisse du pouvoir d'achat. Il y a des années que l'on grignote leur pouvoir d'achat si l'on considère leur pension par rapport à l'inflation. Leur mécontentement est en partie justifié. Mais il faut quand même se rendre que la retraite des médecins est d'après la Cour des comptes la meilleure de toutes les professions libérales. Peut-être aussi parce qu'on est les plus gros cotisants, mais à la fin, les médecins ne sont pas démunis.

Cette caisse de retraite est une vraie maison financière. On ne s'est pas contenté de verser à droite et de récupérer à gauche. On a géré et on a pensé, en regardant les effectifs et leur évolution dans le temps. Et parce que nous faisons de la prévoyance, nous sommes une caisse vivante, attentive à ce qui impacte la profession ou non. C'est ce qui a permis d'être aussi efficace durant la crise du Covid et de prendre en charge presque 7000 médecins malades du coronavirus (avec malheureusement 79 morts libéraux). Et ce, à coût zéro pour l'Etat et pour la Nation… Nous avons auto-financer la totalité des prises en charge de nos confrères en difficulté : je ne connais pas de caisse qui a pu faire aussi bien que nous. Nous avons montré l'intérêt d'une caisse autonome dans sa capacité à s'adapter, à agir comme un bouclier pour des retraités, qui ne sont plus forcément en capacité de réagir dans des situations exceptionnelles comme celle-ci. Imaginez une énorme structure… le temps qu'elle réagisse, on aurait eu des catastrophes.   *Plafond annuel de la Sécurité sociale, fixé à 41 136 euros pour 2021. ** Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales.

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